Conseil d'État
N° 494856
ECLI:FR:CECHR:2025:494856.20250618
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteure publique
Lecture du mercredi 18 juin 2025
Vu la procédure suivante :
La société Déclic Intérim a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2013 à 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, et la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante résultant de la mise en demeure du 31 janvier 2018 valant commandement de payer. Le directeur départemental des finances publiques du Cantal a soumis d'office au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, les réclamations de la même société, en date des 14 août 2019 et 23 novembre 2020, tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019 ainsi que des pénalités correspondantes, et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes résultant des mises en demeure des 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020 valant commandements de payer. Par un jugement n°s 1900505, 2000676, 2100371 du 12 juillet 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 22LY02571 du 4 avril 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Déclic Intérim contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 4 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Déclic Intérim demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Haas, avocat de la société Déclic Intérim ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Déclim Intérim, entreprise de travail temporaire créée en avril 2011, exerçant son activité à Andelat (Cantal), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, au terme de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés applicable aux entreprises implantées en zone de revitalisation rurale sous le bénéfice duquel elle s'était placée au titre des exercices clos de 2013 à 2016, au motif que la condition d'effectif prévue au b du II de l'article 44 quindecies du code général des impôts n'était pas remplie. La société Déclic Intérim a, en conséquence, été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de ces quatre exercices. Dans le cadre de contrôles sur pièces, l'administration fiscale a également remis en cause ce régime d'exonération pour les exercices ultérieurs et assujetti la société Déclic Intérim à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019 et adressé à cette société, en vue du recouvrement de ces impositions, des mises en demeure de payer datées des 31 janvier 2018, 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020. Par un jugement du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les demandes de la société Déclic Intérim tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2013 à 2019 et de l'obligation de payer les sommes correspondantes résultant des mises en demeure des 31 janvier 2018, 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020. La société Déclic intérim se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
2. Aux termes du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...) ". Aux termes du II de ce même article, dans sa rédaction applicable au litige pour les exercices clos de 2011 à 2015 : " Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : (...) / b) L'entreprise emploie moins de dix salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée d'au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application du présent article ; si l'effectif varie en cours d'exercice, il est calculé compte tenu de la durée de présence des salariés en cause pendant l'exercice (...) ". L'article 15 de la loi de finances pour 2016 a porté l'effectif mentionné par ces dernières dispositions à onze salariés.
3. Il ressort de ces dispositions que, pour déterminer l'effectif rendant une entreprise éligible au bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent, seuls sont retenus les salariés bénéficiant soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat d'une durée minimale de six mois fixée par ses stipulations telles qu'elles résultent, le cas échéant, de ses avenants. En cas de variation de l'effectif de ces salariés en cours d'exercice, leur durée de présence au sein de l'entreprise est prise en compte, pour le calcul de l'effectif de l'entreprise, au regard du nombre de jours de présence au titre de l'exercice.
4. Dès lors, en jugeant que, pour déterminer si l'effectif salarié de la société Déclic Intérim la rendait éligible à l'exonération mentionnée au point 2, il convenait de prendre en compte les intérimaires avec qui elle était liée par plusieurs contrats de mission, prévus à l'article L. 1251-1 du code du travail, d'une durée chacun inférieure à six mois mais dont la durée cumulée de présence au sein de l'entreprise était égale ou supérieure à six mois au cours de l'exercice considéré, alors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, seuls les salariés bénéficiant d'un contrat d'une durée supérieure à six mois devaient être pris en compte, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société Déclic Intérim est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Déclic Intérim, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 avril 2024 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à la société Déclin Intérim la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Déclic Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 juin 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 18 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 494856
ECLI:FR:CECHR:2025:494856.20250618
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteure publique
Lecture du mercredi 18 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Déclic Intérim a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2013 à 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, et la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante résultant de la mise en demeure du 31 janvier 2018 valant commandement de payer. Le directeur départemental des finances publiques du Cantal a soumis d'office au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, les réclamations de la même société, en date des 14 août 2019 et 23 novembre 2020, tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019 ainsi que des pénalités correspondantes, et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes résultant des mises en demeure des 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020 valant commandements de payer. Par un jugement n°s 1900505, 2000676, 2100371 du 12 juillet 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 22LY02571 du 4 avril 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Déclic Intérim contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 4 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Déclic Intérim demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Haas, avocat de la société Déclic Intérim ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Déclim Intérim, entreprise de travail temporaire créée en avril 2011, exerçant son activité à Andelat (Cantal), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, au terme de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés applicable aux entreprises implantées en zone de revitalisation rurale sous le bénéfice duquel elle s'était placée au titre des exercices clos de 2013 à 2016, au motif que la condition d'effectif prévue au b du II de l'article 44 quindecies du code général des impôts n'était pas remplie. La société Déclic Intérim a, en conséquence, été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de ces quatre exercices. Dans le cadre de contrôles sur pièces, l'administration fiscale a également remis en cause ce régime d'exonération pour les exercices ultérieurs et assujetti la société Déclic Intérim à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019 et adressé à cette société, en vue du recouvrement de ces impositions, des mises en demeure de payer datées des 31 janvier 2018, 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020. Par un jugement du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les demandes de la société Déclic Intérim tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2013 à 2019 et de l'obligation de payer les sommes correspondantes résultant des mises en demeure des 31 janvier 2018, 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020. La société Déclic intérim se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
2. Aux termes du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...) ". Aux termes du II de ce même article, dans sa rédaction applicable au litige pour les exercices clos de 2011 à 2015 : " Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : (...) / b) L'entreprise emploie moins de dix salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée d'au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application du présent article ; si l'effectif varie en cours d'exercice, il est calculé compte tenu de la durée de présence des salariés en cause pendant l'exercice (...) ". L'article 15 de la loi de finances pour 2016 a porté l'effectif mentionné par ces dernières dispositions à onze salariés.
3. Il ressort de ces dispositions que, pour déterminer l'effectif rendant une entreprise éligible au bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent, seuls sont retenus les salariés bénéficiant soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat d'une durée minimale de six mois fixée par ses stipulations telles qu'elles résultent, le cas échéant, de ses avenants. En cas de variation de l'effectif de ces salariés en cours d'exercice, leur durée de présence au sein de l'entreprise est prise en compte, pour le calcul de l'effectif de l'entreprise, au regard du nombre de jours de présence au titre de l'exercice.
4. Dès lors, en jugeant que, pour déterminer si l'effectif salarié de la société Déclic Intérim la rendait éligible à l'exonération mentionnée au point 2, il convenait de prendre en compte les intérimaires avec qui elle était liée par plusieurs contrats de mission, prévus à l'article L. 1251-1 du code du travail, d'une durée chacun inférieure à six mois mais dont la durée cumulée de présence au sein de l'entreprise était égale ou supérieure à six mois au cours de l'exercice considéré, alors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, seuls les salariés bénéficiant d'un contrat d'une durée supérieure à six mois devaient être pris en compte, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société Déclic Intérim est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Déclic Intérim, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 avril 2024 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à la société Déclin Intérim la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Déclic Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 juin 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 18 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :