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Ariane Web: Conseil d'État 449328, lecture du 7 mars 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:449328.20220307

Décision n° 449328
7 mars 2022
Conseil d'État

N° 449328
ECLI:FR:CECHR:2022:449328.20220307
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
BALAT, avocats


Lecture du lundi 7 mars 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SCI du Marquet et la société Gurdebeke ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du préfet de la région des Hauts-de-France du 11 juillet 2017 rejetant leur demande tendant à la radiation de l'inscription de la " Butte des Zouaves " à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Par un jugement n° 1702500 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif a fait droit à leur demande.

Par un arrêt n° 20DA00449, 20DA00450 du 1er décembre 2020, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la ministre de la culture contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février, 30 avril et 7 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la culture demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société Gurdebeke et autre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 février 2022, présentée par la société du Marquet et la société Gurdebeke.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la " Butte des Zouaves ", monticule de terre se trouvant sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Moulin-sous-Touvent (Oise), appartenant, depuis 2010, à la société du Marquet et sur lequel la société Gurdebeke gère un centre de stockage de déchets ménagers, a été inscrite à l'inventaire des monuments historiques par un arrêté du 2 avril 2002 au motif qu'elle constitue un lieu de mémoire. Par un courrier du 2 octobre 2014, la société du Marquet a demandé au préfet de la région Picardie de radier la Butte des Zouaves de l'inventaire des monuments historiques puis a attaqué le refus qui lui a été implicitement opposé. Par un jugement du 14 mars 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision et enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la demande qui lui avait été faite. Par une décision du 11 juillet 2017, le préfet de la région Picardie a rejeté la demande de radiation. Par un jugement du 31 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette nouvelle décision de refus et la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement par un arrêt en date du 1er décembre 2020, contre lequel la ministre de la culture se pourvoit en cassation.

2. Aux termes de l'article R. 621-54 du code du patrimoine : " L'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques est prononcée par arrêté du préfet de région après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture réunie en formation plénière (...) ". Aux termes de l'article R. 621-59 du code du patrimoine : " La radiation de l'inscription d'un immeuble est prononcée et notifiée selon la même procédure et dans les mêmes formes que l'inscription ".

3. Il résulte de ces dispositions que si la décision d'inscrire ou de radier un immeuble au titre des monuments historiques suppose nécessairement l'intervention de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, il n'en va pas de même de la décision refusant de faire droit à une demande de radiation, dont aucun texte ne prévoit qu'elle doit être soumise à l'avis de cette commission et notamment pas l'article R. 621-59 du code du patrimoine, lequel se borne à prévoir la consultation de cette commission en cas de décision de radiation. Dès lors, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que le préfet de région, saisi d'une demande de radiation, devait recueillir l'avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, même dans l'hypothèse où il rejetterait cette demande.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la ministre de la culture est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 3 de l'arrêt du 1er décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Douai.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 3 de l'arrêt n° 20DA00449, 20DA00450 du 1er décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Douai sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Marquet et Gurdebeke sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture, à la société Gurdebeke et à la société du Marquet.


Délibéré à l'issue de la séance du 9 février 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. A... F..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme L... H..., M. J... C..., Mme E... I..., M. D... G..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 7 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme K... B...


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