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Ariane Web: Conseil d'État 490347, lecture du 19 mars 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:490347.20240319

Décision n° 490347
19 mars 2024
Conseil d'État

N° 490347
ECLI:FR:CECHR:2024:490347.20240319
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Coralie Albumazard, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
POUJADE, avocats


Lecture du mardi 19 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 490347, par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 décembre 2023 et 2 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Police nationale demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la note du directeur général de la police nationale du 14 septembre 2023 relative aux sanctions applicables aux policiers condamnés définitivement à une peine d'emprisonnement pour certains faits :

1°) de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 2.7 du rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le numéro 490440, par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 janvier et 2 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat UNSA Police demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la même note du directeur général de la police nationale et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette note :

1°) de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 2.7 du rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................



Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2024, présentée par le syndicat Alliance Police nationale.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2024, présentée par le syndicat UNSA Police.




Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus soulèvent la même question prioritaire de constitutionnalité. Il y a lieu de les joindre pour statuer sur cette question par une seule décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat. (...) " Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. L'article 1er de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, qui est inséré au sein du titre Ier de cette loi consacré aux " objectifs et moyens du ministère de l'intérieur ", dispose que : " Le rapport sur la modernisation du ministère de l'intérieur annexé à la présente loi est approuvé ". Les syndicats requérants contestent la conformité à plusieurs droits et libertés que la Constitution garantit des énonciations du point 2.7 de ce rapport selon lesquelles " les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés définitivement à une peine d'emprisonnement pour des faits de violences intrafamiliales, des infractions à la législation sur les stupéfiants ou des faits de racisme ou de discrimination feront l'objet d'une exclusion définitive ".

4. Il résulte des termes mêmes de la loi d'orientation et de programmation du 24 janvier 2023, dont les dispositions qui procèdent à l'approbation du rapport qui lui est annexé sont insérées dans un titre dont le contenu a la nature d'une loi de programme, au sens de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, que le législateur n'a pas entendu conférer aux énonciations de ce rapport la valeur normative qui s'attache aux dispositions de la loi. Par suite, les énonciations contestées ne sauraient être regardées comme applicables au litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 23 novembre 1958. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Si, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ", la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. En conséquence, les conclusions présentées par les syndicats Alliance Police nationale et UNSA Police au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée. Par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.




D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les syndicats Alliance Police nationale et UNSA Police.
Article 2 : Les conclusions des syndicats Alliance Police nationale et UNSA Police présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux syndicats Alliance Police nationale et UNSA Police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 19 mars 2024.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire



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