Conseil d'État
N° 500350
ECLI:FR:CECHR:2025:500350.20250926
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Emile Blondet, rapporteur
COULAUD, avocats
Lecture du vendredi 26 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
1°/ Sous le n° 500350, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 janvier, 27 mai et 15 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des bateaux de Levallois demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de Voies navigables de France de prendre une nouvelle décision fixant les modalités de calcul et les tarifs de la redevance d'occupation domaniale, notamment définissant chacune des catégories de coefficient de contexte urbain de manière suffisamment précise et claire, fixant la valeur du coefficient de contexte urbain " centre-ville " à 1, supprimant les secteurs " Port de Levallois-Perret " et " Port de Levallois (zone 2) " des secteurs particuliers d'Ile-de-France au titre de la fraction " équipement " de la redevance pour prévoir une facturation par équipement et indexant le montant de la redevance de stationnement d'embarcations sur l'indice de référence des loyers ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°/ Sous le n° 500351, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 janvier, 28 mai et 12 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association fluviale de Longchamp demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé en tant qu'elle fixe le montant des redevances domaniales applicables au stationnement d'embarcations sur son domaine public fluvial ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de Voies navigables de France de prendre une nouvelle décision fixant les modalités de calcul et les tarifs de la redevance d'occupation domaniale, notamment déterminant des critères suffisamment précis et clairs de nature à justifier les modalités de calcul des valeurs locatives de référence, définissant un secteur spécifique, au titre de la valeur locative de référence, pour la berge du bois de Boulogne en adéquation avec la réalité de ces quais, prenant en compte la superficie de l'emprise de l'embarcation sur le domaine, définissant chacune des catégories de coefficient de contexte urbain de manière suffisamment précise et claire, classant à ce titre la zone de la berge du bois de Boulogne dans la catégorie " zone isolée ou périurbain - site exceptionnel ", réduisant le montant forfaitaire applicable à la berge du bois de Boulogne au titre de la fraction " équipement " de la redevance et indexant le montant de la redevance de stationnement d'embarcations sur l'indice de référence des loyers et d'en tirer les conséquences concernant ses relations financières avec les propriétaires de bateaux logements ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code monétaire et financier ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,
- les conclusions de M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la Voies navigables de France ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 25 septembre 2025, présentées par l'association des bateaux de Levallois et l'association fluviale de Longchamp ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association des bateaux de Levallois, d'une part, et l'association fluviale de Longchamp, d'autre part, demandent respectivement, par deux requêtes distinctes, l'annulation de la décision du 4 novembre 2024 par laquelle la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) a fixé, pour l'année 2025, les règles de détermination du montant des redevances domaniales applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à cet établissement public. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, la requête de l'association des bateaux de Levallois et celle de l'association fluviale de Longchamp doivent être regardées comme tendant uniquement à l'annulation de l'article 2 de cette décision, en tant qu'il fixe le montant de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations, le montant de la fraction " équipement " de cette même redevance applicable, respectivement, aux secteurs " Port de Levallois-Perret ", " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne " ainsi que les règles d'indexation de cette redevance. Les requêtes présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. Contrairement à ce que soutient VNF et ainsi qu'il a été dit au point 1, les conclusions à fin d'annulation des associations requérantes sont dirigées contre l'article 2 de la décision attaquée en tant qu'il fixe le montant de redevance applicable au stationnement d'embarcations. Ces dispositions sont divisibles du reste du barème fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à VNF et de son domaine privé. La circonstance que ce barème soit fixé par un seul article est à cet égard sans incidence.
Sur le cadre juridique applicable :
3. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
4. Aux termes de l'article L. 4311-1 du code des transports, " L'établissement public de l'Etat à caractère administratif dénommé " Voies navigables de France " : / 1° Assure l'exploitation, l'entretien, la maintenance, l'amélioration, l'extension et la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport, contribuant ainsi au report modal par le réseau principal et par le réseau secondaire ; (...) 4° Gère et exploite, en régie directe ou par l'intermédiaire de personnes morales de droit public ou de sociétés qu'il contrôle, le domaine de l'Etat qui lui est confié en vertu de l'article L. 4314-1 ainsi que son domaine privé ". En vertu des articles L. 4314-1 et D. 4314-1 du même code, le domaine confié à VNF est, sous les exceptions prévues par ce dernier article, le domaine public fluvial de l'Etat tel qu'il est défini aux articles L. 2111-7, L. 2111-10 et L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques. Enfin, aux termes de l'article R. 4316-11 du code des transports : " Voies navigables de France fixe, conformément aux dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, le montant des redevances, prévues au 2° de l'article L. 4316-1, dues à raison de toute emprise ou de tout autre usage que ceux mentionnés aux articles R. 4316-1 à R. 4316-5, y compris le prélèvement de matériaux. (...) ".
