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Ariane Web: Conseil d'État 442678, lecture du 19 mai 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:442678.20210519

Décision n° 442678
19 mai 2021
Conseil d'État

N° 442678
ECLI:FR:CECHR:2021:442678.20210519
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public


Lecture du mercredi 19 mai 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme F... V..., M. Jean S... et M. Jean-Michel Z... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune d'Oppède (Vaucluse). Par un jugement n° 2001044, 2001453 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 août et 22 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Jean-Pierre M..., Mme R... Q..., M. B... E..., Mme N... K..., M. T... C..., Mme G... AA..., M. H... L..., Mme W... AB..., M. J... I..., Mme U... X..., M. D... Y... et Mme P... O... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de Mme V..., de M. S... et de M. Z... ;

3°) de mettre à la charge de Mme V..., de M. S... et de M. Z... la somme de 800 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- le code électoral ;
- le décret n° 2019-1494 du 27 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour le renouvellement des conseillers municipaux et communautaires dans la commune d'Oppède (Vaucluse), les 15 sièges de conseillers municipaux et les 2 sièges de conseillers communautaires ont été pourvus. 12 des sièges de conseillers municipaux et les 2 sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Construisons l'avenir d'Oppède " conduite par M. Jean-AD... M..., qui a obtenu 320 voix soit 50,31 % des suffrages exprimés, tandis que les 3 autres sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Oppède notre village " conduite par M. A... S..., qui a obtenu 316 voix soit 49,69 % des suffrages exprimés. M. M... et ses colistiers font appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces opérations électorales. Ils doivent être regardés comme demandant l'annulation du seul article 2 de ce jugement.

2. En vertu de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, l'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 27 du code électoral, dans sa rédaction applicable aux opérations électorales litigieuses, issue du décret du 27 décembre 2019 portant diverses modifications du code électoral : " Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l'utilisation de l'emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu'elle est de nature à entretenir la confusion avec l'emblème national, à l'exception de la reproduction de l'emblème d'un parti ou groupement politique.".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la circulaire électorale de la liste " Construisons l'avenir d'Oppède " comporte dans son coin supérieur gauche, en cartouche, un logo de forme carrée revêtu de la mention " Elections municipales 2020 ", reproduisant un profil de Marianne sur fond bleu en tout point identique à la marque de l'Etat et faisant apparaître, dans son coin supérieur droit, une portion de forme triangulaire du drapeau tricolore. L'insertion de ce logo sur la circulaire électorale de la liste " Construisons l'avenir d'Oppède " caractérise, en dépit de sa petite taille et des dimensions réduites du drapeau tricolore ainsi représenté, une utilisation de l'emblème national prohibée par les dispositions de l'article R. 27 du code électoral.

4. En second lieu, si les dispositions de l'article R. 27 du code électoral ne sont applicables qu'aux affiches et circulaires, l'utilisation des trois couleurs nationales sur les autres documents de propagande électorale ne doit pas constituer un moyen de pression qui serait susceptible d'altérer la sincérité du scrutin. Or il résulte de l'instruction que le même logo que celui figurant sur la circulaire électorale de la liste " Construisons l'avenir d'Oppède ", aux proportions identiques que la reproduction du blason de la commune auquel il est juxtaposé, parfois accompagné d'une carte de France juxtaposant les trois couleurs bleu, blanc, rouge, a été utilisé sur l'enveloppe contenant la circulaire électorale, ainsi que sur plusieurs documents de propagande en forme de tracts publiés notamment sur le compte " Facebook " de la liste " Construisons l'avenir d'Oppède " et sur une photographie des candidats figurant sur leur page d'accueil. Dans les circonstances de l'espèce, l'utilisation des trois couleurs nationales sur ces autres documents de propagande électorale a été de nature à créer une confusion dans l'esprit des électeurs.

5. Compte tenu du très faible écart des voix séparant les listes en présence, ces irrégularités ont été en l'espèce de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. Il résulte de ce qui précède que M. M... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune d'Oppède.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme V... et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à leur charge dès lors qu'ils ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. M... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme V... et autres présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...-AD... M..., premier dénommé, pour l'ensemble des autres requérants, à Mme F... V..., première dénommée, pour l'ensemble des autres défendeurs et au ministre de l'intérieur.


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