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Ariane Web: Conseil d'État 443810, lecture du 5 novembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:443810.20211105

Décision n° 443810
5 novembre 2021
Conseil d'État

N° 443810
ECLI:FR:CECHR:2021:443810.20211105
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Frédéric Gueudar Delahaye, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP KRIVINE, VIAUD, avocats


Lecture du vendredi 5 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. P... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 439 000 euros en rémunération des missions qu'il aurait effectuées pour le compte des services de renseignement français, assortie des intérêts courant à compter du 30 décembre 2014, ainsi que la somme de 20 000 000 euros en indemnisation des préjudices subis du fait de ces services. Par un jugement n° 1504110 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17LY04119 du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. G... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Viaud, Krivine, avocat de M. G... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. G..., ressortissant indien, arrivé en France en février 2002 et naturalisé français en octobre 2012, affirme avoir été en contact, peu de temps après son arrivée en France, avec des agents du ministère de l'intérieur qui l'auraient sollicité pour des missions d'infiltration et de collecte de renseignements. Par un courrier du 29 décembre 2014, il a saisi le ministre de l'intérieur d'une demande indemnitaire à hauteur, d'une part, de 439 000 euros correspondant à la rémunération qu'il estime lui être due pour la période du 23 mars 2003 au 7 avril 2010 et, d'autre part, de 20 000 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis dans sa vie personnelle du fait de son refus de poursuivre ces missions. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet du ministre de l'intérieur le 19 mars 2015. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande dont l'avait saisi M. G... à la suite de cette décision. Celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 novembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. Il résulte des dispositions combinées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat que les emplois permanents de l'Etat sont en principe occupés par des fonctionnaires, ces emplois permanents pouvant être pourvus par des agents contractuels soit lorsqu'ils impliquent un service à temps incomplet, soit dans les cas limitativement prévus à l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. Le caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi. En jugeant qu'un emploi doit être budgétairement ouvert dans un service considéré, doit s'insérer dans une chaîne hiérarchique déterminée et comporter des attributions stables et déterminées pour être regardé comme un emploi permanent, alors qu'aucun texte ni aucun principe ne fixe de telles exigences, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Dès lors, son arrêt doit être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. En premier lieu, s'il n'est pas sérieusement contesté par le ministre de l'intérieur que M. G... a pu bénéficier de rétributions versées en application des dispositions de la loi du 21 janvier 1995, selon lesquelles " Les services de police et de gendarmerie peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l'identification des auteurs de crimes ou de délits ", et si M. G... a fait valoir dans son mémoire en réplique devant la cour administrative d'appel qu'il aurait signé un contrat avec les services de renseignement, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, alors qu'il avait indiqué en première instance et dans son mémoire d'appel qu'aucun contrat n'avait été signé. Dans ces conditions, il ne saurait se prévaloir d'une créance relative à des rémunérations qui lui seraient dues au titre d'un contrat qu'il aurait passé avec l'Etat.

5. En second lieu, si M. G... soutient avoir subi divers préjudices en raison d'agissements des services de police ou de renseignement après la cessation de sa collaboration, les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir le bien-fondé de ses allégations.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en appel et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que M. G... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 21 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. G... devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. P... G... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... K..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. J... M..., Mme A... L..., M. D... H..., M. E... N..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 novembre 2021.
Le président :
Signé : M. O... C...

Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :
Signé : Mme F... B...