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Ariane Web: Conseil d'État 442162, lecture du 22 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:442162.20211022

Décision n° 442162
22 octobre 2021
Conseil d'État

N° 442162
ECLI:FR:CECHR:2021:442162.20211022
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Mathieu Le Coq, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
BALAT ; SCP L. POULET-ODENT, avocats


Lecture du vendredi 22 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté d'agglomération du Muretain (Haute-Garonne) à lui verser la somme de 50 173,40 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de sa période de disponibilité et du retard dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Par un jugement n° 1500277 du 1er décembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX00391 du 16 mars 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 juillet et le 23 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de Le Muretain Agglo la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. B... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Le Muretain Agglo ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., adjoint technique de 2ème classe de la communauté d'agglomération du Muretain placé en disponibilité pour convenances personnelles depuis le 1er octobre 2003, a sollicité, le 11 avril 2012, sa réintégration au 1er octobre 2012. Le président de la communauté d'agglomération a maintenu M. B... en disponibilité par un arrêté du 6 novembre 2012 au motif qu'aucun poste dans un emploi correspondant à son grade n'était vacant. Sept postes lui ont été proposés les 8 avril 2013, 18 septembre 2013, 29 janvier 2014 et 24 novembre 2014. M. B..., après avoir manifesté son intérêt pour trois d'entre eux, a été réintégré le 5 janvier 2015. Par un jugement du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Muretain, devenue Le Muretain Agglo, à lui verser une indemnité en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de sa période de disponibilité et du retard dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. M. B... se pourvoit contre l'arrêt du 16 mars 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes du second alinéa de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ". Aux termes de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. (...) Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 précitée (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire mis en disponibilité pour convenances personnelles a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité. D'une part, si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable. D'autre part, lorsque la collectivité dont relève l'agent constate qu'elle n'est pas en mesure de lui proposer un emploi correspondant à son grade à la date à laquelle la réintégration est demandée, elle doit saisir, sauf réintégration possible à bref délai, le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu'il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au moins douze postes correspondant au grade d'adjoint technique de 2ème classe de M. B... ont été déclarés vacants au sein de la communauté d'agglomération du Muretain entre le 1er octobre 2012, date pour laquelle l'intéressé avait demandé sa réintégration, et la première proposition de poste qui lui a été faite, le 8 avril 2013. En estimant, dans ces circonstances, qu'aucun dépassement du délai raisonnable dont disposait la communauté d'agglomération pour procéder à la réintégration de M. B... ne pouvait en l'espèce être retenu, la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. En outre, il découle de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que la communauté d'agglomération n'avait pas commis de faute en ne saisissant pas le centre de gestion, alors qu'elle considérait ne pas être en mesure de lui proposer un poste correspondant à son grade à la date de réintégration demandée ou de procéder à sa réintégration à bref délai après cette date, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 mars 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La communauté d'agglomération Le Muretain Agglo versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... B... et à la communauté d'agglomération le Muretain Agglo.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. J... E..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. H... K..., M. I... F..., M. Hervé Cassagnabère, conseillers d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 octobre 2021.


Le Président :
Signé : M. L... C...
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme A... G...


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