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Ariane Web: Conseil d'État 453757, lecture du 24 juin 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:453757.20220624

Décision n° 453757
24 juin 2022
Conseil d'État

N° 453757
ECLI:FR:CECHR:2022:453757.20220624
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Anne Lazar Sury, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats


Lecture du vendredi 24 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a formé devant le tribunal administratif de Montpellier opposition à la contrainte, signifiée le 30 juillet 2020, émise par Pôle emploi le 22 juillet 2020 en recouvrement d'une somme de 5 915,65 euros correspondant à un indu d'allocation de solidarité spécifique au titre de la période du 9 février 2018 au 31 juillet 2019. Par une ordonnance n° 2003694 du 2 décembre 2020, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 20 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Pôle emploi a, le 30 juillet 2020, signifié par acte d'huissier de justice à Mme B... une contrainte émise le 22 juillet 2020 pour la récupération d'une somme de 5 915,65 euros, correspondant à un indu d'allocation de solidarité spécifique pour la période du 9 février 2018 au 31 juillet 2019. Par une ordonnance du 2 décembre 2020, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a jugé que l'opposition à cette contrainte, formée le 17 août 2020 au greffe de ce tribunal par Mme B..., était tardive et l'a, en conséquence, rejetée comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article R. 5426-21 du code du travail : " La contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 5426-22 du même code : " Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ".

3. Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 5426-22 du code du travail, applicables également aux oppositions formées par un allocataire à l'encontre d'une contrainte émise par Pôle emploi aux fins d'obtenir le remboursement d'une prestation servie au titre du régime d'assurance chômage qu'il estime avoir indûment versée, qui relèvent des juridictions judiciaires, que, ainsi que cela est le cas devant ces juridictions en vertu des articles 642 et 668 du code de procédure civile, l'opposition à contrainte doit seulement être " adressée " à la juridiction compétente, c'est-à-dire expédiée en cas d'envoi postal, avant le terme du délai de quinze jours à compter de la signification de la contrainte, qui n'est pas un délai franc mais est seulement susceptible de prorogation jusqu'au premier jour ouvrable suivant s'il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.

4. Il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que Mme B... s'est vu signifier la contrainte litigieuse par acte d'huissier de justice le 30 juillet 2020. Par suite, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai de quinze jours prévu à l'article R. 5426-22 du code du travail expirait le vendredi 14 août 2020 à minuit. Il résulte toutefois également de ce qui a été dit ci-dessus qu'en se fondant, pour rejeter comme tardive l'opposition de Mme B... à la contrainte signifiée le 30 juillet 2020, sur la circonstance qu'elle n'avait été enregistrée au greffe du tribunal que le lundi 17 août 2020, alors qu'il lui incombait seulement de rechercher à quelle date le pli contenant l'opposition à contrainte avait été adressé au tribunal, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, son ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Pôle emploi une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 2 décembre 2020 de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Pôle emploi versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B....
Copie en sera adressée à Pôle emploi.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache et M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat ; Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 24 juin 2022.



La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Lazar Sury
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber



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