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Ariane Web: Conseil d'État 494573, lecture du 30 juin 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:494573.20250630

Décision n° 494573
30 juin 2025
Conseil d'État

N° 494573
ECLI:FR:CECHR:2025:494573.20250630
Publié au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Elise Barbé, rapporteure
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SCP GUÉRIN - GOUGEON, avocats


Lecture du lundi 30 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la délibération du 11 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Rieumes (Haute-Garonne) a approuvé la première révision allégée du plan local d'urbanisme de la commune, d'autre part, d'annuler la délibération du 8 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de cette commune a approuvé la conclusion d'un bail emphytéotique d'une durée de quarante ans avec la " Ferme du Paradis " portant sur des parcelles communales cadastrées section F nos 400 et 402 et d'annuler la délibération du 29 juin 2016 par laquelle le conseil municipal a approuvé la révision du bail emphytéotique avec la société " Tepacap " pour une durée de quarante ans. Par un jugement nos 1900505, 1905853 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 22TL21077 du 21 mars 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par Mme A... et M. D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 28 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rieumes la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Barbé, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de Mme A... et à la SCP Guérin, Gougeon, avocat de la commune de Rieumes ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... et M. D..., conseillers municipaux de Rieumes, ont formé deux recours gracieux à l'encontre, d'une part, de la délibération du 11 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Rieumes a approuvé la révision allégée du plan local d'urbanisme communal et, d'autre part, de la délibération du 8 avril 2019 par laquelle le même conseil municipal a approuvé la conclusion d'un bail emphytéotique d'une durée de quarante ans avec la " Ferme du Paradis ". Puis, après le rejet de leurs recours gracieux, Mme A... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces deux délibérations. Par un jugement du 25 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel qu'elle a formé avec M. D... contre ce jugement.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la délibération du 11 septembre 2018 :

2. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai.

3. Pour confirmer la tardiveté opposée par le tribunal administratif à leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 11 septembre 2018 approuvant la révision allégée du plan local d'urbanisme communal, la cour administrative d'appel a relevé que Mme A... et M. D..., conseillers municipaux de Rieumes, ont été régulièrement convoqués et ont pris part au vote sur cette délibération lors de la séance du 11 septembre 2018, Mme A... étant présente et M. D... lui ayant donné procuration, de sorte que le délai de recours contentieux courait à leur égard à compter de cette date. La cour a également relevé que Mme A... et M. D... avaient formé un recours gracieux contre cette délibération le 10 novembre 2018, reçu en mairie le 13 novembre 2018, avant de saisir le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération par une requête enregistrée au greffe de ce tribunal le 27 janvier 2019. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en se fondant sur la date de réception en mairie de leur recours gracieux et non sur sa date d'expédition pour déduire de ces circonstances que ce recours n'avait pas eu pour effet de conserver le délai du recours contentieux, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur ses conclusions dirigées contre la délibération du 11 septembre 2018, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi s'y rapportant.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la délibération du 8 avril 2019 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 6 mars 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 5 mai 2023, a produit le jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 30 janvier 2024 la relaxant du chef de diffamation. Ce jugement étant insusceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction à la suite de sa production.

7. En second lieu, en retenant que le bail emphytéotique prévoyait le maintien de la destination forestière des sols ainsi que la préservation de tous les arbres et que la délibération du 8 avril 2019 n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisant de conclure un bail emphytéotique destiné à l'implantation d'une ferme pédagogique sur des parcelles situées en zones naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique et Natura 2000, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, a souverainement apprécié les pièces du dossier qui lui était soumis, sans les dénaturer.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque qu'en tant seulement qu'il statue sur ses conclusions dirigées contre la délibération du 11 septembre 2018 du conseil municipal de Rieumes.

Sur les frais de l'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 21 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la délibération du 11 septembre 2018 du conseil municipal de Rieumes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Rieumes.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, Mme Claire Legras, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Elise Barbé, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 juin 2025.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Elise Barbé
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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