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Ariane Web: Conseil d'État 469858, lecture du 26 février 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:469858.20240226

Décision n° 469858
26 février 2024
Conseil d'État

N° 469858
ECLI:FR:CECHR:2024:469858.20240226
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public


Lecture du lundi 26 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2106170 du 9 décembre 2022, enregistré le 20 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée au tribunal administratif de Paris par M. B... A..., elle-même transmise au tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du président du tribunal administratif de Paris n° 2103873 du 5 mai 2021.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 24 février 2021, M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le procès-verbal du conseil d'administration de la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines du 27 août 2019 et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;


Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce l'activité d'élevage de chats de race " Scottish Highland ". Par une délibération du 27 août 2019, le conseil d'administration de la fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines a décidé notamment qu'à compter du 1er janvier 2020, d'une part, les chats reproducteurs de cette race devraient faire l'objet d'une identification génétique et d'un test portant sur le gène " fold " pour l'enregistrement d'une déclaration de saillie et de naissance et, d'autre part, des tests de filiation devraient être fournis pour les chatons au moment de la demande de pedigree les concernant. M. A... demande l'annulation de la délibération du conseil d'administration du 27 août 2019 ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cette délibération, en tant qu'elle prévoit que des tests de filiation doivent être réalisés pour des chatons au moment de la demande de pedigree.

2. Aux termes du III de l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime : " Ne peuvent être dénommés comme chiens ou chats appartenant à une race que les chiens ou les chats inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l'agriculture. ". Aux termes de l'article D. 214-8 du même code : " Il est tenu, pour les animaux des espèces canines et félines, un livre généalogique unique, divisé en autant de sections que de races. / Le livre est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. / L'association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu'elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique, dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée. (...). / L'association spécialisée agréée est alors chargée de définir les standards de la race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique en accord avec la fédération tenant le livre généalogique. (...) ".

3. Par arrêté du 1er août 2006, le ministre de l'agriculture et de la pêche a agréé la fédération pour la gestion du livre des origines félines en qualité de fédération chargée de la tenue du livre généalogique pour les animaux de l'espèce féline. Il résulte des dispositions citées au point 2 que cette fédération, chargée d'inscrire les chats de race au livre officiel des origines félines et de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et propriétaires de ces chats, et qui assume à ce titre une mission de service public à caractère administratif, est compétente, à cette fin, en l'absence d'association spécialisée agréée pour une race de chats, pour définir les standards de cette race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil d'administration de la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines s'est réuni le 27 août 2019 sur convocation de son président. L'article 11-2 de ses statuts prévoit que toute décision, sauf pour ce qui concerne l'admission de nouveaux membres et les sanctions disciplinaires, est prise à la majorité simple des membres présents et qu'en cas d'égalité de voix, celle du président est prépondérante. Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 27 août 2019, signé par le président et la secrétaire générale et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, fait état de ce que la délibération relative aux chats de race " Scottish Highland " a été adoptée à l'unanimité. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait été adoptée en méconnaissance des règles statutaires de majorité ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

5. Il ressort des pièces du dossier que les chats de race " Scottish Highland " qualifiés de " Fold " présentent la caractéristique extérieure d'avoir des oreilles courtes et repliées vers l'avant, à plat. Cette particularité physique, qui apparaît en général trois ou quatre semaines après la naissance du chaton selon les données scientifiques disponibles, et qui n'est pas toujours présente, est l'expression d'une mutation d'un gène dit " Straight " dans sa version non mutée et " Fold " dans sa version mutée. La particularité physique en cause s'exprime tant chez les chats hétérozygotes, porteurs sur la paire de chromosomes concernés d'un seul gène " Fold ", que chez les chats homozygotes, porteurs du gène " Fold " sur les deux chromosomes. La mutation génétique dont résulte cette particularité est cependant susceptible de provoquer des malformations du cartilage pouvant occasionner, sous une forme grave, des douleurs et une forme d'arthrite chronique, désignée sous le nom d'ostéochondrodysplasie, qui entraîne pour les animaux concernés des douleurs et des conditions de vie difficiles. Cette forme grave est, selon les données scientifiques disponibles, beaucoup plus fréquente chez les animaux homozygotes. Pour ce motif, et par une décision qui n'est pas contestée, la Fédération nationale du livre officiel des origines félines, afin d'éviter la naissance de chatons homozygotes, a interdit la reproduction entre deux animaux présentant le caractère " Fold ", hétérozygotes ou homozygotes.

6. En complément de cette interdiction, la décision attaquée impose, d'une part, de soumettre les animaux reproducteurs à un test génétique destiné à identifier le gène " Fold " pour l'enregistrement d'une déclaration de saillie et de naissance, dans l'objectif d'éviter la propagation de ce gène, sous forme homozygote, au sein de la population féline, et de permettre l'avancée des connaissances scientifiques relatives à ce gène. La décision attaquée impose, d'autre part, la réalisation d'un test de filiation pour tout chaton au moment de la demande de pedigree. Cette dernière obligation, seule contestée par M. A..., a pour objectif de s'assurer que les conditions requises pour la qualification des chats de race Scottish Highland et leur inscription au livre des origines, découlant de l'interdiction de la reproduction entre deux animaux présentant le caractère " Fold ", sont remplies. Si cette dernière obligation induit des contraintes et un coût pour les éleveurs, elle est, contrairement à ce que soutient M. A..., justifiée, dans son principe, par l'objectif mentionné ci-dessus, et il ne ressort pas des pièces du dossier que son coût serait, au regard du prix de vente d'un chat de race, disproportionné.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le recours de M. A..., sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, ne peut qu'être rejeté.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines.


Délibéré à l'issue de la séance du 31 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, conseillers d'Etat ; M. Julien Autret, maître des requêtes et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 26 février 2024.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro

La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin



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