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Décision n° 450320
1 avril 2022
Conseil d'État

N° 450320
ECLI:FR:CECHR:2022:450320.20220401
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Cyril Martin de Lagarde, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du vendredi 1 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Clinique Saint Roch a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle la société Bpifrance Financement a été assujettie au titre de l'année 2016 et à laquelle elle-même l'a été au titre de l'année 2017, à raison des mêmes locaux situés à Cambrai. Par un jugement n° 1803387 du 10 décembre 2020, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 21DA00273 du 2 mars 2021, enregistrée le 3 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 8 février 2021 au greffe de cette cour, présenté par la société Clinique Saint Roch.

Par ce pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 9 avril et 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Clinique Saint Roch demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Clinique Saint Roch ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Clinique Saint Roch a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle la société Bpifrance Financement a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de locaux situés à Cambrai, dont cette société était propriétaire à l'époque en sa qualité de crédit-bailleur de la requérante, ainsi que la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a, elle-même, été assujettie au titre de l'année 2017 à raison des mêmes locaux, à la suite de la levée d'option d'achat intervenue le 30 décembre 2016. La société Clinique Saint Roch se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations doivent être individuelles ". Ces dispositions, applicables à la procédure de réclamation préalable devant l'administration fiscale, ne font pas obstacle à la recevabilité d'une requête émanant de plusieurs requérants devant le juge de l'impôt. Une telle requête collective n'est toutefois recevable que si les conclusions qu'elle comporte présentent entre elles un lien suffisant.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Clinique Saint Roch a, par courrier du 26 décembre 2017, adressé à l'administration une réclamation préalable tendant à la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères mentionnées au point 1. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le magistrat désigné, faisant droit à une fin de non-recevoir opposée par l'administration sur le fondement de l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales, a rejeté comme irrecevable la demande de décharge dont il avait été saisi par la société Clinique Saint Roch, pour elle-même ainsi que pour la société Bpifrance Financement, en vertu d'un mandat de cette dernière, au motif qu'elle portait sur des impositions établies au nom de contribuables différents. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les conclusions de cette demande présentaient entre elles un lien suffisant, le magistrat désigné a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme 3 000 euros à verser à la société Clinique Saint Roch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lille.
Article 3 : L'Etat versera à la société Clinique Saint Roch la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Clinique Saint Roch et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, président de chambre ; Mme A... I..., M. D... E..., Mme F... B..., M. H... C..., M. François Weil, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 1er avril 2022.


Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme G... J...