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Ariane Web: Conseil d'État 442746, lecture du 22 juin 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:442746.20220622

Décision n° 442746
22 juin 2022
Conseil d'État

N° 442746
ECLI:FR:CECHR:2022:442746.20220622
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Bruno Bachini, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du mercredi 22 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

D'une part, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée sous le n° 1605772, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 octobre 2016, révélée par un communiqué de presse du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances, attribuant un permis exclusif de recherche à la société Variscan Mines sur le territoire de la commune de Couflens ainsi que la décision du 21 octobre 2016, notifiée le même jour à la société Variscan Mines, d'attribution du permis exclusif de recherche.

D'autre part, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée sous le n° 1701308, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances du 21 octobre 2016 accordant à la société Variscan Mines un permis exclusif de recherche de mines de tungstène, étain, bismuth, molybdène, zinc, plomb, cuivre, or, argent et substances connexes.

Par un jugement n° 1605772, 1701308 du 28 juin 2019, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du secrétaire d'Etat du 21 octobre 2016 et rejeté le surplus des demandes.

Par un arrêt nos 19BX03465, 19BX03466, 19BX03467, 19BX03468 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la société Variscan Mines contre ce jugement en tant qu'il avait annulé cet arrêté et prononcé un non-lieu à statuer sur leurs requêtes à fin de sursis à exécution.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 août 2020 et le 4 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette son appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code minier ;
- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la commune de Couflens et autres ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Variscan Mines, dont l'activité a pour objet principal l'obtention et l'exploitation de titres d'exploration, a déposé, le 9 décembre 2014, auprès du ministre en charge des mines, un dossier de demande en vue d'obtenir un permis exclusif de recherche dans la mine de Salau, située sur le territoire de la commune de Couflens (Ariège). Le 21 octobre 2016, le secrétaire d'Etat en charge de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances a publié un communiqué de presse annonçant l'attribution du permis exclusif de recherche de mines de tungstène en faveur de cette société. Par un courrier du même jour, le secrétaire d'Etat à l'industrie a informé cette société de la délivrance de l'autorisation demandée. Cette autorisation a donné lieu à un arrêté du secrétaire d'Etat en charge de l'industrie du 21 octobre 2016, publié au Journal officiel de la République française le 11 février 2017, portant attribution d'un permis exclusif de recherche de mines de tungstène, étain, bismuth, molybdène, zinc, plomb, cuivre, or, argent et substances connexes. Par un arrêt du 16 juin 2020 contre lequel le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel, ainsi que celui de la société Variscan Mines, formé contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2019 en tant qu'il a annulé, sur demande de la commune de Couflens et autres, l'arrêté du secrétaire d'Etat en charge de l'industrie du 21 octobre 2016.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 122-1 du code minier : " Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais. ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes. ". Aux termes de l'article 5 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrains : " Afin de justifier de ses capacités financières, le demandeur d'un titre fournit, à l'appui de sa demande et dans les mêmes conditions qu'à l'article précédent : / a) Les trois derniers bilans et comptes de l'entreprise ; / b) Les engagements hors bilan de l'entreprise, les garanties et les cautions consenties par elle, une présentation des litiges en cours et des risques financiers pouvant en résulter pour l'entreprise ; / c) Les garanties et cautions dont bénéficie l'entreprise. / Si le demandeur n'est pas en mesure de fournir les documents visés au a ci-dessus, il peut être autorisé à prouver ses capacités financières par tout autre document approprié (...) ". Aux termes de l'article 17 du même décret : " La demande de permis exclusif de recherches est assortie d'un dossier comportant (...) le programme des travaux envisagés, accompagné d'un engagement financier précisant, pour les permis de recherches de mines, le montant minimum de dépenses que le demandeur s'engage à consacrer aux recherches (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement : " (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. / II. - Le projet d'une décision mentionnée au I ou, lorsque la décision est prise sur demande, le dossier de demande est mis à disposition du public (...) Les observations du public (...) doivent parvenir à l'autorité publique concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition. (...) ". En vertu de l'article L. 120-3 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée, le respect de la procédure de participation du public conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant global des dépenses prévues par la société Variscan Mines au titre de son programme de travaux, présenté dans son dossier de demande de permis exclusif de recherches dans la mine de Salau, s'élève à 25 millions d'euros. Par un courrier du 18 juillet 2014, le fonds d'investissement Juniper capital partners s'est engagé à hauteur de ce montant, cet engagement étant complété par un courrier du même jour de la société Apollo Multi Asset Management annonçant sa participation au financement du projet dans le cadre d'un partenariat avec le fonds d'investissement. Le désengagement ultérieur de cette société a été compensé par des engagements équivalents pris, d'une part, par la société Apollo Minerals Limited et, d'autre part, par la société Equatorial Resources Limited.

5. En jugeant que le permis exclusif de recherche attaqué avait été délivré au terme d'une procédure irrégulière ayant privé le public d'une information suffisante sur les capacités financières de la société Variscan Mines au seul motif que la substitution, postérieure à la consultation du public qui s'est déroulée du 15 au 30 avril 2016, de deux nouveaux partenaires financiers à la société Apollo Multi Asset Management n'avait pu être portée à sa connaissance, alors même que les éléments financiers figurant au dossier de demande mis à la disposition du public établissaient, à cette date, que la société pétitionnaire disposait des capacités financières suffisantes pour mener à bien les recherches envisagées, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance est, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, fondé à en demander l'annulation en tant qu'il rejette son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté d'autorisation du 21 octobre 2016.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 juin 2020 est annulé en tant qu'il rejette l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Couflens et autres en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commune de Couflens, première défenderesse dénommée, et à la société Variscan mines.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 juin 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse


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