Conseil d'État
N° 503717
ECLI:FR:CECHR:2025:503717.20250704
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Emmanuel Weicheldinger, rapporteur
M. Frédéric Puigserver, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du vendredi 4 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'homme ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution d'une note du directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique en date du 20 novembre 2024 intitulée " information des préfectures sur les délits commis par les étrangers en situation régulière ". Par une ordonnance n° 2504541 du 4 avril 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi, enregistré le 22 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par le Syndicat de la magistrature et autres.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France et à la SCP Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une note de service du 20 novembre 2024, intitulée " information des préfectures sur les délits commis par les étrangers en situation régulière ", le directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique a demandé aux services interpellateurs placés sous son autorité de compléter et de transmettre hebdomadairement au service en charge des étrangers de la préfecture, par l'intermédiaire du service interdépartemental de la police aux frontières (SIPAF), une " fiche navette " comportant, pour chaque étranger en situation régulière placé en garde à vue, des données à caractère personnel se rapportant notamment à la situation administrative de cette personne au titre du droit au séjour, à son éventuel signalement dans le fichier relatif au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) et aux éléments juridiques et factuels relatifs à cette garde à vue ainsi qu'aux suites judiciaires qui y ont été données. Elle prévoit que le statut des étrangers en situation régulière ayant fait l'objet d'un tel signalement sera évoqué lors de réunions consacrées aux conséquences à en tirer, le cas échéant, sur le droit au séjour des intéressés. Cette note demande par ailleurs au SIPAF de tenir un tableau de suivi statistique des fiches envoyées et des réponses apportées par la préfecture. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 4 avril 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur la demande du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France et de la Ligue des droits de l'homme, a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cette note.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
3. Pour suspendre l'exécution de la note de service contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes s'est fondé, d'une part, sur ce que le moyen tiré de ce que cette note instituait un traitement de données à caractère personnel non autorisé par un arrêté ministériel pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et, d'autre part, sur ce que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'atteinte portée aux droits des personnes dont les données à caractère personnel ont pu ou peuvent être illégalement extraites et manipulées en dehors des traitements autorisés, la condition d'urgence devait être regardée comme satisfaite.
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 : " I.- Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; / 2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. (...) ".
5. D'autre part, selon les dispositions du V de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, il peut être procédé à des enquêtes administratives notamment pour le retrait, en application de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un titre ou d'une autorisation de séjour à un étranger dont la présence en France constitue une menace ou une menace grave pour l'ordre public. Dans le cadre de ces enquêtes, les personnels de la police et de la gendarmerie habilités ainsi que les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités peuvent, sous les conditions prévues par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, consulter sans autorisation du ministère public les données à caractère personnel figurant dans le TAJ se rapportant à des procédures judiciaires en cours ou closes. Lorsque des personnels investis de mission de police administrative constatent à cette occasion que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le TAJ en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans, notamment, la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents.
6. Il ressort des pièces du dossier que la note attaquée prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 1, que des " fiches navettes ", qui comportent non seulement, le cas échéant, des éléments figurant dans le TAJ, mais aussi des informations complémentaires relatives à la date du placement en garde à vue, aux motifs pour lesquels la personne a été interpellée, aux articles du code pénal fondant la procédure et aux suites judiciaires qui lui ont été données, doivent être adressées systématiquement par les services de police judiciaire du département au service en charge des étrangers, indépendamment de toute enquête administrative engagée par celui-ci, à chaque fois qu'un étranger en situation régulière fait l'objet d'une garde à vue. Par suite, le moyen soulevé par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, tiré de ce que la création du traitement de données à caractère personnel institué par la note de service n'entrerait pas dans le champ des dispositions du I de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 citées au point 4, et ne nécessitait donc pas l'intervention d'un arrêté ministériel pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, au motif que ce traitement se bornerait à mettre en oeuvre les dispositions relatives aux enquêtes administratives autorisées par l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, le ministre ne saurait soutenir utilement, à titre subsidiaire, que le tableau de suivi statistique que la note de service impose au SIPAF de tenir ne comporterait pas de données à caractère personnel, dès lors que les énonciations qui le prévoient ne sont pas détachables des autres prescriptions de la note.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en estimant qu'était de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la note de service contestée le moyen tiré de ce qu'elle instituait un traitement de données à caractère personnel non autorisé par un arrêté ministériel pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en méconnaissance des dispositions du I de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, le juge des référés n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit.
8. En second lieu, si le ministre soutient que le juge des référés aurait entaché son ordonnance de dénaturation en regardant comme satisfaite la condition d'urgence, il se borne à se prévaloir, au soutien de son argumentation, de ce que le traitement institué par la note de service contestée serait légal. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes qu'il attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à payer, d'une part, à la Ligue des droits de l'homme et, d'autre part, au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'Association pour la Défense des Libertés Constitutionnelles, qui, intervenante devant le juge des référés du tribunal administratif, n'a pas la qualité de défendeur dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la Ligue des droits de l'homme et la somme globale de 1 500 euros au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la Ligue des droits de l'homme, au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France.