5. L'article 2 de la décision du 4 novembre 2024 de la directrice générale de de VNF dispose que : " Le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables compter du 1er janvier 2025 aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé, est fixé selon le barème joint à la présente décision. / Dans les cas particuliers où l'application du barème joint conduirait à une redevance manifestement inférieure aux avantages de toute nature retirés par les occupants du domaine public, une décision tarifaire exceptionnelle sera prise ".
6. Le barème annexé à cette décision prévoit que le montant annuel de la redevance domaniale due à raison du stationnement d'embarcations est la somme d'une fraction " stationnement " et d'une fraction " équipement ".
7. La fraction " stationnement " est égale au produit d'une valeur locative de référence par mètre carré que la décision fixe en fonction de secteurs qu'elle détermine, à laquelle sont appliqués un coefficient relatif au contexte urbain et un coefficient relatif au type d'embarcation, et de la superficie totale facturable de l'embarcation. Le coefficient de contexte urbain varie de 0,70 à 1,50 selon la catégorie de quartier dans lequel se situe, au sein d'un secteur donné, l'emplacement occupé. Le coefficient relatif au type d'embarcation est fonction de l'usage qui est fait de cette dernière. Il est fixé à 1,00 pour, notamment, le logement et la plaisance. La superficie totale facturable de l'embarcation correspond à sa surface hors tout augmentée, le cas échéant, de la part de la surface du deuxième niveau habitable excédant le quart de sa surface " hors tout " et de la surface intégrale de tout niveau supplémentaire.
8. La fraction " équipement " est fixée à un montant annuel forfaitaire pour certains secteurs d'Ile-de-France et, pour les autres secteurs, en fonction du nombre d'équipements offerts dans la zone concernée. Un abattement " équipements " de 5, 10, 15, 20 ou 25 % peut être appliqué en Ile-de-France à la fraction " stationnement ", dans la limite du montant de la fraction " équipement ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la fraction " stationnement " de la redevance :
9. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaitrait l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et le principe d'égalité entre les usagers du domaine public fluvial en appliquant la même méthode de calcul pour déterminer le montant de la redevance pour les établissements flottants qui sont susceptibles d'augmenter leurs recettes en exploitant chaque étage supplémentaire et les navires à usage de logement manque en fait, dans la mesure où cette décision prévoit l'application d'un coefficient relatif au type d'embarcation fixé, notamment, à 1,00 pour une embarcation à usage de logement et entre 3,00 et 6,00 pour une embarcation abritant une activité commerciale.
10. En deuxième lieu, en prévoyant l'application aux valeurs locatives de référence d'un coefficient de contexte urbain variant de 0,70 pour la catégorie " zone isolée ou quartiers non valorisés des grandes villes " à 1,50 pour la catégorie " centre-ville - site exceptionnel ", définis en fonction de critères géographiques et économiques objectifs propres à refléter, au sein d'un même secteur, la valeur d'usage des emplacements concernés, ce qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne conduit pas à valoriser une seconde fois les avantages de toute nature retirés par la localisation de l'emplacement, la directrice générale de VNF n'a méconnu ni l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, ni le principe d'égalité entre les occupants du domaine public. En particulier, en fixant à 1,10 le coefficient applicable au centre-ville, montant cohérent avec l'avantage que procure l'occupation du domaine public dans un tel secteur, la directrice générale de VNF n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Sont dépourvues d'incidence à cet égard les circonstances que les barèmes applicables aux années antérieures à 2022 auraient retenu un coefficient moins élevé ou qu'un service territorial aurait, à l'occasion d'une décision individuelle, appliqué à tort ce coefficient à un site donné.
11. En troisième lieu, pour déterminer le montant de la fraction " stationnement " de la redevance, la décision contestée prend en compte la superficie totale facturable de l'embarcation, comprenant sa surface hors tout ainsi que, le cas échéant, une partie de la surface des niveaux habitables supplémentaires. Alors même que la superficie totale fracturable de l'embarcation peut excéder sa surface d'emprise sur le domaine occupé et qu'il existe également un coefficient spécifique relatif au type d'embarcation, en utilisant ce critère, cohérent pour apprécier l'avantage procuré par l'occupation du domaine public par des embarcations de logement ou de plaisance, la directrice générale de VNF n'a pas méconnu l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
12. En quatrième lieu, pour ce qui concerne les valeurs locatives de référence, la décision contestée distingue les territoires situés hors Ile-de-France et en Ile-de-France. Elle fixe au sein de ces deux catégories, respectivement, quatre valeurs locatives de référence distinctes selon la taille de la ville ou son caractère touristique, et huit valeurs locatives de référence distinctes selon la localisation de la dépendance domaniale occupée. Il ressort des pièces du dossier que les valeurs locatives de référence ont été élaborées à partir des valeurs locatives de propriétés privées comparables en 1994, en tenant compte des charges supportées par le propriétaire de l'embarcation, du caractère précaire de l'autorisation d'occupation du domaine public et des sujétions particulières afférentes au stationnement sur le domaine fluvial par l'application de trois abattements successifs de, respectivement, 60%, 15% et 20%. La décision attaquée, qui n'avait pas à être motivée, définit les valeurs locatives de référence pour chaque secteur de manière suffisamment précise. Dès lors, l'association fluviale de Longchamp n'est pas fondée à soutenir qu'elle méconnaîtrait l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, l'objectif à valeur constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et, en tout état de cause, le principe d'égalité devant les charges publiques, en ne précisant pas les modalités de détermination des valeurs locatives de référence.
