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Ariane Web: Conseil d'État 470800, lecture du 1 juillet 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:470800.20250701

Décision n° 470800
1 juillet 2025
Conseil d'État

N° 470800
ECLI:FR:CECHR:2025:470800.20250701
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Marie Prévot, rapporteure
Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique
SCP BOUZIDI, BOUHANNA, avocats


Lecture du mardi 1 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et d'admettre la déduction de ses bénéfices non commerciaux réalisés en 2014 et 2016 des charges dont la déduction lui a été refusée par l'administration fiscale. Par un jugement n° 1902577 du 8 juillet 2021, ce tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21LY02963 du 24 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier, 24 avril et 19 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui exerce à titre individuel une activité d'enseignement de la danse, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations d'enseignement dont il s'était prévalu et lui a réclamé, selon la procédure de taxation d'office prévue par le 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts et, d'autre part, réintégré diverses charges dans ses bénéfices non commerciaux. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté ses demandes de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Si le requérant fait valoir que la cour administrative d'appel a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis d'analyser, dans les visas de son arrêt, le mémoire en réplique et les pièces jointes qu'il avait présentés dans l'instance, lesquels avaient été produits avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité de cet arrêt dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de la décision.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

3. Aux termes de l'article 132, paragraphe 1, de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) j) les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 14 juin 2007 rendu dans l'affaire C-445/05, Werner Haderer, ces dispositions désignent les leçons données par un enseignant pour son propre compte et sous sa propre responsabilité.

4. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : / (...) 4° (...) / b. les cours ou leçons relevant de l'enseignement scolaire, universitaire, professionnel, artistique ou sportif, dispensés par des personnes physiques qui sont rémunérées directement par leurs élèves ". Il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée les cours ou leçons qui, eu égard aux conditions d'organisation de l'activité dans le cadre de laquelle ils sont délivrés, peuvent être regardés comme dispensés à titre personnel. Les leçons qu'un enseignant donne en bénéficiant du concours d'autres personnes, notamment salariées, ne peuvent, par suite, quelles que soient les fonctions exercées par ces personnes, bénéficier d'une telle exonération.

5. En premier lieu, il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que les leçons de danse à raison desquelles M. A... sollicitait le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par ces dispositions ont été délivrées au sein de l'école de danse qu'il dirigeait, au cours des années 2014 et 2015, avec le concours de tiers prestataires. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les leçons dispensées dans le cadre de cette activité ne pouvaient, compte tenu du mode d'organisation de celle-ci, être regardées, pour ce qui concerne ces deux années, comme dispensées à titre personnel par M. A... et ouvrir droit à exonération, y compris pour ce qui concerne les leçons dispensées par l'intéressé lui-même au sein de l'école et alors même que les recettes afférentes à ces leçons auraient été distinguées, dans la comptabilité de l'assujetti, des recettes tirées de ses autres activités.

6. Ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et repose sur des faits relevés par la cour et non contestés, doit être substitué à celui retenu par la cour au point 7 de son arrêt, tiré du défaut de comptabilisation distincte et justifiée des recettes en cause, dont il justifie le dispositif sur ce point. Il en résulte que les moyens du pourvoi dirigés contre ce motif, en tant qu'il concerne les conclusions présentées au titre des années 2014 et 2015, doivent être écartés comme inopérants.

7. En deuxième lieu, pour juger que M. A... n'était pas fondé à revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue au b du 4 du 4° de l'article 261 du code général des impôts à raison de son activité d'enseignement de la danse, la cour s'est fondée sur ce que si la comptabilité présentée par M. A... procédait à une répartition des recettes en distinguant celles issues des cours dispensés par l'intéressé ou par des tiers prestataires au sein de son école de danse, celles issues des cours de danse qu'il dispense lors de stages et celles provenant de son activité de jury, l'administration n'avait pas été mise à même de vérifier la concordance et l'exactitude des recettes ainsi que le bien-fondé de leur répartition, dès lors que le contribuable n'avait conservé aucune pièce justificative de ses recettes, à l'exception, pour l'année 2016, de factures pour un montant de 3 062,10 euros, alors que le seul compte stage enregistrait sur la même période un montant de recettes de 23 228,27 euros. La cour en a déduit que M. A... n'avait pas justifié des recettes de l'activité d'enseignement exercée personnellement, pour laquelle il sollicitait le bénéfice de l'exonération. En statuant ainsi, la cour, qui a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a méconnu ni les règles de dévolution de la charge de la preuve, ni celles régissant le droit à exonération.

8. En dernier lieu, en jugeant, d'une part, que, faute d'avoir déposé les déclarations de chiffre d'affaires qu'il était ainsi tenu de souscrire au titre des années 2014 à 2016, l'administration avait pu régulièrement recourir à la procédure de taxation d'office mentionnée au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, que l'intégralité de son chiffre d'affaires, y compris celui dont il soutenait qu'il correspondait à des leçons dispensées à titre personnel, devait être retenu pour déterminer s'il pouvait bénéficier du régime de franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 293 B du code général des impôts, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 mai 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 1er juillet 2025.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
La secrétaire :
Signé : Mme Catherine Xavier