Conseil d'État
N° 494488
ECLI:FR:CECHR:2025:494488.20250520
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA & MOLINIE, avocats
Lecture du mardi 20 mai 2025
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier (COFFIM) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2010301 du 21 juin 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA03372 du 27 mars 2024, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et fait droit à la demande de décharge de la société COFFIM.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 mai 2024 et le 2 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société COFFIM ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier (COFFIM) réalise des programmes immobiliers par l'intermédiaire de sociétés civiles de construction vente. A la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2014 et 2015 et d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos en 2016, l'administration fiscale a regardé cette société comme exerçant une activité de holding mixte et, constatant qu'elle n'avait pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires au titre des années civiles précédant les années composant la période contrôlée, l'a assujettie à la taxe sur les salaires au titre de cette dernière période. Après le rejet de sa réclamation contre les impositions ainsi mises à sa charge, la société COFFIM en a demandé la décharge au tribunal administratif de Paris, que celui-ci a refusée par un jugement du 21 juin 2022. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 de l'arrêt du 27 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui avaient été réclamés à la société COFFIM, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunération aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant (...) à la charge des entreprises et organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". Il résulte de ces dispositions que sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, dans la limite du rapport mentionné ci-dessus, d'une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de cette année n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'une fraction inférieure à 90 %. Il en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d'affaires, mais aussi l'avoir été l'année précédente à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires.
3. Pour juger que la société COFFIM était fondée à soutenir qu'elle ne devait pas être assujettie à la taxe sur les salaires au titre des années en litige, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que les quotes-parts des bénéfices réalisés entre 2013 et 2015 par les sociétés civiles de construction vente dans lesquelles la société COFFIM détenait des participations devaient être regardées comme des recettes ou produits de la société COFFIM résultant de l'activité immobilière de ces sociétés civiles, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et que, de ce fait, elles ne devaient pas être incluses dans les chiffres d'affaires non passibles de cette taxe retenus, pour chaque année considérée, pour déterminer si la société COFFIM était redevable de la taxe sur les salaires ou pour établir son rapport d'assujettissement à celle-ci. En statuant ainsi, alors que les quotes-parts de bénéfices des sociétés civiles revenant aux sociétés qui en sont leurs associées, doivent, tout comme des dividendes, être regardées, au sens et pour l'application des dispositions mentionnées au point 2, comme des produits financiers non passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, que ces sociétés civiles aient ou non opté, en ce qui concerne l'imposition de leurs résultats, pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 27 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société COFFIM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 494488
ECLI:FR:CECHR:2025:494488.20250520
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA & MOLINIE, avocats
Lecture du mardi 20 mai 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier (COFFIM) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2010301 du 21 juin 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA03372 du 27 mars 2024, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et fait droit à la demande de décharge de la société COFFIM.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 mai 2024 et le 2 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société COFFIM ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier (COFFIM) réalise des programmes immobiliers par l'intermédiaire de sociétés civiles de construction vente. A la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2014 et 2015 et d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos en 2016, l'administration fiscale a regardé cette société comme exerçant une activité de holding mixte et, constatant qu'elle n'avait pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires au titre des années civiles précédant les années composant la période contrôlée, l'a assujettie à la taxe sur les salaires au titre de cette dernière période. Après le rejet de sa réclamation contre les impositions ainsi mises à sa charge, la société COFFIM en a demandé la décharge au tribunal administratif de Paris, que celui-ci a refusée par un jugement du 21 juin 2022. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 de l'arrêt du 27 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui avaient été réclamés à la société COFFIM, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunération aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant (...) à la charge des entreprises et organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". Il résulte de ces dispositions que sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, dans la limite du rapport mentionné ci-dessus, d'une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de cette année n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'une fraction inférieure à 90 %. Il en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d'affaires, mais aussi l'avoir été l'année précédente à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires.
3. Pour juger que la société COFFIM était fondée à soutenir qu'elle ne devait pas être assujettie à la taxe sur les salaires au titre des années en litige, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que les quotes-parts des bénéfices réalisés entre 2013 et 2015 par les sociétés civiles de construction vente dans lesquelles la société COFFIM détenait des participations devaient être regardées comme des recettes ou produits de la société COFFIM résultant de l'activité immobilière de ces sociétés civiles, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et que, de ce fait, elles ne devaient pas être incluses dans les chiffres d'affaires non passibles de cette taxe retenus, pour chaque année considérée, pour déterminer si la société COFFIM était redevable de la taxe sur les salaires ou pour établir son rapport d'assujettissement à celle-ci. En statuant ainsi, alors que les quotes-parts de bénéfices des sociétés civiles revenant aux sociétés qui en sont leurs associées, doivent, tout comme des dividendes, être regardées, au sens et pour l'application des dispositions mentionnées au point 2, comme des produits financiers non passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, que ces sociétés civiles aient ou non opté, en ce qui concerne l'imposition de leurs résultats, pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 27 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société COFFIM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Compagnie foncière et financière d'investissement immobilier.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle