Conseil d'État
N° 496331
ECLI:FR:CECHR:2025:496331.20250724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Antoine Berger, rapporteur
GUERMONPREZ-TANNER, avocats
Lecture du jeudi 24 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté leur demande tendant, d'une part, à faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant, à tout le moins, la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur égale à cinquante centimètres puis la remise en état avec apport de terres saines d'un cubage équivalent et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser, en réparation des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de leur exposition aux métaux lourds, la somme totale de 58 000 euros, enfin, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, à titre principal, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant, à tout le moins, la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur de cinquante centimètres puis la remise en état avec l'apport de terres saines d'un cubage équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai imparti au préfet du Pas-de-Calais pour dépolluer leur terrain ou d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de statuer à nouveau sur leur demande, sous une astreinte à définir par le tribunal et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1807397 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 22DA00216 du 23 mai 2024, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. et Mme C..., réformé ce jugement et condamné l'Etat à leur verser une somme de 46 800 euros en réparation des préjudices subis.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ;
- la loi du 20 avril 1932 tendant à la suppression des fumées industrielles ;
- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Guermonprez-Tanner, avocate de M. et Mme C... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juin 2025, présentée par M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, depuis les années 1920, la société Peñarroya a exploité une usine métallurgique sur le territoire des communes de Noyelles-Godault et de Courcelles-lès-Lens (Pas-de-Calais). La société Peñarroya a été intégrée dans les années 1990 au groupe Métaleurop, au sein d'une filiale dénommée Métaleurop Nord. Le 16 janvier 2003, le groupe Métaleurop a annoncé sa décision de ne plus financer sa filiale Métaleurop Nord, qui a été placée en redressement judiciaire et dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 10 mars 2003 avec arrêt de toute exploitation sur le site. M. et Mme C..., riverains du site, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté leur demande tendant, d'une part, à faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur égale à cinquante centimètres puis la remise en état avec apport de terres saines d'un cubage équivalent et, d'autre part, à leur verser la somme totale de 58 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'une exposition aux métaux lourds. Par un jugement du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mai 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. et Mme C..., condamné l'Etat à leur verser une somme de 46 800 euros en raison des préjudices subis, tenant, d'une part, à la perte de valeur de leurs biens immobiliers, et, d'autre part, aux troubles de jouissance de ces biens.
2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., la circonstance que la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, devenue ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, a déclaré à plusieurs reprises, notamment devant la presse, dans un courrier adressé au président de l'association des communes minières de France et en réponse à une question écrite d'une députée, que l'Etat n'entendait pas remettre en cause les indemnisations auxquelles l'a condamné la cour administrative d'appel de Douai ne saurait être regardée un désistement de son pourvoi, ni comme ayant pour effet de priver le litige de son objet.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " L'article L. 512-1 du même code dispose que : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. " En application des dispositions de l'article 13 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ultérieurement codifié à l'article L. 514-5 du code de l'environnement, applicables durant l'exploitation de l'installation litigieuse, les personnes chargées de l'inspection des installations classées peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance.
4. Il appartient à l'Etat, dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées, d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement par les installations soumises à autorisation en application de l'article L. 512-1 du même code et ce, en premier lieu, en assortissant l'autorisation délivrée à l'exploitant de prescriptions encadrant les conditions d'installation et d'exploitation de l'installation qui soient de nature à prévenir les risques susceptibles de survenir. Il lui appartient, ensuite, d'exercer sa mission de contrôle sur cette installation en veillant au respect des prescriptions imposées à l'exploitant et à leur adéquation à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. A cet égard, les services en charge de ce contrôle disposent des pouvoirs qui leur sont reconnus par l'article L. 514-5 mentionné ci-dessus afin de visiter les installations soumises à autorisation. Il leur appartient d'adapter la fréquence et la nature de leurs visites à la nature, à la dangerosité et à la taille de ces installations. Il leur revient, enfin, de tenir compte, dans l'exercice de cette mission de contrôle, des indications dont ils disposent sur les facteurs de risques particuliers affectant les installations ou sur d'éventuels manquements commis par l'exploitant.
5. Il ressort à cet égard des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en ce qui concerne les rejets canalisés, l'activité de l'usine a été encadrée par arrêté préfectoral à compter du 31 juillet 1934, qu'une soixantaine d'arrêtés préfectoraux ont par la suite, à un rythme régulier, encadré de plus en plus précisément les points et les valeurs des rejets atmosphériques et qu'a été exigée la mise en place de capteurs à l'extérieur du site et la réalisation d'études. La cour a également mentionné les mesures adoptées à la fin des années 1990, qui ont notamment conduit à exiger de nouvelles études sur les pollutions engendrées et à mettre en demeure l'exploitant de respecter les exigences qui lui étaient imposées, avant que des arrêtés prescrivant des mesures d'urgence relatives aux terres polluées n'interviennent en décembre 2002, puis en 2003. Enfin, la cour a relevé que huit rapports d'inspecteurs des installations classées établis entre 1969 et 2003 montraient que ce service était attentif à la question des rejets atmosphériques et avait exigé la mise en place de dépoussiérateurs et de filtres et imposé la réalisation d'études des moyens techniques pour remédier à la pollution atmosphérique.
6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi que le relève le ministre, qu'en ce qui concerne les pollutions diffuses, le préfet du Pas-de-Calais a demandé à l'exploitant, par un arrêté du 6 octobre 1997, de réaliser un bilan portant sur les données disponibles relatives aux émissions diffuses, puis l'a mis en demeure de fournir ces données par un nouvel arrêté du 21 juillet 1998. Au vu des éléments transmis, ainsi que d'une étude de l'école des mines de Douai, réalisée en 1999 et concluant à des rejets diffus compris entre 50 et 100 tonnes par an, dont 15 à 30 tonnes de plomb, le préfet a imposé, par un arrêté préfectoral du 16 décembre 1999, la mise en oeuvre de moyens visant à limiter les rejets diffus afin de limiter les émissions à 10 tonnes de plomb par an.
7. Pour regarder comme établie l'existence d'une carence fautive de l'Etat dans l'exercice de la police des installations classées à l'égard de l'usine exploitée en dernier lieu par Métaleurop Nord, la cour s'est fondée sur ce que les sujétions imposées par le préfet à cette usine s'étaient avérées insuffisantes pour prévenir une pollution excessive des sols liée à son activité depuis le début du XXème siècle, que des études avaient mises en évidence à partir de la fin des années 1960.
8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de caractériser les manquements que l'administration aurait commis, en dépit des prescriptions et contrôles successifs rappelés aux points 5 et 6 pour ce qui concerne tant les rejets canalisés que les rejets diffus dans l'atmosphère, dans l'encadrement de l'installation au regard des risques pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement que, compte tenu des connaissances dont elle pouvait disposer, il lui incombait de prévenir, la cour a méconnu les règles rappelées au point 4.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 23 mai 2024 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à M. A... C... et à Mme B... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 25 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 496331
ECLI:FR:CECHR:2025:496331.20250724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Antoine Berger, rapporteur
GUERMONPREZ-TANNER, avocats
Lecture du jeudi 24 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté leur demande tendant, d'une part, à faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant, à tout le moins, la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur égale à cinquante centimètres puis la remise en état avec apport de terres saines d'un cubage équivalent et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser, en réparation des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de leur exposition aux métaux lourds, la somme totale de 58 000 euros, enfin, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, à titre principal, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant, à tout le moins, la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur de cinquante centimètres puis la remise en état avec l'apport de terres saines d'un cubage équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai imparti au préfet du Pas-de-Calais pour dépolluer leur terrain ou d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de statuer à nouveau sur leur demande, sous une astreinte à définir par le tribunal et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1807397 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 22DA00216 du 23 mai 2024, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. et Mme C..., réformé ce jugement et condamné l'Etat à leur verser une somme de 46 800 euros en réparation des préjudices subis.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ;
- la loi du 20 avril 1932 tendant à la suppression des fumées industrielles ;
- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Guermonprez-Tanner, avocate de M. et Mme C... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juin 2025, présentée par M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, depuis les années 1920, la société Peñarroya a exploité une usine métallurgique sur le territoire des communes de Noyelles-Godault et de Courcelles-lès-Lens (Pas-de-Calais). La société Peñarroya a été intégrée dans les années 1990 au groupe Métaleurop, au sein d'une filiale dénommée Métaleurop Nord. Le 16 janvier 2003, le groupe Métaleurop a annoncé sa décision de ne plus financer sa filiale Métaleurop Nord, qui a été placée en redressement judiciaire et dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 10 mars 2003 avec arrêt de toute exploitation sur le site. M. et Mme C..., riverains du site, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté leur demande tendant, d'une part, à faire réaliser en urgence des travaux de dépollution impliquant la réalisation d'un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur égale à cinquante centimètres puis la remise en état avec apport de terres saines d'un cubage équivalent et, d'autre part, à leur verser la somme totale de 58 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'une exposition aux métaux lourds. Par un jugement du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mai 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. et Mme C..., condamné l'Etat à leur verser une somme de 46 800 euros en raison des préjudices subis, tenant, d'une part, à la perte de valeur de leurs biens immobiliers, et, d'autre part, aux troubles de jouissance de ces biens.
