Conseil d'État
N° 470918
ECLI:FR:CECHR:2025:470918.20250919
Publié au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Aurélien Gloux-Saliou , rapporteur
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du vendredi 19 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 581 210, 03 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 11 février 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement n° 1804311 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Tarkett Bois une somme de 440 345 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de leur capitalisation, et rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n° 20BX03369 du 30 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Tarkett Bois.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 janvier, 27 avril et 7 novembre 2023 et le 12 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tarkett Bois demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Société Tarkett Bois ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 11 février 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tarkett Bois prévoyant la suppression de 119 emplois dans le cadre de sa cessation d'activité. Par un jugement du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Tarkett Bois tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un arrêt du 8 octobre 2015, devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et la décision de refus du 11 février 2015. Entretemps, saisi d'une nouvelle proposition de la société Tarkett Bois, le DIRECCTE d'Aquitaine avait, par une décision du 9 avril 2015, homologué un nouveau document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi.
2. La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 581 210, 03 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du DIRECCTE d'Aquitaine du 11 février 2015. Par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Tarkett Bois une somme de 440 345 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de leur capitalisation. Par un arrêt du 30 novembre 2022, contre lequel la société Tarkett Bois se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société.
Sur le cadre juridique :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements (...) " et aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. " En outre, il appartient à l'administration de contrôler le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, tant en ce qui concerne l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi que son contenu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. (...) ", aux termes de l'article L. 1233-57-5 du même code : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. " et aux termes de l'article L. 1233-57-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales. "
5. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / (...) Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation (...) d'homologation (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1233-39 du même code, l'employeur " ne peut procéder, à peine de nullité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de cette décision d'homologation (...) ou l'expiration des délais prévus à l'article L. 1233-57-4 " et aux termes de l'article L. 1235-10 de ce code, " le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. / En cas d'annulation d'une décision (...) d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle (...) ".
6. Par les dispositions citées ci-dessus, le législateur a donné compétence à l'autorité administrative pour, d'une part, présenter toute observation ou proposition, ou formuler des injonctions, de nature à éclairer l'employeur en cours de procédure sur la régularité de celle-ci et le caractère suffisant des mesures contenues dans son plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir contrôlé le respect des exigences mentionnées à l'article L. 1233-57-3 du code du travail, homologuer le document ou, s'il y a lieu, refuser cette homologation aux fins que lui soit soumis un nouveau document conforme aux dispositions de cet article ou, le cas échéant, l'accord collectif mentionné à l'article L.1233-24-1 du même code. Eu égard à l'objet et à la finalité du contrôle opéré par l'administration et au rôle qui lui est conféré dans le processus d'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi, la responsabilité de l'Etat à raison d'une illégalité entachant une décision d'homologation de document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou de refus d'homologation d'un tel document, ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
Sur le pourvoi :
7. En premier lieu, en jugeant que l'illégalité fautive entachant la décision du 11 février 2015 du DIRECCTE d'Aquitaine ne pouvait engager la responsabilité de l'Etat qu'en cas de faute lourde, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a, eu égard à ce qui a été dit au point 6, pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par son arrêt du 8 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que la décision du 11 février 2015 par laquelle le DIRECCTE d'Aquitaine avait refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tarkett Bois était illégale en ce qu'elle avait estimé que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise dans le cadre de l'obligation de recherche de repreneurs avait été irrégulière, alors qu'il appartenait seulement à l'administration de vérifier si l'irrégularité commise avait fait obstacle à ce que le comité d'entreprise puisse délibérer et rendre un avis en toute connaissance de cause, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux par sa décision nos385816 du 22 juillet 2015, et que l'irrégularité reprochée à la société Tarkett Bois n'avait pas eu en l'espèce pour effet d'empêcher les membres de son comité d'entreprise de délibérer et de rendre un avis en toute connaissance de cause. Par suite en jugeant, par l'arrêt attaqué, que l'illégalité de ce motif de refus d'homologation ne constituait pas une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour, compte tenu notamment de l'absence, à la date de la décision administrative illégale, de détermination jurisprudentielle de l'étendue du contrôle de la régularité de la procédure par l'administration et des effets d'éventuels vices sur sa décision, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
9. En revanche, en écartant l'existence d'une faute lourde à raison de l'illégalité entachant l'autre motif de refus d'homologation, tiré de l'insuffisance des mesures d'accompagnement que prévoyait le plan de sauvegarde de l'emploi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen que certaines des mesures regardées comme nécessaires par le DIRRECTE d'Aquitaine excédaient celles dont il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'homologation, de contrôler la présence au titre du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L.1233-63 du code du travail et dont l'absence peut justifier légalement une décision de refus, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Tarkett Bois est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentée par la société Tarkett Bois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Tarkett Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Tarkett Bois et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
N° 470918
ECLI:FR:CECHR:2025:470918.20250919
Publié au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Aurélien Gloux-Saliou , rapporteur
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du vendredi 19 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 581 210, 03 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 11 février 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement n° 1804311 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Tarkett Bois une somme de 440 345 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de leur capitalisation, et rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n° 20BX03369 du 30 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Tarkett Bois.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 janvier, 27 avril et 7 novembre 2023 et le 12 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tarkett Bois demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Société Tarkett Bois ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 11 février 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tarkett Bois prévoyant la suppression de 119 emplois dans le cadre de sa cessation d'activité. Par un jugement du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Tarkett Bois tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un arrêt du 8 octobre 2015, devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et la décision de refus du 11 février 2015. Entretemps, saisi d'une nouvelle proposition de la société Tarkett Bois, le DIRECCTE d'Aquitaine avait, par une décision du 9 avril 2015, homologué un nouveau document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi.
