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Ariane Web: Conseil d'État 451251, lecture du 22 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:451251.20220722

Décision n° 451251
22 juillet 2022
Conseil d'État

N° 451251
ECLI:FR:CECHR:2022:451251.20220722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Olivier Pau, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, avocats


Lecture du vendredi 22 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Monte Paschi Banque a notamment demandé au tribunal administratif de Marseille de lui accorder le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été cédés par la société SDP au titre des mois de juin et juillet 2007 à hauteur d'un montant total de 452 883 euros. Par un jugement n° 1106395 du 26 février 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA02020 du 9 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Monte Paschi Banque contre ce jugement.

Par une décision n° 393271 du 20 septembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi de la société Monte Paschi Banque, annulé l'arrêt du 9 juillet 2015 et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un second arrêt n° 17MA04013 du 2 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant après renvoi, a accordé à la société Monte Paschi Banque le remboursement des sommes de 4 604,15 euros et de 80 381,17 euros, réformé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 février 2013 en ce sens et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société.

Par un pourvoi enregistré le 31 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt du 2 février 2021 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Monte Paschi Banque.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Monte Paschi Banque ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les 16 juillet et 1er août 2007, la société SDP a demandé, sur le fondement du IV de l'article 271 du code général des impôts et conformément aux modalités fixées à l'article 242-0 C de l'annexe II à ce code, le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de juin et juillet 2007. En l'absence de réponse de l'administration fiscale à cette demande, la société Monte Paschi Banque, à qui cette créance avait été cédée par conventions des 12 juin et 1er août 2007 en application de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, a saisi le tribunal administratif de Marseille. Par un jugement du 26 février 2013, ce tribunal a rejeté la demande de la société Monte Paschi Banque tendant au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée ayant fait l'objet de ces cessions. Après annulation, par une décision du 20 septembre 2017 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'un premier arrêt en date du 9 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un nouvel arrêt en date du 2 février 2021, partiellement fait droit à la requête d'appel de la société Monte Paschi Banque. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation des articles 1er et 2 de cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. /2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...)./ 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement (...) ". Aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ". Les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées sur le fondement du IV de l'article 271 du code général des impôts constituent, au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des réclamations contentieuses.

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier : " Tout crédit qu'un établissement de crédit (...) consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement (...) par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-24 du même code : " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. / Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement ". Aux termes de l'article L. 313-27 du même code : " La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité (...) ". Aux termes de l'article L. 313-28 de ce code : " L'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, dont les formes sont fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 313-35, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-29 du même code : " Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement (...). / Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ".

4. Lorsque la cession de créance professionnelle effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier intervient avant la présentation de la demande tendant au remboursement de cette créance devant un tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur. Pour justifier de la recevabilité de l'instance qu'il a directement introduite devant le tribunal administratif afin d'obtenir le paiement de sa créance, l'établissement de crédit cessionnaire peut se prévaloir de la réclamation préalable présentée par le cédant à l'administration fiscale, eu égard à l'objet de celle-ci.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour écarter la fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée du défaut de réclamation préalable, la cour s'est fondée sur la circonstance que la demande de la société Monte Paschi Banque présentée directement devant le tribunal administratif de Marseille et tendant au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été cédés par la société SDP, a été introduite après le rejet implicite des demandes de remboursement valant réclamations préalables présentées par la société cédante à l'administration fiscale. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en statuant ainsi, la cour qui n'a pas insuffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Monte Paschi Banque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Monte Paschi Banque la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Monte Paschi Banque.


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