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Ariane Web: Conseil d'État 440377, lecture du 20 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:440377.20211020

Décision n° 440377
20 octobre 2021
Conseil d'État

N° 440377
ECLI:FR:CECHR:2021:440377.20211020
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du mercredi 20 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

L'association Institut de reiki a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 21 février et 13 juin 2018 par lesquelles le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, a annulé l'enregistrement de sa déclaration d'activité. Par un jugement n° 1805967, 1814038 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n°19PA02010 du 3 mars 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'association Institut de reiki contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 4 mai, 19 juillet et 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Institut de reiki demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association Institut de reiki ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Institut de reiki a déclaré une activité de formation professionnelle auprès du préfet de la région d'Île-de-France, enregistrée en dernier lieu le 26 avril 2006, en application de l'article L. 6351-1 du code du travail. Par un avis du 28 juillet 2016, elle a été informée de la mise en oeuvre d'un contrôle administratif et financier de ses activités. Un rapport de contrôle lui a été notifié le 5 février 2017 et, après avoir recueilli ses observations, le préfet de région a, par une décision du 21 février 2018, confirmée le 13 juin 2018 sur la réclamation préalable de l'association, décidé d'annuler l'enregistrement de sa déclaration d'activité, sur le fondement du 1° de l'article L. 6351-4 de ce code, au motif que les formations dispensées n'entraient pas dans le champ de la formation professionnelle continue défini à l'article L. 6313-1 du code du travail. Par un jugement du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de l'association tendant à l'annulation des décisions du préfet de région. L'association se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mars 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6313-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue sont : / 1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ; / 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ; / (...) 5° Les actions de conversion ; / 6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ; / (...) 12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6351-1 du même code, alors applicable : " Toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 dépose auprès de l'autorité administrative une déclaration d'activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle (...). / L'autorité administrative procède à l'enregistrement de la déclaration, sauf dans les cas prévus par l'article L. 6351-3. ". Aux termes de l'article L. 6351-2 du même code : " La déclaration d'activité comprend les informations administratives d'identification du déclarant, ainsi que les éléments descriptifs de son activité. " L'article L. 6351-3 applicable prévoit que : " L'enregistrement de la déclaration d'activité peut être refusé de manière motivée, avec indication des modalités de recours, par décision de l'autorité administrative dans les cas suivants : / 1° Les prestations prévues à la première convention de formation professionnelle ou au premier contrat de formation professionnelle ne correspondent pas aux actions mentionnées à l'article L. 6313-1 ; / 2° Les dispositions du chapitre III du présent titre relatives à la réalisation des actions de formation ne sont pas respectées ; / 3° L'une des pièces justificatives n'est pas produite ".

4. Enfin, le 1° de l'article L. 6361-2 alors applicable de ce code prévoit que l'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les activités en matière de formation professionnelle continue conduites notamment par les organismes de formation et l'article L. 6351-4 que : " L'enregistrement de la déclaration d'activité est annulé par décision de l'autorité administrative lorsqu'il est constaté, au terme d'un contrôle réalisé en application du 1° de l'article L. 6361-2 : / 1° Soit que les prestations réalisées ne correspondent pas aux actions mentionnées à l'article L. 6313-1 ; / 2° Soit que l'une des dispositions du chapitre III du présent titre relatives à la réalisation des actions de formation n'est pas respectée ; 3° Soit que, après mise en demeure de se mettre en conformité avec les textes applicables dans un délai fixé par décret, l'une des dispositions du chapitre II du présent titre relatives au fonctionnement des organismes de formation n'est pas respectée. / Avant toute décision d'annulation, l'intéressé est invité à faire part de ses observations ".

5. Il résulte de ces dispositions que la réalisation de prestations de formation professionnelle continue au sens défini par l'article L. 6313-1 du code du travail est subordonnée à une déclaration préalable d'activité, comportant l'identification du déclarant et la description de son activité, que l'administration enregistre, sauf pour des motifs tenant soit à l'absence de conformité des prestations envisagées ou des conditions de leur réalisation aux dispositions législatives régissant de telles prestations, soit à l'absence de production des pièces justificatives. Une activité illicite ne saurait relever de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 du code du travail, ni par suite donner lieu à enregistrement lorsque ce caractère illicite apparaît au vu de la déclaration de l'organisme prestataire. Au vu des constatations effectuées lors d'un contrôle, l'absence de conformité des prestations réalisées, des conditions de leur réalisation ou du fonctionnement de l'organisme de formation aux dispositions régissant cette activité peuvent justifier que l'enregistrement de la déclaration d'activité soit, selon les termes de l'article L. 6351-4 du code du travail, annulé par l'autorité administrative, ce qui a pour effet de mettre fin à cet enregistrement pour l'avenir. L'annulation de l'enregistrement de la déclaration d'activité, qui se borne à tirer les conséquences de ce que l'organisme a cessé de satisfaire aux conditions mises à l'enregistrement de sa déclaration d'activité et qui ne fait pas obstacle par elle-même au dépôt, sans délai, d'une nouvelle déclaration et à un nouvel enregistrement, est une mesure de police administrative et ne constitue pas une sanction. Eu égard aux droits que l'organisme dispensateur de formation professionnelle tient de l'enregistrement de sa déclaration d'activité, celle-ci ne peut, en l'absence de fraude, être annulée sur le fondement des dispositions de l'article L. 6351-4 du code du travail, au-delà d'un délai de quatre mois, que pour un motif reposant sur une circonstance postérieure à l'enregistrement ou que l'administration n'était pas en mesure de retenir à cette date au vu de la déclaration préalable.

6. En l'espèce, pour juger que le préfet de la région d'Île-de-France avait légalement pu annuler l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'association, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur la circonstance qu'au vu du contenu des supports pédagogiques, la formation délivrée n'entrait pas dans le champ de la formation professionnelle continue défini à l'article L. 6313-1 du code du travail. Toutefois, dès lors que l'activité faisant l'objet de la formation n'était pas illicite et que l'association requérante faisait valoir que le contenu de la formation dispensée et les supports utilisés étaient restés inchangés depuis leur création de sorte que la décision attaquée portait atteinte à ses droits acquis, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour a commis une erreur de droit en jugeant qu'un tel motif pouvait légalement justifier l'annulation de l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'association requérante, sans rechercher si ce motif n'était pas de nature à remettre en cause les droits que l'association tenait de cet enregistrement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à verser à l'association Institut de reiki, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Institut de reiki une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Institut de reiki et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la Section du Contentieux, présidant ; Mme A... M..., Mme D... L..., présidentes de chambre ; M. B... K..., Mme C... F..., Mme H... J..., M. I... G..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 20 octobre 2021.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
La secrétaire :
Signé : Mme N... E...



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