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Ariane Web: Conseil d'État 448912, lecture du 14 avril 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:448912.20220414

Décision n° 448912
14 avril 2022
Conseil d'État

N° 448912
ECLI:FR:CECHR:2022:448912.20220414
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du jeudi 14 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme H..., M. F..., Mme D..., M. B..., Mme A..., M. C..., Mme I... et M. E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération du 30 novembre 2020 du conseil municipal de Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique) en tant qu'elle approuve l'article 32 du règlement intérieur, en ce qu'il réduit l'espace d'expression au sein du magazine municipal précédemment reconnu aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Par une ordonnance n° 2012524 du 4 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de la délibération dans cette mesure.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 2 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Thouaré-sur-Loire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme H... et autres ;

3°) de mettre à la charge de Mme H... et autres la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n°2002-276 du 27 février 2002 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Thouaré-sur-Loire ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l'expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. Les modalités d'application du présent article sont définies par le règlement intérieur du conseil municipal ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'espace réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication et, d'autre part, qu'elles n'ont pas pour objet d'interdire qu'un espace soit attribué à l'expression des élus de la majorité, sous réserve que cette expression n'ait pas pour effet, notamment au regard de son étendue, de faire obstacle à l'expression des élus n'appartenant pas à la majorité.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le conseil municipal de Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique) a défini les modalités d'application des dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales par une délibération du 30 novembre 2020, le nouveau règlement intérieur issu de cette délibération prévoyant en son article 32 que " Chaque groupe dispose d'un espace d'expression au sein du magazine municipal l'Écho ou tout autre support d'information générale à destination des habitants (papier, vidéo, site internet, Facebook). Il correspond à 1/3 d'un format A4. Cet espace est limité à 1520 caractères (mots, ponctuation et espaces compris), avec un visuel 48 x 56 mm, titre et signature compris, ou 1660 caractères (mots, ponctuation et espaces compris), avec un visuel de 30 x 56 mm, titre et signature compris ".

4. Pour prononcer la suspension de la délibération du 30 novembre 2020 en tant qu'elle a approuvé l'article 32 du règlement intérieur, le juge des référés du tribunal administratif a jugé qu'étaient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cet article les moyens tirés de ce qu'il méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au motif que les dispositions de ce nouveau règlement intérieur ont eu pour effet de diminuer de moitié l'espace globalement réservé à l'expression des élus n'appartenant pas à la majorité municipale et de réserver un espace aux élus de la majorité.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en portant une telle appréciation, alors qu'il lui appartenait seulement de se prononcer sur le caractère suffisant et équitablement réparti au regard des caractéristiques de la publication de l'espace réservé à l'expression des élus de l'opposition, le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Thouaré-sur-Loire est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

8. Les moyens tirés de ce que la délibération attaquée, en tant qu'elle modifie l'article 32 du règlement intérieur du conseil municipal, méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, à la fois en ce qu'elle a réduit l'espace dévolu à l'expression des élus n'appartenant pas à la majorité et l'a ouvert aux élus qui en font partie, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ces dispositions.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la demande de Mme H... et autres doit être rejetée.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Thouaré-sur-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2021 est annulée.
Article 2 : La demande de Mme H... et autres est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Thouaré-sur-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Thouaré-sur-Loire et à Mme G... H..., première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


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