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Ariane Web: Conseil d'État 436802, lecture du 9 décembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:436802.20211209

Décision n° 436802
9 décembre 2021
Conseil d'État

N° 436802
ECLI:FR:CECHR:2021:436802.20211209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP LEDUC, VIGAND ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du jeudi 9 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Châlons-en-Champagne à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction. Par un jugement n° 1602428 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°18NC02353 du 16 décembre 2019, enregistrée le 17 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 26 août 2018 au greffe de cette cour, présenté par Mme C....

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 17 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châlons-en-Champagne la somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme C... et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la commune de Châlons-en-Champagne ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que Mme F... C... a été recrutée par la commune de Châlons-en-Champagne en tant qu'adjointe technique territoriale de 2ème classe, pour assurer l'accueil et l'accompagnement des enfants sur les temps périscolaires, par des contrats à durée déterminée à temps non complet, régulièrement renouvelés du 21 septembre 2006 au 31 août 2016. La commune l'a informée, par un courrier du 19 août 2016, de son intention de ne pas renouveler son contrat à son terme du 31 août 2016. Mme C..., par courrier en date du 3 octobre 2016, resté sans réponse, a demandé à la commune de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière. Par un jugement du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C... tendant à la condamnation de la commune de Châlons-en-Champagne à lui verser la somme de de 10 000 euros. Par une ordonnance du 4 juin 2019, le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi formé par Mme C... contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. / Toutefois, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans à cette même date, la durée requise est réduite à trois années au moins de services publics effectifs accomplis au cours des quatre années précédant la même date de publication / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l'une des réserves mentionnées à l'article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. / Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail. Dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, lorsque la création ou la suppression d'un emploi dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public, la collectivité peut pourvoir à cet emploi par un agent non titulaire. / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que tous les agents non titulaires recrutés sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 cité au point 3 peuvent bénéficier du dispositif prévu par l'article 21 de la loi 12 mars 2012 cité au point 2 s'ils ont atteint une durée de services publics effectifs au moins égale à six années au cours des huit années précédant le 13 mars 2012. Par suite, en jugeant que Mme C... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 21 de cette loi au motif qu'elle n'avait pas été recrutée sur le fondement des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit. Dès lors, Mme C... est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châlons-en-Champagne la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 27 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Article 3 : La commune de Châlons-en-Champagne versera à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Châlons-en-Champagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme F... C... et à la commune de Châlons-en-Champagne.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. K... D..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. I... M..., M. J... G..., M. E... L..., M. B... N..., M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 9 décembre 2021.
La Présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme A... H...


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