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Ariane Web: Conseil d'État 474865, lecture du 12 juillet 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:474865.20230712

Décision n° 474865
12 juillet 2023
Conseil d'État

N° 474865
ECLI:FR:CECHR:2023:474865.20230712
Publié au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
BOUHALASSA, avocats


Lecture du mercredi 12 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2105638 du 6 juin 2023, enregistré le 7 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande de M. D... G... tendant à l'annulation de la décision du maire de Cours (Rhône) du 14 mai 2020 rejetant sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public et de la décision du 1er juillet 2020 rejetant le recours gracieux qu'il avait formé contre cette décision, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Le délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, consacré par la décision n° 387763 du 13 juillet 2016 rendue par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, peut-il être prorogé par la formation d'un recours administratif, même facultatif ' En cas de réponse positive à cette question, l'absence de mention des voies et délais de recours dans la réponse à ce recours administratif a-t-elle pour effet d'ouvrir un nouveau délai raisonnable de recours de même nature à compter de la connaissance, par son destinataire, de cette seconde décision '

2°) Le délai raisonnable consacré par la décision précitée peut-il être interrompu par une demande d'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 '

3°) Faut-il sinon considérer que le respect du délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, au sens de la décision précitée, doit être apprécié par le juge de manière globale, en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des diverses actions entreprises par le requérant depuis qu'il a eu connaissance de la décision attaquée '


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;


REND L'AVIS SUIVANT


Sur la première question :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code prévoit : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ". Aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; / (...) Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ".

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai découlant de la règle énoncée au point 3. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai découlant de la règle énoncée au point 3 pour saisir le juge. En cas de silence gardé par l'administration sur le recours administratif, le délai de recours contentieux de droit commun contre la décision administrative contestée recommence à courir dès la naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif lorsque l'autorité administrative a accusé réception de ce dernier recours et que l'accusé de réception comporte les indications prévues à l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. A défaut, l'intéressé dispose, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu'il conteste, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 3.

Sur la deuxième question :

5. Selon le premier alinéa de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable (...) ". L'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de cette loi et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles dispose que : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifié ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer le destinataire d'une décision administrative sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose celui-ci pour exercer un recours juridictionnel contre cette décision est le délai découlant de la règle énoncée au point 3, une demande d'aide juridictionnelle formée avant l'expiration de ce délai en vue de l'exercice de ce recours a pour effet de l'interrompre. Le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. En cas d'admission à l'aide juridictionnelle, ce délai est celui, en principe de deux mois, imparti par le code de justice administrative pour contester la décision administrative. Lorsque, en revanche, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé, l'intéressé dispose, pour introduire un recours contentieux contre la décision qu'il conteste, du délai découlant de la règle énoncée au point 3.

Sur la troisième question :

7. Il découle de la réponse apportée aux deux premières questions qu'il n'y a pas lieu de répondre à la troisième.


8. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lyon et à M. D... G....
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 12 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle



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