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Ariane Web: Conseil d'État 465885, lecture du 27 octobre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:465885.20221027

Décision n° 465885
27 octobre 2022
Conseil d'État

N° 465885
ECLI:FR:CECHR:2022:465885.20221027
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public


Lecture du jeudi 27 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 2124013/6-3 du 19 juillet 2022, enregistrée le 19 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de M. Q... C... tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2021 par laquelle le préfet de police a refusé d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui délivrer l'attestation correspondante, dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Lorsqu'un demandeur d'asile dont le délai de transfert a été prolongé, au motif qu'il est considéré en fuite, demande à la préfecture, en se présentant au guichet ou par écrit, que sa demande d'asile soit " enregistrée en procédure normale ", peut-il être regardé comme demandant à nouveau à l'administration de reconnaître la compétence de la France pour examiner sa demande d'asile ' Dans ce cas, dès lors que la situation personnelle de l'étranger a pu évoluer depuis l'enregistrement de sa demande d'asile, notamment dans l'hypothèse de l'existence de circonstances postérieures à l'expiration du délai de recours à l'encontre de la décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable, et alors que le préfet peut faire usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement 604/2013, le refus opposé à sa demande constitue-t-il une décision susceptible de recours '

2°) Sinon, le refus opposé à la demande de l'étranger doit-il être regardé comme la simple conséquence du choix préalable du préfet de prolonger le délai de son transfert, alors même que cette prolongation ne constitue pas une décision susceptible de recours, l'agent préfectoral se bornant, sur présentation d'une demande, à informer le demandeur de l'existence de cette décision préalable non formalisée, réputée émaner du préfet '

Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2022, M. C... a présenté des observations.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer a présenté des observations.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1.



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;


REND L'AVIS SUIVANT :


1. Lorsqu'un demandeur d'asile fait l'objet d'une décision de transfert vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, la décision de transfert emporte celle refusant de faire application à son bénéfice des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 et du paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement qui, respectivement, prévoient qu'il est " impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeur " et permettent à chaque Etat de " décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans [ce] règlement. ". L'article 29 de ce règlement prévoit que le transfert s'effectue dans un délai de six mois, qui peut être porté à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite.

2. Lorsque, postérieurement à la décision ordonnant son transfert dans l'Etat responsable de sa demande, l'intéressé demande à l'autorité compétente que sa demande d'asile soit instruite " en procédure normale ", il doit être regardé comme demandant à cette autorité de reconnaître la compétence de la France pour examiner sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de dépôt de cette demande lui permettant de suivre la procédure devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

3. Le refus opposé à une telle demande constitue une décision susceptible de recours. Les conclusions d'annulation dirigées contre cette décision sont toutefois irrecevables s'il apparaît, en l'absence de circonstances de fait ou de considérations de droit nouvelles, pertinentes et postérieures à la décision de transfert, que ce refus se borne à confirmer purement et simplement celui de faire application des dispositions mentionnées ci-dessus du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en particulier de la clause dite " discrétionnaire " de l'article 17 de ce règlement, implicitement mais nécessairement inclus dans la décision de transfert. Une telle irrecevabilité doit, en particulier, être opposée à ces conclusions lorsque le demandeur soutient, sans l'établir, qu'ayant été considéré, à tort, comme étant en fuite pour l'application du paragraphe 2 de l'article 29 de ce règlement, le délai de transfert de six mois prévu au paragraphe 1 de cet article n'a pas été prolongé et que la décision de transfert ne peut plus, dès lors, être exécutée.



4. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Paris, à M. Q... C... et au préfet de police. Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 27 octobre 2022.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard


Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :




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