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Ariane Web: Conseil d'État 468012, lecture du 30 mars 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:468012.20230330

Décision n° 468012
30 mars 2023
Conseil d'État

N° 468012
ECLI:FR:CECHR:2023:468012.20230330
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Anne Redondo, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public


Lecture du jeudi 30 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, les opérations électorales qui se sont déroulées le 5 juillet 2022 en vue de la désignation, par le conseil municipal de Lapeyrouse-Fossat (Haute-Garonne), des représentants de la commune au sein des organes délibérants du syndicat départemental d'énergie de la Haute-Garonne, du syndicat intercommunal des transports publics de la région toulousaine et du syndicat Haute-Garonne environnement et, d'autre part, la délibération du 5 juillet 2022 du conseil municipal relative à la désignation du correspondant défense de la commune. Par un jugement n° 2203949 du 8 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces conclusions.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 octobre et 19 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2023, présentée par Mme G... ;



Considérant ce qui suit :

1. A la suite des élections municipales du 15 mars 2020, Mme G..., élue conseillère municipale de Lapeyrouse-Fossat, a été désignée, d'une part, déléguée de la commune au sein du syndicat départemental d'énergie de la Haute-Garonne, du syndicat intercommunal des transports publics de la région toulousaine et du syndicat Haute-Garonne environnement et, d'autre part, correspondante défense de la commune. Lors de sa séance du 5 juillet 2022, le conseil municipal a procédé au remplacement de Mme G... en qualité de déléguée de la commune au sein de ces trois syndicats et s'est prononcé sur la désignation du nouveau correspondant défense de la commune. Par un jugement du 8 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de Mme G... tendant à l'annulation de ces élections et de la délibération portant sur cette désignation. Mme G... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la circonstance que le mémoire de Mme G... enregistré le 4 septembre 2022 devant le tribunal administratif, dont la requérante ne soutient au demeurant pas qu'il comportait des éléments nouveaux, n'a pas été communiqué aux autres parties à l'instance, n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de la requérante et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par elle.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces de la procédure qu'après que le tribunal lui eut demandé de lui communiquer la délibération du 5 juillet 2022 du conseil municipal et les coordonnées des délégués désignés lors de ce conseil municipal dans trois syndicats de coopération intercommunale ainsi que celles du correspondant défense, la commune de Lapeyrouse-Fossat a joint ces différents documents et informations à ses observations du 20 juillet 2022, qui ont été communiquées à Mme G.... Par suite, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure à son égard et que le jugement serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière.

4. En troisième lieu, les protestations dirigées contre les opérations électorales par lesquelles un conseil municipal désigne les délégués de la commune à l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte doivent être formées dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal. Il s'ensuit qu'une commune n'a pas la qualité de partie devant le juge de l'élection saisi d'une contestation relative à l'élection de représentants d'une commune au conseil d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte.

5. S'il ressort des pièces de la procédure que la commune de Lapeyrouse-Fossat, qui avait la qualité d'observatrice dans le litige électoral dont le tribunal était pour partie saisi, a été appelée à la cause en qualité de défenderesse pour l'ensemble du litige et que les quatre conseillers municipaux désignés pour représenter la commune au sein des trois syndicats de coopération intercommunale et comme correspondant défense l'ont été comme observateurs et non, comme ils auraient dû l'être, en qualité de défendeurs, cette circonstance, dès lors que ces derniers ont eu accès à l'ensemble de la procédure et n'ont pas été privés des droits attachés au caractère contradictoire de la procédure, est demeurée, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur l'élection des délégués de la commune au sein des organes délibérants de plusieurs syndicats de coopération intercommunale :

6. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales : " Les syndicats de communes sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions prévues à l'article L. 2122-7. / Par dérogation au premier alinéa du présent I, le conseil municipal peut décider, à l'unanimité, de ne pas procéder par scrutin secret aux nominations des délégués " et aux termes de l'article L. 5711-1 du même code : " (...) Le conseil municipal et l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent décider, à l'unanimité, de ne pas procéder par scrutin secret aux nominations de leurs délégués au sein d'un syndicat mixte (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-8 de ce code : " (...) En cas de vacance parmi les délégués d'un conseil municipal pour quelque cause que ce soit, ce conseil pourvoit au remplacement dans le délai d'un mois selon les modalités prévues à l'article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale. (...) ". En vertu de ces dispositions combinées et de l'article L. 2122-7 du même code qui, pour l'élection du maire, prévoit un scrutin secret, l'élection des membres du conseil municipal au conseil d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte se fait, à moins que le conseil municipal ne décide du contraire à l'unanimité, au scrutin secret.

