Conseil d'État
N° 492877
ECLI:FR:CECHR:2025:492877.20250926
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteure
SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES, avocats
Lecture du vendredi 26 septembre 2025
Vu les procédures suivantes :
I.- Sous le n° 492877, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2013 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005487 du 20 juin 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 22TL21797 du 25 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'un montant de 149 878 euros intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2024 et le 7 avril 2025, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II.- Sous le n° 492879, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005486 du 20 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22TL21798 du 25 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2024 et le 7 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de M. B... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il résulte des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a assujetti M. B..., selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 à 2015, ainsi qu'à des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2011 et 2012, à raison de sommes versées en espèces à M. B... par des fournisseurs de la société Roussillon Salaisons dont il était le président et actionnaire principal jusqu'en 2017, qu'elle a regardées comme des rémunérations et avantages occultes constitutifs de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Par deux jugements du 20 juin 2022, le premier afférent aux années 2009 à 2013, et le second aux années 2014 et 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. B... tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes. M. B... se pourvoit en cassation, d'une part, contre l'article 2 de l'arrêt du 25 janvier 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement d'un montant de 149 878 euros intervenu en cours d'instance au titre des années 2009, 2010 et 2011, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. B... contre le premier de ces jugements, et d'autre part, contre l'arrêt du même jour par laquelle la même cour a rejeté son appel contre le second jugement du tribunal.
3. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article R*200-1 du livre des procédures fiscales : " Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires mentionnée à l'article 1651 du code général des impôts. "
4. La cour administrative d'appel de Toulouse n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ni ces dispositions, ni le principe d'impartialité qu'elles mettent en oeuvre, applicable à toutes les juridictions, ne faisaient obstacle à ce que le magistrat ayant présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a rendu un avis sur le désaccord opposant la société Roussillon Salaisons à l'administration fiscale s'agissant des bénéfices à comprendre dans les bases de l'impôt sur les sociétés due par elle au titre des exercices 2005 à 2016 siégeât, en qualité de rapporteur, lors de l'audience du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ayant statué sur la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2009 à 2015 auxquelles il a été assujetti, dès lors que le litige ainsi jugé portait sur des impositions et un redevable différents de celles dont les bases avaient été examinées par la commission départementale et qu'ainsi, les affaires soumises, s'agissant de la société Roussillon Salaisons, à l'avis de cette commission et, s'agissant de M. B..., au jugement du tribunal, n'étaient pas les mêmes.
5. En deuxième lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce en principe, s'agissant de l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
6. L'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, prévoyait que : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Pour l'application de ces dispositions aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites devait être regardé comme ouvrant l'instance, ni l'ouverture d'une enquête préliminaire, ni l'examen des poursuites par le ministère public, selon les formes et conditions prévues par le code de procédure pénale, n'ayant, eux-mêmes, un tel effet.
7. Cependant, aux termes du même article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Il résulte de ces nouvelles dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2015 dont elles sont issues, que le législateur a entendu étendre l'application du délai spécial de reprise qu'elles prévoient aux cas dans lesquels la révélation d'omissions ou insuffisances d'imposition intervient avant même l'ouverture d'une instance devant les tribunaux répressifs, dans le cadre d'une procédure judiciaire telle qu'une enquête préliminaire, une enquête de flagrance ou lors de l'examen des poursuites par le ministère public. En vertu du IV de l'article 92 de la loi de finances rectificative pour 2015, l'article L. 188 C dans sa rédaction issue de cette loi s'est appliqué aux délais de reprise venant à expiration à compter de sa publication, soit le 30 décembre 2015, l'article L. 188 C dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 demeurant en revanche applicable aux révélations intervenues avant la publication de la loi du 29 décembre 2015.
8. La cour a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que les omissions et insuffisances d'imposition à l'origine des rectifications litigieuses avaient été révélées par un bulletin de signalement établi le 20 février 2016 par le groupement d'intervention régionale de la gendarmerie menant une enquête de flagrance, auxquels étaient joints des extraits de procès-verbaux de deux auditions de M. B..., faisant état du paiement en espèces de commissions occultes à la société Roussillon Salaisons par des fournisseurs espagnols. En jugeant que, dès lors que ces omissions et insuffisances d'imposition avaient ainsi été révélées en février 2016 par une procédure judiciaire, l'administration fiscale était fondée à se prévaloir, pour les impositions dues par M. B... au titre des années 2012 et 2013, du délai de reprise étendu à dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2015, sans exiger leur révélation par une " instance " pénale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
10. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. B... a reconnu, dans le cadre d'auditions tenues à l'occasion de la procédure pénale diligentée contre lui, qu'il avait mis en place durant vingt ans un système de commissions occultes en espèces, conservées à son domicile, avec plusieurs fournisseurs espagnols de la société Roussillon Salaisons, dont il était le dirigeant. L'administration fiscale a regardé les sommes versées en espèces par ces fournisseurs à la société Roussillon Salaisons et perçues par M. B... comme des rémunérations et avantages occultes, imposables entre les mains de M. B... comme revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. En jugeant que l'administration fiscale avait pu, pour établir le montant des rémunérations et avantages occultes ainsi perçus par M. B... au titre des exercices en litige, se fonder notamment sur les déclarations de M. B... devant le magistrat instructeur lors de la procédure pénale, qu'elle n'avait pas eu recours à une méthode imprécise ou arbitraire, et qu'elle n'était pas tenue, au préalable, de rejeter la comptabilité de la société Roussillon Salaisons comme dépourvue de valeur probante ni d'appliquer plusieurs méthodes de reconstitution, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits, ne leur a pas davantage donné une inexacte qualification juridique et n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque. Les pourvois de M. B... doivent, par suite, être rejetés, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les pourvois de M. B... sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 26 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 492877
ECLI:FR:CECHR:2025:492877.20250926
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteure
SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES, avocats
Lecture du vendredi 26 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
I.- Sous le n° 492877, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2013 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005487 du 20 juin 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 22TL21797 du 25 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'un montant de 149 878 euros intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2024 et le 7 avril 2025, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II.- Sous le n° 492879, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005486 du 20 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22TL21798 du 25 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2024 et le 7 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de M. B... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il résulte des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a assujetti M. B..., selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 à 2015, ainsi qu'à des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2011 et 2012, à raison de sommes versées en espèces à M. B... par des fournisseurs de la société Roussillon Salaisons dont il était le président et actionnaire principal jusqu'en 2017, qu'elle a regardées comme des rémunérations et avantages occultes constitutifs de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Par deux jugements du 20 juin 2022, le premier afférent aux années 2009 à 2013, et le second aux années 2014 et 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. B... tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes. M. B... se pourvoit en cassation, d'une part, contre l'article 2 de l'arrêt du 25 janvier 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement d'un montant de 149 878 euros intervenu en cours d'instance au titre des années 2009, 2010 et 2011, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. B... contre le premier de ces jugements, et d'autre part, contre l'arrêt du même jour par laquelle la même cour a rejeté son appel contre le second jugement du tribunal.
3. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article R*200-1 du livre des procédures fiscales : " Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires mentionnée à l'article 1651 du code général des impôts. "
4. La cour administrative d'appel de Toulouse n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ni ces dispositions, ni le principe d'impartialité qu'elles mettent en oeuvre, applicable à toutes les juridictions, ne faisaient obstacle à ce que le magistrat ayant présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a rendu un avis sur le désaccord opposant la société Roussillon Salaisons à l'administration fiscale s'agissant des bénéfices à comprendre dans les bases de l'impôt sur les sociétés due par elle au titre des exercices 2005 à 2016 siégeât, en qualité de rapporteur, lors de l'audience du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ayant statué sur la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2009 à 2015 auxquelles il a été assujetti, dès lors que le litige ainsi jugé portait sur des impositions et un redevable différents de celles dont les bases avaient été examinées par la commission départementale et qu'ainsi, les affaires soumises, s'agissant de la société Roussillon Salaisons, à l'avis de cette commission et, s'agissant de M. B..., au jugement du tribunal, n'étaient pas les mêmes.
5. En deuxième lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce en principe, s'agissant de l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
6. L'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, prévoyait que : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Pour l'application de ces dispositions aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites devait être regardé comme ouvrant l'instance, ni l'ouverture d'une enquête préliminaire, ni l'examen des poursuites par le ministère public, selon les formes et conditions prévues par le code de procédure pénale, n'ayant, eux-mêmes, un tel effet.
7. Cependant, aux termes du même article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Il résulte de ces nouvelles dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2015 dont elles sont issues, que le législateur a entendu étendre l'application du délai spécial de reprise qu'elles prévoient aux cas dans lesquels la révélation d'omissions ou insuffisances d'imposition intervient avant même l'ouverture d'une instance devant les tribunaux répressifs, dans le cadre d'une procédure judiciaire telle qu'une enquête préliminaire, une enquête de flagrance ou lors de l'examen des poursuites par le ministère public. En vertu du IV de l'article 92 de la loi de finances rectificative pour 2015, l'article L. 188 C dans sa rédaction issue de cette loi s'est appliqué aux délais de reprise venant à expiration à compter de sa publication, soit le 30 décembre 2015, l'article L. 188 C dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 demeurant en revanche applicable aux révélations intervenues avant la publication de la loi du 29 décembre 2015.
8. La cour a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que les omissions et insuffisances d'imposition à l'origine des rectifications litigieuses avaient été révélées par un bulletin de signalement établi le 20 février 2016 par le groupement d'intervention régionale de la gendarmerie menant une enquête de flagrance, auxquels étaient joints des extraits de procès-verbaux de deux auditions de M. B..., faisant état du paiement en espèces de commissions occultes à la société Roussillon Salaisons par des fournisseurs espagnols. En jugeant que, dès lors que ces omissions et insuffisances d'imposition avaient ainsi été révélées en février 2016 par une procédure judiciaire, l'administration fiscale était fondée à se prévaloir, pour les impositions dues par M. B... au titre des années 2012 et 2013, du délai de reprise étendu à dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2015, sans exiger leur révélation par une " instance " pénale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
10. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. B... a reconnu, dans le cadre d'auditions tenues à l'occasion de la procédure pénale diligentée contre lui, qu'il avait mis en place durant vingt ans un système de commissions occultes en espèces, conservées à son domicile, avec plusieurs fournisseurs espagnols de la société Roussillon Salaisons, dont il était le dirigeant. L'administration fiscale a regardé les sommes versées en espèces par ces fournisseurs à la société Roussillon Salaisons et perçues par M. B... comme des rémunérations et avantages occultes, imposables entre les mains de M. B... comme revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. En jugeant que l'administration fiscale avait pu, pour établir le montant des rémunérations et avantages occultes ainsi perçus par M. B... au titre des exercices en litige, se fonder notamment sur les déclarations de M. B... devant le magistrat instructeur lors de la procédure pénale, qu'elle n'avait pas eu recours à une méthode imprécise ou arbitraire, et qu'elle n'était pas tenue, au préalable, de rejeter la comptabilité de la société Roussillon Salaisons comme dépourvue de valeur probante ni d'appliquer plusieurs méthodes de reconstitution, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits, ne leur a pas davantage donné une inexacte qualification juridique et n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque. Les pourvois de M. B... doivent, par suite, être rejetés, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les pourvois de M. B... sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 26 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle