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Ariane Web: Conseil d'État 459942, lecture du 29 novembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:459942.20221129

Décision n° 459942
29 novembre 2022
Conseil d'État

N° 459942
ECLI:FR:CECHR:2022:459942.20221129
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mardi 29 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 décembre 2021 et les 29 mars, 2 septembre et 8 novembre 2022, la société Webgroup Czech Republic demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2021-P-06 du 13 décembre 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de prendre, dans un délai de 15 jours, les mesures de nature à assurer qu'elle se conforme, en ce qui concerne le service de communication au public en ligne " Xvideos ", aux dispositions de l'article 227-24 du code pénal ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code pénal ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 ;
- le décret n° 2021-1306 du 7 octobre 2021 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Webgroup Czech.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Webgroup Czech Republic, dont le siège social se trouve en République tchèque, exploite un service de communication au public en ligne dénommé " Xvideos ". Estimant que cette société rend accessibles aux mineurs des contenus pornographiques sur ce service, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique à compter du 1er juillet 2022, l'a mise en demeure, par un courrier du 13 décembre 2021 de prendre toutes mesures de nature à assurer qu'elle se conforme aux dispositions de l'article 227-24 du code pénal. Elle demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette mise en demeure.

2. Aux termes, d'une part, de l'article 227-24 du code pénal : " Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message (...) pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, (...), soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. / Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. / Les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l'accès d'un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans. "

3. Aux termes, d'autre part, de l'article 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales visée ci-dessus : " Lorsqu'il constate qu'une personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne permet à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adresse à cette personne, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l'accès des mineurs au contenu incriminé. La personne destinataire de l'injonction dispose d'un délai de quinze jours pour présenter ses observations. / A l'expiration de ce délai, en cas d'inexécution de l'injonction prévue au premier alinéa du présent article et si le contenu reste accessible aux mineurs, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'ordonner, selon la procédure accélérée au fond, que les personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique mettent fin à l'accès à ce service. Le procureur de la République est avisé de la décision du président du tribunal. / Le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut saisir, sur requête, le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins lorsque le service de communication au public en ligne est rendu accessible à partir d'une autre adresse. / Le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut également demander au président du tribunal judiciaire de Paris d'ordonner, selon la procédure accélérée au fond, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du service de communication en ligne par un moteur de recherche ou un annuaire. / Le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut agir d'office ou sur saisine du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret. "

4. La mise en demeure prévue par les dispositions du premier alinéa de l'article 23 de la loi du 30 juillet 2020 citées ci-dessus est indissociable de la procédure susceptible d'être engagée, faute pour son destinataire d'y déférer, par le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique devant le tribunal judiciaire de Paris. Par suite, elle n'est pas au nombre des décisions dont il appartient à la juridiction administrative de connaître. La requête de la société Webgroup Czech Republic ne peut, dès lors, qu'être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Webgroup Czech Republic est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : La présente décision sera notifiée la société Webgroup Czech Republic et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.