Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 437375, lecture du 24 novembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:437375.20211124

Décision n° 437375
24 novembre 2021
Conseil d'État

N° 437375
ECLI:FR:CECHR:2021:437375.20211124
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Coralie Albumazard, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SARL DIDIER-PINET ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du mercredi 24 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme D..., M. X..., Mme U..., M. P..., Mme Y..., M. AO..., Mme AF..., M. K..., Mme AS..., M. BC..., Mme AP..., Mme AM..., Mme AN..., Mme AY..., M. AY..., M. B..., M. AA..., Mme AA..., M. E..., Mme M..., Mme AU..., Mme BI..., Mme AI..., Mme AT..., M. W..., Mme BF..., M. G..., Mme BE..., M. AW..., M. AX..., M. BA..., M. AC..., M. J..., M. F..., Mme AB... S... et M. AJ... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite du 15 janvier 2017 par laquelle le maire de Bagnolet a délivré à la société Dai Muraille un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier comprenant une surface commerciale et des logements, sur un terrain situé 70-72, rue Victor Hugo et 228-230, rue Etienne Marcel, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), ainsi que la décision du 31 octobre 2018 par laquelle le maire de cette commune a refusé de retirer cette décision.

Par un jugement n° 1813501, 1813506, 1813508, 1813516, 1813519, 1813520, 1913524, 1813527 du 6 novembre 2019, rectifié par une ordonnance du 28 novembre 2019, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Dai Muraille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme D... et autres la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la société Dai Muraille et à la SCP Gaschignard, avocat de Mme D... et autres ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 24 février 2014, la société Dai Muraille a obtenu un certificat d'urbanisme pour la réalisation d'une opération mixte sur un terrain situé à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Le 30 juillet 2014, elle a déposé une demande de permis de construire tendant à l'édification, sur ce terrain, d'un ensemble immobilier de 4 589,65 m2, comprenant 941,95 m2 de surface commerciale et 51 logements. Par un arrêté du 3 août 2015, le maire de Bagnolet a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par un jugement du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ce refus et enjoint au maire de Bagnolet de réexaminer la demande de la société Dai Muraille dans un délai de trois mois. Par un arrêté du 17 janvier 2017, le maire a de nouveau refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la société Dai Muraille. Par un jugement du 18 janvier 2018, le tribunal administratif a, d'une part, annulé ce nouveau refus et, d'autre part, jugé que la société Dai Muraille était bénéficiaire, depuis le 15 janvier 2017, d'un permis de construire tacite résultant de l'injonction prononcée dans son précédent jugement du 13 octobre 2016. Mme D... et autres ont saisi ce même tribunal d'une demande tendant à l'annulation de ce permis de construire tacite ainsi que de la décision du 31 octobre 2018 par laquelle le maire de Bagnolet a refusé de retirer ce permis. La société Dai Muraille se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à leur demande, a annulé le permis de construire tacite du 15 janvier 2017 ainsi que le refus du maire de le retirer.

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

3. Lorsqu'une demande est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, dans les conditions précisées au point 2, l'annulation du refus opposé à cette demande ne prive pas le demandeur du droit à voir sa demande examinée au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de ce certificat, l'administration demeurant saisie de cette demande. Il en va ainsi alors même que le demandeur n'est susceptible de bénéficier d'un permis tacite qu'à la condition d'avoir confirmé sa demande.

4. Il résulte de ce qui est dit au point 3 qu'en jugeant que, faute d'avoir demandé la prorogation du certificat d'urbanisme obtenu le 24 février 2014, la société pétitionnaire ne pouvait bénéficier du maintien des règles d'urbanisme applicables à cette date, alors même qu'il n'était pas contesté que celle-ci avait déposé sa demande initiale dans le délai de dix-huit mois lui permettant de bénéficier du maintien des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de ce certificat, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société Dai Muraille est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Dai Muraille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de Mme D... et autres une somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement n° 1813501, 1813506, 1813508, 1813516, 1813519, 1813520, 1813524, 1813527 du tribunal administratif de Montreuil du 6 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : Mme D... et les autres défendeurs verseront à la société Dai Muraille une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Dai Muraille ainsi qu'à Mme AK... D..., première dénommée pour l'ensemble des défendeurs.
Copie en sera adressée à la commune de Bagnolet ainsi qu'à Mme Z... AF..., Mme V... AN..., M. AE... AY..., M. AL... AA..., Mme L... AA..., M. AE... E..., Mme AD... M..., Mme AR... AU..., M. AZ... BI..., Mme AQ... AI..., Mme N... AT..., M. C... W..., Mme Q... BF..., M. T... G..., Mme BB... BE..., M. AH... AW..., M. A... AX... et à M. T... AJ....


Délibéré à l'issue de la séance du 22 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. I... AV..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. BJ... R..., Mme AG... BH..., M. AE... BD..., M. H... BG..., Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillers d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 novembre 2021.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
La secrétaire :
Signé : Mme BK... O...



Voir aussi