Copie en sera adressée à l'Association pour la Défense des Libertés Constitutionnelles.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 4 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 503717
ECLI:FR:CECHR:2025:503717.20250704
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Emmanuel Weicheldinger, rapporteur
M. Frédéric Puigserver, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du vendredi 4 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'homme ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution d'une note du directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique en date du 20 novembre 2024 intitulée " information des préfectures sur les délits commis par les étrangers en situation régulière ". Par une ordonnance n° 2504541 du 4 avril 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi, enregistré le 22 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par le Syndicat de la magistrature et autres.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France et à la SCP Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une note de service du 20 novembre 2024, intitulée " information des préfectures sur les délits commis par les étrangers en situation régulière ", le directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique a demandé aux services interpellateurs placés sous son autorité de compléter et de transmettre hebdomadairement au service en charge des étrangers de la préfecture, par l'intermédiaire du service interdépartemental de la police aux frontières (SIPAF), une " fiche navette " comportant, pour chaque étranger en situation régulière placé en garde à vue, des données à caractère personnel se rapportant notamment à la situation administrative de cette personne au titre du droit au séjour, à son éventuel signalement dans le fichier relatif au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) et aux éléments juridiques et factuels relatifs à cette garde à vue ainsi qu'aux suites judiciaires qui y ont été données. Elle prévoit que le statut des étrangers en situation régulière ayant fait l'objet d'un tel signalement sera évoqué lors de réunions consacrées aux conséquences à en tirer, le cas échéant, sur le droit au séjour des intéressés. Cette note demande par ailleurs au SIPAF de tenir un tableau de suivi statistique des fiches envoyées et des réponses apportées par la préfecture. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 4 avril 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur la demande du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France et de la Ligue des droits de l'homme, a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cette note.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
3. Pour suspendre l'exécution de la note de service contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes s'est fondé, d'une part, sur ce que le moyen tiré de ce que cette note instituait un traitement de données à caractère personnel non autorisé par un arrêté ministériel pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et, d'autre part, sur ce que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'atteinte portée aux droits des personnes dont les données à caractère personnel ont pu ou peuvent être illégalement extraites et manipulées en dehors des traitements autorisés, la condition d'urgence devait être regardée comme satisfaite.
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 : " I.- Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; / 2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. (...) ".
5. D'autre part, selon les dispositions du V de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, il peut être procédé à des enquêtes administratives notamment pour le retrait, en application de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un titre ou d'une autorisation de séjour à un étranger dont la présence en France constitue une menace ou une menace grave pour l'ordre public. Dans le cadre de ces enquêtes, les personnels de la police et de la gendarmerie habilités ainsi que les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités peuvent, sous les conditions prévues par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, consulter sans autorisation du ministère public les données à caractère personnel figurant dans le TAJ se rapportant à des procédures judiciaires en cours ou closes. Lorsque des personnels investis de mission de police administrative constatent à cette occasion que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le TAJ en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans, notamment, la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents.
6. Il ressort des pièces du dossier que la note attaquée prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 1, que des " fiches navettes ", qui comportent non seulement, le cas échéant, des éléments figurant dans le TAJ, mais aussi des informations complémentaires relatives à la date du placement en garde à vue, aux motifs pour lesquels la personne a été interpellée, aux articles du code pénal fondant la procédure et aux suites judiciaires qui lui ont été données, doivent être adressées systématiquement par les services de police judiciaire du département au service en charge des étrangers, indépendamment de toute enquête administrative engagée par celui-ci, à chaque fois qu'un étranger en situation régulière fait l'objet d'une garde à vue. Par suite, le moyen soulevé par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, tiré de ce que la création du traitement de données à caractère personnel institué par la note de service n'entrerait pas dans le champ des dispositions du I de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 citées au point 4, et ne nécessitait donc pas l'intervention d'un arrêté ministériel pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, au motif que ce traitement se bornerait à mettre en oeuvre les dispositions relatives aux enquêtes administratives autorisées par l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, le ministre ne saurait soutenir utilement, à titre subsidiaire, que le tableau de suivi statistique que la note de service impose au SIPAF de tenir ne comporterait pas de données à caractère personnel, dès lors que les énonciations qui le prévoient ne sont pas détachables des autres prescriptions de la note.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en estimant qu'était de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la note de service contestée le moyen tiré de ce qu'elle instituait un traitement de données à caractère personnel non autorisé par un arrêté ministériel pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en méconnaissance des dispositions du I de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, le juge des référés n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit.
8. En second lieu, si le ministre soutient que le juge des référés aurait entaché son ordonnance de dénaturation en regardant comme satisfaite la condition d'urgence, il se borne à se prévaloir, au soutien de son argumentation, de ce que le traitement institué par la note de service contestée serait légal. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes qu'il attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à payer, d'une part, à la Ligue des droits de l'homme et, d'autre part, au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'Association pour la Défense des Libertés Constitutionnelles, qui, intervenante devant le juge des référés du tribunal administratif, n'a pas la qualité de défendeur dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la Ligue des droits de l'homme et la somme globale de 1 500 euros au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la Ligue des droits de l'homme, au Syndicat de la magistrature et au Syndicat des avocats de France.
Copie en sera adressée à l'Association pour la Défense des Libertés Constitutionnelles.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 4 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle