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Ariane Web: Conseil d'État 438872, lecture du 11 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:438872.20211011

Décision n° 438872
11 octobre 2021
Conseil d'État

N° 438872
ECLI:FR:CECHR:2021:438872.20211011
Publié au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
LE PRADO ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du lundi 11 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la société Belliard à lui verser la somme de 386 032,43 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande, avec capitalisation, au titre du préjudice subi du fait de son retard lors de l'exécution du marché de construction du pôle éducatif et familial Molière au Havre. Par un jugement n° 1503015 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA00050 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société CMEG contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 20 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CMEG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société Belliard la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Gilbert avocat salarié du cabinet Le Prado, avocat de la société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Belliard ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune du Havre et l'établissement public foncier de Normandie ont organisé une consultation dans le cadre d'un groupement de commandes en vue de l'attribution de marchés de travaux en lots séparés pour la réalisation du pôle éducatif et familial Molière du lotissement Courbet au Havre. La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a conclu, respectivement le 3 octobre 2012 avec la ville du Havre puis le 17 octobre suivant avec l'établissement public foncier, un acte d'engagement pour la réalisation du lot n° 2-1 " gros oeuvre " pour un montant total de 4 649 579,06 euros. La livraison du lot est intervenue le 17 octobre 2014, soit six mois après la date initialement prévue. Estimant que le retard de huit semaines dans la réalisation du lot n° 2-2 " charpente " confié à l'entreprise Belliard lui avait causé un préjudice financier, la société CMEG a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner cette société à lui verser la somme de 386 032,43 euros au titre des frais exposés en raison de son retard dans l'exécution des travaux. La cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt du 17 décembre 2019 contre lequel la société CMEG se pourvoit en cassation, a rejeté l'appel de cette société contre le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2017 qui a rejeté sa demande.

2. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

3. Pour juger que la société CMEG ne pouvait rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Belliard, avec laquelle elle n'était liée par aucun contrat relatif aux travaux en litige, la cour administrative d'appel de Douai a relevé qu'elle n'établissait ni même n'alléguait que ces retards auraient été, compte tenu des circonstances particulières, constitutifs d'une violation des règles de l'art et que sa qualité de tiers au marché conclu par la société Belliard faisait obstacle à ce qu'elle se prévale d'une méconnaissance des délais d'exécution fixés par ce marché. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la cour a ce faisant commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Belliard la somme de 3 000 euros à verser à la société CMEG, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société CMEG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La société Belliard versera à la société CMEG une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au même titre sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société coopérative métropolitaine d'entreprise générale et à la société Belliard.


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