13. En revanche, l'association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice faisant état, sans être contredit sur ce point, de sujétions significatives à certains emplacements des berges du bois de Boulogne, situés dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " entre le pont de Suresnes et la passerelle de l'Avre, tenant notamment à l'état particulièrement dégradé des berges, à la présence d'une végétation invasive obstruant certains accès ou encore à une localisation particulièrement éloignée des commerces. Dans les circonstances de l'espèce, et alors même que l'application d'un coefficient de contexte urbain, prévu par la décision attaquée, est susceptible de prendre en compte une partie des sujétions liées à une localisation moins avantageuse, la directrice générale de VNF, en incluant les emplacements situés sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy ", dont la valeur locative de référence est fixée à 43,34 euros par mètre carré par an, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la fraction " équipement " de la redevance :
14. Il ressort de l'annexe à la décision attaquée que la fraction " équipement " de la redevance est, en principe, fonction du nombre d'équipements mis à disposition dans le secteur concerné, variant de 435,93 euros par an pour un équipement à 1525,69 euros par an pour cinq équipements, et qu'elle est, par exception, fixée de manière forfaitaire dans 17 secteurs particuliers d'Ile-de-France, variant de 1307,79 euros par an à 9755,34 euros par an.
15. D'une part, l'association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice indiquant, sans que cela ne soit contesté par VNF, que les équipements mis à la disposition des occupants du domaine public à certains emplacements du secteur " Port de Bois de Boulogne " sont dans un état de dégradation avancé, qu'en particulier, des chambres de distribution d'eau et d'électricité sont déformées par la végétation, les câbles de certaines armoires électriques ont été sectionnés et des armoires à gaz ne disposent plus de porte de protection. Par suite, et alors même que l'abattement " équipements ", prévu par la décision attaquée, permet de réduire le montant total de la redevance due, la directrice générale de VNF, en fixant le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de la redevance pour l'ensemble de ce secteur à hauteur de 5150,14 euros par an a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. D'autre part, l'association des bateaux de Levallois n'apporte pas d'éléments suffisants, en se bornant à faire état, par des considérations générales relatives à d'autres secteurs particuliers d'Ile-de-France, du manque d'équipements mis à disposition des occupants, au soutien de son affirmation selon laquelle la directrice générale de VNF aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant le montant de la fraction " équipement " à 3855,41 euros par an pour celui du " Port de Levallois-Perret ". En revanche, elle se prévaut, sans être contredite par VNF, d'un procès-verbal assorti de photos et établi par un commissaire de justice indiquant que les navires stationnés sur les secteurs du " Port de Levallois-Perret " et du " Port de Levallois (zone 2) " bénéficient des mêmes équipements pour l'arrivée d'eau et le raccordement électrique ainsi que, dans chaque secteur, d'un système pour l'amarrage des navires. Par suite, en fixant le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de la redevance pour le second de ces secteurs à 9755,34 euros par an, contre 3855,41 euros pour le premier de ces secteurs contigus, alors même que la nature, l'ancienneté et le niveau des équipements mis à disposition des occupants ne présentaient pas de différence significative, la directrice générale de VNF, qui ne se prévaut d'aucun motif d'intérêt général justifiant cette différence de traitement, a méconnu le principe d'égalité entre les usagers du domaine public.
En ce qui concerne les modalités d'indexation de la redevance :
17. Le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations, composées, comme il a été dit au point 6, d'une fraction " stationnement " et d'une fraction " stationnement ", est indexé au 1er janvier de chaque année sur l'indice du coût de la construction publié par l'Institut national des statistiques et des études économiques.
18. D'une part, aux termes de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier : " Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties. (...) ". Contrairement à ce qu'affirment les associations requérantes, l'indice du coût de la construction publiée par l'Institut national des statistiques et des études économiques, sur lequel se fonde l'indexation du montant des redevances, est en relation directe avec l'activité de VNF, notamment d'entretien, de maintenance, d'amélioration et d'extension des voies navigables et de leurs dépendances. La circonstance que la fixation de la redevance domaniale due à raison du stationnement d'embarcations relève de l'activité de gestion et d'exploitation du domaine public fluvial de VNF est à cet égard sans incidence.
