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Ariane Web: Conseil d'État 440028, lecture du 9 novembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:440028.20211109

Décision n° 440028
9 novembre 2021
Conseil d'État

N° 440028
ECLI:FR:CECHR:2021:440028.20211109
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocats


Lecture du mardi 9 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme U... P..., Mme H... K..., M. et Mme AC... N..., M. et Mme O... R..., AE... D... Q..., M. et Mme AI... B..., AE... AJ... AA..., M. et Mme Z... E..., M. et Mme J... AG..., AE... A... I..., M. et Mme X... M... et M. et Mme V... AB... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel le maire de Wasquehal a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Lucien Viseur un permis de construire onze logements, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1510500 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Par une ordonnance n° 19DA00533 du 9 avril 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles L. 331-1, R. 343-3 et R. 811-1-1 du code de justice administrative, la requête et un mémoire enregistrés au greffe de la cour les 1er mars et 29 août 2019, par lesquels la société civile de construction vente Lucien Viseur a demandé l'annulation du jugement du 28 décembre 2018.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 30 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société civile de construction vente Lucien Viseur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 décembre 2018 ;

2°) réglant l'affaire au fond, à titre principal, de rejeter la demande d'annulation de Mme P... et autres, et, à titre subsidiaire d'annuler partiellement l'arrêté du 26 juin 2015 sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de lui enjoindre de déposer un permis modificatif et à la commune de le délivrer dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à venir;

3°) de mettre à la charge solidaire de Mme U... P... et autres et de la commune de Wasquehal la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de la société civile de construction vente Lucien Viseur, et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la commune de Wasquehal ;




Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 26 juin 2015, le maire de Wasquehal a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Lucien Viseur un permis de construire onze logements sur le territoire de la commune. Mme U... P... ainsi que dix-huit autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet de leurs recours gracieux. Par un premier jugement du 12 juillet 2018, le tribunal a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et après avoir écarté plusieurs moyens de la requête, sursis à statuer pour permettre la délivrance d'un permis de construire modificatif visant à régulariser les vices qu'il retenait. Par un jugement du 28 décembre 2018, contre lequel la SCCV Lucien Viseur se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a, en l'absence de production d'un permis modificatif, annulé l'arrêté du 26 juin 2015.

2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de signature de la minute par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience manque en fait.

3. En deuxième lieu, l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date du jugement attaqué, dispose que : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

4. Lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge administratif peut, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.

5. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent contester la légalité d'un permis de régularisation par des moyens propres et au motif qu'il ne permet pas de régulariser le permis initial. En revanche, si aucune mesure de régularisation ne lui est notifiée, il appartient au juge de prononcer l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse, sans que puisse être contestée devant lui la légalité du refus opposé, le cas échéant, à la demande de régularisation présentée par le bénéficiaire de l'autorisation. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d'une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.

6. Pour juger illégal le permis de construire délivré le 26 juin 2015 à la SCCV Lucien Viseur, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la circonstance qu'aucun permis de construire modificatif n'avait été produit auprès de lui. Si la société requérante se prévalait de la demande de permis de construire modificatif qu'elle avait présentée en vue de la régularisation des vices relevés dans le cadre du sursis à statuer, il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à constater qu'aucune régularisation de l'autorisation d'urbanisme n'était intervenue dans le délai imparti par son premier jugement, sans se prononcer sur la légalité du refus du maire de Wasquehal de délivrer le permis modificatif sollicité, contestée devant lui, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation ".

8. Il ressort des écritures de la société requérante devant le tribunal administratif de Lille que celle-ci avait demandé à celui-ci de ne faire usage de la faculté qui lui est conférée par ces dispositions que dans l'hypothèse où il constaterait l'illégalité du refus opposé par le maire de Wasquehal à sa demande de permis de construire modificatif en vue de régulariser le permis délivré le 26 juin 2015. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, en ne motivant pas son refus de prononcer une annulation partielle du permis attaqué, il n'a pas méconnu son office ni entaché son jugement d'irrégularité. En s'abstenant de faire usage de cette faculté alors que, par son arrêté du 31 octobre 2019, le maire avait manifesté son refus de régulariser l'autorisation litigieuse, il n'a pas davantage commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV Lucien Viseur n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Wasquehal au titre de ces mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société civile de construction vente Lucien Viseur est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Wasquehal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile de construction vente Lucien Viseur et à la commune de Wasquehal.
Copie en sera adressée à Mme U... P..., à Mme H... K..., à M. et Mme AC... N..., à M. et Mme O... R..., à Mme D... Q..., à M. et Mme AI... B..., à Mme AJ... AA..., à M. et Mme Z... E..., à M. et Mme J... AG..., à Mme A... I..., à M. et Mme X... M..., à M. et Mme V... AB....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. S... Y..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. T... AF..., Mme A... AD..., M. F... L..., M. G... AH..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 9 novembre 2021.


Le Président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Stéphanie Vera
La secrétaire :
Signé : Mme W... C...



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