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Ariane Web: Conseil d'État 445685, lecture du 20 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:445685.20211020

Décision n° 445685
20 octobre 2021
Conseil d'État

N° 445685
ECLI:FR:CECHR:2021:445685.20211020
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jonathan Bosredon, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du mercredi 20 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme L... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1701407 du 5 octobre 2018, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 18LY04420 du 25 août 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre l'article 2 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2020 et 11 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de M. et Mme C... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au cours duquel l'administration a relevé, d'une part, qu'en juin 2009, M. C... avait apporté à la société JMS, qu'il contrôle avec son épouse, l'usufruit temporaire, pour une durée de sept ans, de titres de la société Coralu, cet apport étant rémunéré par l'attribution à M. C... de titres de la société JMS assortis d'une soulte. La société JMS a cédé cet usufruit temporaire le jour-même et au même prix à la société CM, également contrôlée par M. C..., cette acquisition ayant été financée au moyen d'un emprunt sur sept ans. L'administration a, d'autre part, établi qu'en novembre 2009, M. C... avait apporté à la société JMS l'usufruit temporaire, pour une durée de dix-sept ans, de parts de la société CM, et avait en contrepartie reçu des titres de la société JMS ainsi qu'une soulte. L'administration a constaté que l'usufruit pour sept ans des titres Coralu avait été valorisé en tenant compte de ce que l'emprunt souscrit par la société CM serait couvert par la distribution de dividendes par la société Coralu. Parallèlement, elle a relevé que l'usufruit pour dix-sept ans des titres CM avait été valorisé en tenant compte de ce que, dans une première période, correspondant aux sept années au cours desquelles l'emprunt souscrit par cette société pour l'acquisition de l'usufruit des titres Coralu serait remboursé, aucune distribution de la part de CM n'aurait lieu, puis que, au cours des dix années suivantes, CM verserait un flux continu de dividendes. L'administration a estimé que le versement de ces derniers dividendes revêtait un caractère hypothétique, en ce qu'il supposait une prolongation par M. C... pour dix années supplémentaires de l'usufruit des titres Coralu qu'il n'avait consenti que pour sept ans. Elle en a déduit que la valeur de l'usufruit temporaire sur dix-sept ans des titres CM était de seulement 621 353 euros et que la différence entre cette somme et celle de 2 649 767 euros pour laquelle avait été valorisé l'apport des titres de la société CM à la société JMS devait être regardée comme un avantage occulte consenti par cette dernière société à M. C..., imposable entre ses mains sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts. Elle a en conséquence assujetti M. et Mme C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009, assorties de pénalités pour manquement délibéré. Le tribunal administratif de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement de prélèvements sociaux intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme C... tendant à la décharge de ces impositions. Ces derniers se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 25 août 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.


2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. La seule circonstance qu'une société bénéficie d'un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l'existence d'un appauvrissement de la société bénéficiaire de l'apport au profit de l'apporteur. Dès lors, en jugeant que l'administration fiscale avait pu à bon droit regarder M. C..., apporteur des titres, comme ayant bénéficié de la part de la société JMS, bénéficiaire de l'apport, d'une libéralité, taxable entre ses mains sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, au seul motif qu'elle avait établi que les parties à cette opération avaient délibérément retenu une valeur d'apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 août 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme L... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. K... F..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. I... M..., M. B... E..., M. J... H..., M. A... N..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat-rapporteur ;

Rendu le 20 octobre 2021.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Jonathan Bosredon
La secrétaire :
Signé : Mme D... G...




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