2. La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 581 210, 03 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du DIRECCTE d'Aquitaine du 11 février 2015. Par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Tarkett Bois une somme de 440 345 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 et de leur capitalisation. Par un arrêt du 30 novembre 2022, contre lequel la société Tarkett Bois se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société.
Sur le cadre juridique :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements (...) " et aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. " En outre, il appartient à l'administration de contrôler le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, tant en ce qui concerne l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi que son contenu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. (...) ", aux termes de l'article L. 1233-57-5 du même code : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. " et aux termes de l'article L. 1233-57-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales. "
5. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / (...) Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation (...) d'homologation (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1233-39 du même code, l'employeur " ne peut procéder, à peine de nullité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de cette décision d'homologation (...) ou l'expiration des délais prévus à l'article L. 1233-57-4 " et aux termes de l'article L. 1235-10 de ce code, " le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. / En cas d'annulation d'une décision (...) d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle (...) ".
6. Par les dispositions citées ci-dessus, le législateur a donné compétence à l'autorité administrative pour, d'une part, présenter toute observation ou proposition, ou formuler des injonctions, de nature à éclairer l'employeur en cours de procédure sur la régularité de celle-ci et le caractère suffisant des mesures contenues dans son plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir contrôlé le respect des exigences mentionnées à l'article L. 1233-57-3 du code du travail, homologuer le document ou, s'il y a lieu, refuser cette homologation aux fins que lui soit soumis un nouveau document conforme aux dispositions de cet article ou, le cas échéant, l'accord collectif mentionné à l'article L.1233-24-1 du même code. Eu égard à l'objet et à la finalité du contrôle opéré par l'administration et au rôle qui lui est conféré dans le processus d'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi, la responsabilité de l'Etat à raison d'une illégalité entachant une décision d'homologation de document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou de refus d'homologation d'un tel document, ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
Sur le pourvoi :
7. En premier lieu, en jugeant que l'illégalité fautive entachant la décision du 11 février 2015 du DIRECCTE d'Aquitaine ne pouvait engager la responsabilité de l'Etat qu'en cas de faute lourde, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a, eu égard à ce qui a été dit au point 6, pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par son arrêt du 8 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que la décision du 11 février 2015 par laquelle le DIRECCTE d'Aquitaine avait refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tarkett Bois était illégale en ce qu'elle avait estimé que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise dans le cadre de l'obligation de recherche de repreneurs avait été irrégulière, alors qu'il appartenait seulement à l'administration de vérifier si l'irrégularité commise avait fait obstacle à ce que le comité d'entreprise puisse délibérer et rendre un avis en toute connaissance de cause, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux par sa décision nos385816 du 22 juillet 2015, et que l'irrégularité reprochée à la société Tarkett Bois n'avait pas eu en l'espèce pour effet d'empêcher les membres de son comité d'entreprise de délibérer et de rendre un avis en toute connaissance de cause. Par suite en jugeant, par l'arrêt attaqué, que l'illégalité de ce motif de refus d'homologation ne constituait pas une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour, compte tenu notamment de l'absence, à la date de la décision administrative illégale, de détermination jurisprudentielle de l'étendue du contrôle de la régularité de la procédure par l'administration et des effets d'éventuels vices sur sa décision, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
9. En revanche, en écartant l'existence d'une faute lourde à raison de l'illégalité entachant l'autre motif de refus d'homologation, tiré de l'insuffisance des mesures d'accompagnement que prévoyait le plan de sauvegarde de l'emploi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen que certaines des mesures regardées comme nécessaires par le DIRRECTE d'Aquitaine excédaient celles dont il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'homologation, de contrôler la présence au titre du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L.1233-63 du code du travail et dont l'absence peut justifier légalement une décision de refus, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Tarkett Bois est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentée par la société Tarkett Bois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Tarkett Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Tarkett Bois et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.