7. Il résulte de l'instruction que l'élection partielle des représentants de la commune dans les organes délibérants des trois établissements publics concernés s'est déroulée au scrutin secret, ce que ne conteste d'ailleurs pas Mme G.... La seule circonstance qu'avant cette élection, le vote de la délibération relative au correspondant défense de la commune se soit déroulé au scrutin public ne peut être regardée comme ayant exercé une influence sur le résultat de ces scrutins.

8. En deuxième lieu, si Mme G... soutient qu'elle n'a pu s'exprimer avant qu'il soit procédé au vote sur la désignation du correspondant défense puis à l'élection partielle des représentants de la commune au sein de trois syndicats de coopération intercommunale, il ne résulte pas de l'instruction, alors qu'elle avait adressé la veille de l'élection à l'ensemble des membres du conseil municipal un courriel exprimant sa position sur son remplacement dans ces fonctions, que cette circonstance ait été de nature en l'espèce à exercer une influence sur le résultat du scrutin.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération.

10. Il résulte de l'instruction, d'une part, que, contrairement à ce que soutient Mme G..., la maire de Lapeyrouse-Fossat lui a communiqué, en réponse à sa demande, les statuts du syndicat de communes et des deux syndicats mixtes concernés par les élections partielles en litige. D'autre part, la convocation à la séance du conseil municipal du 5 juillet 2022 était accompagnée d'une notice précisant les motifs pour lesquels des élections partielles étaient organisées. Par suite, Mme G..., qui a d'ailleurs adressé aux membres de la majorité, la veille de la séance du conseil municipal, un courriel dans lequel elle faisait état de plusieurs sujets de désaccords entre elle et la maire de la commune, ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pas disposé d'une information suffisante sur les raisons pour lesquelles la maire a proposé au conseil municipal de la remplacer dans ses fonctions de déléguée de la commune. Le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses auraient été adoptées dans des conditions méconnaissant l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d'organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes ". En vertu de ces dispositions, le conseil municipal dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider de procéder, sous le contrôle du juge de l'élection, à de nouvelles désignations de ses délégués dans un organisme extérieur.

12. Il résulte de l'instruction que le conseil municipal de Lapeyrouse-Fossat a procédé, sur le fondement de ces dispositions, au remplacement de Mme G... comme déléguée pour représenter la commune au sein de trois syndicats de coopération intercommunale en raison de nombreux désaccords dans la gestion de la commune. Ce motif justifiait légalement qu'il soit procédé, sur le fondement de l'article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales, à une nouvelle désignation des représentants de la commune au sein de ces syndicats.

Sur la délibération relative à la désignation du correspondant défense de la commune :

13. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance (...) ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".

14. Une instruction du 8 janvier 2009 du ministre de la défense et du secrétaire d'Etat chargé de la défense et des anciens combattants invite les communes à désigner un correspondant défense, interlocuteur privilégié des autorités civiles et militaires pour ce qui concerne les questions de défense. Les modalités de désignation de ce correspondant défense n'étant précisées par aucune disposition législative ou réglementaire, il revient au maire, seul chargé de l'administration communale en vertu de l'article L. 2122-18 du code général de collectivités territoriales, de procéder, le cas échéant, à une telle désignation, sur laquelle il lui reste loisible de recueillir l'avis du conseil municipal.

15. Il en résulte que la contestation de la délibération par laquelle le conseil municipal se prononce, le cas échéant, sur la désignation du correspondant défense d'une commune ne constitue pas une protestation électorale. Par suite, les conclusions de la requête d'appel de Mme G... contre le jugement du 8 septembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il porte sur la délibération du 5 juillet 2022 du conseil municipal relative à la désignation du correspondant défense de la commune ne ressortissent pas à la compétence du Conseil d'Etat pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les litiges relatifs aux élections municipales, mais à celle de la cour administrative d'appel de Toulouse.

16. Toutefois, le conseil municipal de Lapeyrouse-Fossat s'est borné à émettre un simple avis sur la désignation par la maire du correspondant défense de la commune. La délibération correspondante ne revêt dès lors pas le caractère d'une décision faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions de la requête de Mme G... dirigées contre cette délibération sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance. Il y a lieu de les rejeter par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Si, ainsi qu'il a été dit au point 4, la commune de Lapeyrouse-Fossat n'a pas la qualité de partie au litige s'agissant de la contestation relative à l'élection des représentants de la commune au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, elle est partie au litige pour ce qui concerne la contestation de la délibération relative à la désignation du correspondant défense de la commune.

18. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a mis à sa charge une somme à verser à la commune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à demander, en conséquence, l'annulation de l'article 2 du jugement qu'elle attaque. D'autre part, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune en appel.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Lapeyrouse-Fossat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... G..., à M. A... H..., à Mme I... E..., à Mme C... D..., à M. F... J..., à la commune de Lapeyrouse-Fossat et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 30 mars 2023.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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