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Ariane Web: Conseil d'État 492060, lecture du 1 juillet 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:492060.20250701

Décision n° 492060
1 juillet 2025
Conseil d'État

N° 492060
ECLI:FR:CECHR:2025:492060.20250701
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Marie Prévot, rapporteure
Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique
SAS HANNOTIN AVOCATS, avocats


Lecture du mardi 1 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par un jugement n° 1902789 du 27 janvier 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 23NT00657 du 22 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 23 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... exerce, sous la forme d'une entreprise individuelle, des activités d'enseignement de théâtre, d'une part, en milieu scolaire et, d'autre part, dans un cadre extrascolaire. A l'issue d'un contrôle sur pièces de son activité professionnelle portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, l'administration a estimé que, contrairement à ce qu'avait retenu M. B..., les prestations correspondantes n'entraient pas dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du b du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et a par suite soumis l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé sur cette période à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande de décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 132, paragraphe 1, de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) j) les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 14 juin 2007 rendu dans l'affaire C-445/05, Werner Haderer, ces dispositions désignent les leçons données par un enseignant pour son propre compte et sous sa propre responsabilité.

3. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : / (...) 4° (...) / b. les cours ou leçons relevant de l'enseignement scolaire, universitaire, professionnel, artistique ou sportif, dispensés par des personnes physiques qui sont rémunérées directement par leurs élèves ". Il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée les cours ou leçons qui, eu égard aux conditions d'organisation de l'activité dans le cadre de laquelle ils sont délivrés, peuvent être regardés comme dispensés à titre personnel. Les leçons qu'un enseignant donne en bénéficiant du concours d'autres personnes, notamment salariées, ne peuvent, par suite, quelles que soient les fonctions exercées par ces personnes, bénéficier d'une telle exonération.

4. En se fondant, pour juger que M. B... ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du b du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et devait être assujetti à la taxe à raison de l'ensemble de ses activités au titre des périodes en litige, sur la seule circonstance que celui-ci avait embauché des salariés ou reçu le concours d'autres professeurs ou artistes qu'il avait rémunérés par des cachets, sans rechercher s'il était possible, ainsi qu'il le soutenait, d'isoler les leçons qu'il soutenait avoir délivrées à titre personnel dans le cadre d'une activité et selon des modalités d'organisation distinctes de celles dans lesquelles il dispensait des enseignements en milieu scolaire, auxquels le contribuable faisait valoir qu'étaient exclusivement affectés ces salariés et professeurs associés, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il suit de là que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 décembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 mai 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 1er juillet 2025.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
La secrétaire :
Signé : Mme Catherine Xavier