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Ariane Web: Conseil d'État 435597, lecture du 13 avril 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:435597.20210413

Décision n° 435597
13 avril 2021
Conseil d'État

N° 435597
ECLI:FR:CECHR:2021:435597.20210413
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques Reiller, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH, avocats


Lecture du mardi 13 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu les procédures suivantes :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 21 juin 2016 par laquelle le président de la fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA) a rejeté sa demande de communication de documents, ainsi que la décision implicite confirmant ce refus, et de lui enjoindre de lui communiquer, sans occultation, les documents sollicités dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1611581 du 27 août 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces décisions et a enjoint au président de la fédération française de karaté et disciplines associées de communiquer à M. B... les procès-verbaux du bureau exécutif de la fédération ayant décidé de fixer les dates des assemblées générales des 25 janvier 2014, 17 janvier 2015 et 30 janvier 2016 et leur ordre du jour ainsi que leurs annexes, les grands livres journaux des exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et leurs annexes ainsi que les balances comptables des mêmes exercices et les relevés de comptes bancaires de la fédération relatifs aux exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et les relevés bancaires portant inscription des opérations effectuées pour le compte du président de la fédération depuis le 1er janvier 2010, après occultation des seules mentions des prénoms et noms des personnes physiques autres que celles ayant fait partie des instances dirigeantes de la fédération française de karaté et disciplines associées, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

1° Sous le n° 435597, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 octobre 2019 et le 28 janvier 2020 au secrétariat du Conseil d'Etat, la fédération française de karaté et disciplines associées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 440319, par une requête enregistrée le 28 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération française de karaté et disciplines associées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 27 août 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la fédération française de karaté et disciplines associées ;



Considérant ce qui suit :

1. Le pourvoi en cassation et la requête aux fins de sursis à exécution de la fédération française de karaté et disciplines associées sont dirigés contre le même jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé, par un courrier du 24 mai 2016, au président de la fédération française de karaté et disciplines associées la communication de divers documents. Le président de la fédération n'a accepté, après l'avis favorable du 6 juillet 2017 de la commission d'accès aux documents administratifs, de lui communiquer qu'une partie des documents demandés. Le président de la fédération se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision et lui a enjoint de communiquer à M. B... les procès-verbaux du bureau exécutif de la fédération ayant décidé de fixer les dates des assemblées générales des 25 janvier 2014, 17 janvier 2015 et 30 janvier 2016 et leur ordre du jour ainsi que leurs annexes, les grands livres journaux des exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et leurs annexes ainsi que les balances comptables des mêmes exercices et les relevés de comptes bancaires de la fédération relatifs aux exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et les relevés bancaires portant inscription des opérations effectuées pour le compte du président de la fédération depuis le 1er janvier 2010, après occultation des mentions des prénoms et noms des personnes physiques autres que celles ayant fait partie des instances dirigeantes de la fédération française de karaté et disciplines associées.

3. L'article L. 300-2 du code du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (...) ". Selon l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 3002 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". S'agissant des documents détenus par un organisme privé chargé d'une mission de service public, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public constituent des documents administratifs communicables en vertu de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-6 de ce code et notamment du respect des secrets protégés par la loi. Si les comptes d'un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l'organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public.

4. Les fédérations sportives ont pour objet, en application des dispositions de l'article L. 131-1 du code du sport, l'organisation de la pratique de disciplines sportives. Selon l'article L. 131-9 du même code : " Les fédérations sportives agréées participent à la mise en oeuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. (...) ". Aux termes de son article L. 131-14, " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports ". La fédération française de karaté et disciplines associées qui bénéficie de la délégation prévue par l'article L. 131-14 du code du sport, constitue un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public au sens des dispositions de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration.

5. S'agissant de la demande de communication, d'une part, des procès-verbaux du bureau exécutif de la fédération ayant fixé les dates des assemblées générales et leur ordre du jour ainsi que leurs annexes et, d'autre part, des relevés de comptes bancaires de la fédération relatifs aux exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et des relevés bancaires portant inscription des opérations effectuées pour le compte du président de la fédération depuis le 1er janvier 2010, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a déduit le rattachement de ces documents aux missions de service public de la fédération de ce qu'ils retraçaient les conditions d'exercice de ces missions. Toutefois, en ne recherchant pas s'il existait un lien suffisamment direct entre les opérations retracées par les documents demandés et la mission de service public dévolue à la fédération, alors que cette dernière soutenait exercer aussi des activités privées, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la fédération requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a annulé la décision de son président refusant de communiquer à M. B..., d'une part, les procès-verbaux de son bureau exécutif ayant décidé de fixer les dates des assemblées générales des 25 janvier 2014, 17 janvier 2015 et 30 janvier 2016 et leur ordre du jour ainsi que leurs annexes, d'autre part, ses relevés de comptes bancaires relatifs aux exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et ses relevés bancaires portant inscription des opérations effectuées pour le compte de son président depuis le 1er janvier 2010 et lui a enjoint de communiquer ces documents à M. B.... Les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, par suite, devenues sans objet.

7. Il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la fédération requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 août 2019 sont annulés en tant qu'ils portent sur la communication des procès-verbaux du bureau exécutif de la fédération ayant décidé de fixer les dates des assemblées générales des 25 janvier 2014, 17 janvier 2015 et 30 janvier 2016 et leur ordre du jour ainsi que leurs annexes, d'autre part, des relevés de comptes bancaires de la fédération relatifs aux exercices comptables clos aux 31 août 2013, 31 août 2014 et 31 août 2015 et les relevés bancaires portant inscription des opérations effectuées pour le compte du président de la fédération depuis le 1er janvier 2010.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 440320 de la fédération française de karaté et disciplines associées tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 août 2019.
Article 4 : Les conclusions présentées par la fédération française de karaté et disciplines associées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la fédération française de karaté et disciplines associées et à M. A... B....