2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., la circonstance que la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, devenue ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, a déclaré à plusieurs reprises, notamment devant la presse, dans un courrier adressé au président de l'association des communes minières de France et en réponse à une question écrite d'une députée, que l'Etat n'entendait pas remettre en cause les indemnisations auxquelles l'a condamné la cour administrative d'appel de Douai ne saurait être regardée un désistement de son pourvoi, ni comme ayant pour effet de priver le litige de son objet.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " L'article L. 512-1 du même code dispose que : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. " En application des dispositions de l'article 13 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ultérieurement codifié à l'article L. 514-5 du code de l'environnement, applicables durant l'exploitation de l'installation litigieuse, les personnes chargées de l'inspection des installations classées peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance.
4. Il appartient à l'Etat, dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées, d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement par les installations soumises à autorisation en application de l'article L. 512-1 du même code et ce, en premier lieu, en assortissant l'autorisation délivrée à l'exploitant de prescriptions encadrant les conditions d'installation et d'exploitation de l'installation qui soient de nature à prévenir les risques susceptibles de survenir. Il lui appartient, ensuite, d'exercer sa mission de contrôle sur cette installation en veillant au respect des prescriptions imposées à l'exploitant et à leur adéquation à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. A cet égard, les services en charge de ce contrôle disposent des pouvoirs qui leur sont reconnus par l'article L. 514-5 mentionné ci-dessus afin de visiter les installations soumises à autorisation. Il leur appartient d'adapter la fréquence et la nature de leurs visites à la nature, à la dangerosité et à la taille de ces installations. Il leur revient, enfin, de tenir compte, dans l'exercice de cette mission de contrôle, des indications dont ils disposent sur les facteurs de risques particuliers affectant les installations ou sur d'éventuels manquements commis par l'exploitant.
5. Il ressort à cet égard des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en ce qui concerne les rejets canalisés, l'activité de l'usine a été encadrée par arrêté préfectoral à compter du 31 juillet 1934, qu'une soixantaine d'arrêtés préfectoraux ont par la suite, à un rythme régulier, encadré de plus en plus précisément les points et les valeurs des rejets atmosphériques et qu'a été exigée la mise en place de capteurs à l'extérieur du site et la réalisation d'études. La cour a également mentionné les mesures adoptées à la fin des années 1990, qui ont notamment conduit à exiger de nouvelles études sur les pollutions engendrées et à mettre en demeure l'exploitant de respecter les exigences qui lui étaient imposées, avant que des arrêtés prescrivant des mesures d'urgence relatives aux terres polluées n'interviennent en décembre 2002, puis en 2003. Enfin, la cour a relevé que huit rapports d'inspecteurs des installations classées établis entre 1969 et 2003 montraient que ce service était attentif à la question des rejets atmosphériques et avait exigé la mise en place de dépoussiérateurs et de filtres et imposé la réalisation d'études des moyens techniques pour remédier à la pollution atmosphérique.
6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi que le relève le ministre, qu'en ce qui concerne les pollutions diffuses, le préfet du Pas-de-Calais a demandé à l'exploitant, par un arrêté du 6 octobre 1997, de réaliser un bilan portant sur les données disponibles relatives aux émissions diffuses, puis l'a mis en demeure de fournir ces données par un nouvel arrêté du 21 juillet 1998. Au vu des éléments transmis, ainsi que d'une étude de l'école des mines de Douai, réalisée en 1999 et concluant à des rejets diffus compris entre 50 et 100 tonnes par an, dont 15 à 30 tonnes de plomb, le préfet a imposé, par un arrêté préfectoral du 16 décembre 1999, la mise en oeuvre de moyens visant à limiter les rejets diffus afin de limiter les émissions à 10 tonnes de plomb par an.
7. Pour regarder comme établie l'existence d'une carence fautive de l'Etat dans l'exercice de la police des installations classées à l'égard de l'usine exploitée en dernier lieu par Métaleurop Nord, la cour s'est fondée sur ce que les sujétions imposées par le préfet à cette usine s'étaient avérées insuffisantes pour prévenir une pollution excessive des sols liée à son activité depuis le début du XXème siècle, que des études avaient mises en évidence à partir de la fin des années 1960.
8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de caractériser les manquements que l'administration aurait commis, en dépit des prescriptions et contrôles successifs rappelés aux points 5 et 6 pour ce qui concerne tant les rejets canalisés que les rejets diffus dans l'atmosphère, dans l'encadrement de l'installation au regard des risques pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement que, compte tenu des connaissances dont elle pouvait disposer, il lui incombait de prévenir, la cour a méconnu les règles rappelées au point 4.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 23 mai 2024 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à M. A... C... et à Mme B... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 25 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain