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Ariane Web: Conseil d'État 461703, lecture du 18 octobre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:461703.20221018

Décision n° 461703
18 octobre 2022
Conseil d'État

N° 461703
ECLI:FR:CECHR:2022:461703.20221018
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD, avocats


Lecture du mardi 18 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction, à concurrence d'une diminution de leurs revenus de capitaux mobiliers de 170 500 euros pour l'année 2015 et 687 057 euros pour l'année 2016, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de ces années. Par un jugement n° 1709453 du 8 juillet 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20PA02599 du 23 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et fait droit aux demandes de M. et Mme A... B....

Par un pourvoi, enregistré le 18 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par M. et Mme A... B....



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de M. et Mme A... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... B... ont, entre 2013 et 2017, conclu avec la société de droit espagnol Publiolimpia SL plusieurs contrats de prêt participatif. Au titre de la rémunération prévue par certains de ces contrats de prêts, consentis entre 2014 et 2016, ils ont perçu en 2015 et 2016 des intérêts qu'ils ont déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à hauteur, respectivement, de 192 104 euros et 692 069 euros. Les 26 juillet et 22 août 2017, à la suite de l'ouverture d'une enquête pénale à l'encontre du gérant de la société Publiolimpia SL, portant sur une fraude d'ampleur consistant à utiliser les fonds prêtés par une partie des investisseurs afin de rémunérer et de rembourser les prêts consentis par d'autres, les époux A... B... ont saisi l'administration fiscale de réclamations tendant à la réduction des revenus de capitaux mobiliers qu'ils avaient ainsi déclarés. L'administration a rejeté ces réclamations. Par un jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. et Mme A... B... tendant à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a fait droit à l'appel formé par les contribuables contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 124 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article, lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 (...) ". L'article 125 du même code dispose que : " Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages, primes de remboursement ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124. / L'impôt est dû par le seul fait, soit du paiement des intérêts, de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte ".

3. La cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que M. et Mme A... B... avaient conclu, entre 2013 et 2017, plusieurs contrats de prêt participatif, authentifiés par un notaire établi à Barcelone, avec la société de droit espagnol Publiolimpia SL, destinés à financer des campagnes publicitaires télévisuelles, et que chacun de ces contrats avait fait l'objet d'une police d'assurance souscrite avec une compagnie d'assurance et avait donné lieu à l'édition de plusieurs billets à ordre qui leur avaient été remis le jour de la signature du contrat, portant l'un sur le remboursement du capital emprunté et les autres sur le paiement des intérêts dus en rémunération du prêt, et comportant chacun la date de leur encaissement.

4. En jugeant que les intérêts perçus par M. et Mme A... B... en 2015 et 2016 devaient, au seul motif qu'ils s'étaient avérés en 2017 provenir non des bénéfices de l'activité de la société Publiolimpia SL mais de la souscription par celle-ci de nouveaux emprunts, être regardés comme fictifs et requalifiés en remboursements en capital à concurrence, pour chacune des années en litige, du montant n'excédant pas celui investi par les intéressés au cours de cette même année, alors que, d'une part, ainsi qu'elle l'avait relevé, les prêts participatifs consentis entre 2013 et 2017 étaient indépendants les uns des autres et que, d'autre part, il était constant devant elle que les intérêts en litige avaient effectivement été payés aux contribuables en rémunération de prêts, échus avant la découverte de la dimension frauduleuse de l'activité de la société emprunteuse et dont le capital leur avait été également intégralement remboursé en 2015 et en 2016, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme C... A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle