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Ariane Web: Conseil d'État 467022, lecture du 9 septembre 2022, ECLI:FR:CEORD:2022:467022.20220909

Décision n° 467022
9 septembre 2022
Conseil d'État

N° 467022
ECLI:FR:CEORD:2022:467022.20220909
Inédit au recueil Lebon

SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du vendredi 9 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 août et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 7 juillet 2022 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la décision attaquée le prive de son emploi et, par suite, de toute ressource pendant une durée de six mois, alors qu'il a deux enfants à charge et rencontre des difficultés financières, en deuxième lieu, elle est susceptible d'avoir d'importantes répercussions sur sa carrière et, en dernier lieu, elle porte une atteinte grave à l'organisation de la clinique où il exerce ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle se fonde sur le motif " qu'il n'apporte pas la preuve d'un réel suivi pour une dépendance à l'alcool depuis plusieurs années ", alors que, d'une part, les experts désignés sur le fondement de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique ont relevé qu'il bénéficiait d'un suivi médical et psychologique pour son trouble anxieux et sa dépendance à l'alcool et abouti à la conclusion qu'il ne se trouvait pas dans un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession et, d'autre part, qu'il produit de nouvelles pièces attestant d'un tel suivi et de ce qu'il exerçait sa profession à la satisfaction de tous depuis la reprise de ses fonctions en septembre 2021.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique : " I. Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. (...) II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (...) VI. Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII.- La notification de la décision de suspension mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'au préalable ait été diligentée une nouvelle expertise médicale, dont il lui incombe de demander l'organisation au conseil régional ou interrégional au plus tard deux mois avant l'expiration de la période de suspension ".

3. Par la décision contestée du 7 juillet 2022, le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a, en application des dispositions qui viennent d'être citées, suspendu M. A..., médecin spécialiste en anesthésie-réanimation, du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise.

4. A l'appui de sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision, M. A... soutient qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle se fonde sur le motif " qu'il n'apporte pas la preuve d'un réel suivi pour une dépendance à l'alcool depuis plusieurs années ", alors que, d'une part, les experts désignés sur le fondement de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique ont relevé qu'il bénéficiait d'un suivi médical et psychologique pour son trouble anxieux et sa dépendance à l'alcool et abouti à la conclusion qu'il ne se trouvait pas dans un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession et, d'autre part, qu'il produit de nouvelles pièces attestant d'un tel suivi et de ce qu'il exerçait sa profession à la satisfaction de tous depuis la reprise de ses fonctions en septembre 2021. Toutefois, ce moyen ne paraît pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, il y a lieu de rejeter la requête de M. A... selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Fait à Paris, le 9 septembre 2022
Signé : Suzanne von Coester