19. D'autre part, les associations requérantes se bornent à affirmer que la directrice générale de VNF a méconnu l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en indexant le montant des redevances dues sur un indice sans rapport avec les avantages de toute nature susceptibles d'être procurés aux occupants du domaine public. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'indexation du montant de la redevance due sur l'indice du coût de la construction conduirait à aboutir à un niveau de redevance ne tenant pas compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont uniquement fondées à demander l'annulation de la décision contestée, d'une part, en tant qu'elle détermine la valeur locative de référence de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " et, d'autre part, en tant qu'elle fixe le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de cette même redevance pour les secteurs " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne ".
21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive des dispositions de la décision attaquée mentionnées au point précédent entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de leur annulation. Il n'y a pas lieu, par suite, d'assortir l'annulation de ces dispositions d'une telle limitation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Il y a lieu d'enjoindre VNF à fixer le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations pour l'année 2025 dans la mesure de l'annulation partielle prononcée au point 20.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association des bateaux de Levallois et de l'association fluviale de Longchamp qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de VNF la somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à l'association des bateaux de Levallois et, d'autre part, à l'association fluviale de Longchamp, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision de la directrice générale de Voies navigables de France du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé est annulée, d'une part, en tant qu'elle détermine la valeur locative de référence de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " et, d'autre part, en tant qu'elle fixe le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de cette même redevance pour les secteurs " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne ".
Article 2 : Il est enjoint à Voies navigables de France de fixer le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations pour l'année 2025 dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Voies navigables de France versera à l'association des bateaux de Levallois et l'association fluviale de Longchamp une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes et les conclusions présentées par Voies navigables de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association des bateaux de Levallois, à l'association fluviale de Longchamp et à l'établissement public Voies navigables de France.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.
Rendu le 26 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Emile Blondet
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 500350
ECLI:FR:CECHR:2025:500350.20250926
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Emile Blondet, rapporteur
COULAUD, avocats
Lecture du vendredi 26 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
1°/ Sous le n° 500350, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 janvier, 27 mai et 15 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des bateaux de Levallois demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de Voies navigables de France de prendre une nouvelle décision fixant les modalités de calcul et les tarifs de la redevance d'occupation domaniale, notamment définissant chacune des catégories de coefficient de contexte urbain de manière suffisamment précise et claire, fixant la valeur du coefficient de contexte urbain " centre-ville " à 1, supprimant les secteurs " Port de Levallois-Perret " et " Port de Levallois (zone 2) " des secteurs particuliers d'Ile-de-France au titre de la fraction " équipement " de la redevance pour prévoir une facturation par équipement et indexant le montant de la redevance de stationnement d'embarcations sur l'indice de référence des loyers ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°/ Sous le n° 500351, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 janvier, 28 mai et 12 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association fluviale de Longchamp demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé en tant qu'elle fixe le montant des redevances domaniales applicables au stationnement d'embarcations sur son domaine public fluvial ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de Voies navigables de France de prendre une nouvelle décision fixant les modalités de calcul et les tarifs de la redevance d'occupation domaniale, notamment déterminant des critères suffisamment précis et clairs de nature à justifier les modalités de calcul des valeurs locatives de référence, définissant un secteur spécifique, au titre de la valeur locative de référence, pour la berge du bois de Boulogne en adéquation avec la réalité de ces quais, prenant en compte la superficie de l'emprise de l'embarcation sur le domaine, définissant chacune des catégories de coefficient de contexte urbain de manière suffisamment précise et claire, classant à ce titre la zone de la berge du bois de Boulogne dans la catégorie " zone isolée ou périurbain - site exceptionnel ", réduisant le montant forfaitaire applicable à la berge du bois de Boulogne au titre de la fraction " équipement " de la redevance et indexant le montant de la redevance de stationnement d'embarcations sur l'indice de référence des loyers et d'en tirer les conséquences concernant ses relations financières avec les propriétaires de bateaux logements ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code monétaire et financier ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,
- les conclusions de M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la Voies navigables de France ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 25 septembre 2025, présentées par l'association des bateaux de Levallois et l'association fluviale de Longchamp ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association des bateaux de Levallois, d'une part, et l'association fluviale de Longchamp, d'autre part, demandent respectivement, par deux requêtes distinctes, l'annulation de la décision du 4 novembre 2024 par laquelle la directrice générale de l'établissement public Voies navigables de France (VNF) a fixé, pour l'année 2025, les règles de détermination du montant des redevances domaniales applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à cet établissement public. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, la requête de l'association des bateaux de Levallois et celle de l'association fluviale de Longchamp doivent être regardées comme tendant uniquement à l'annulation de l'article 2 de cette décision, en tant qu'il fixe le montant de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations, le montant de la fraction " équipement " de cette même redevance applicable, respectivement, aux secteurs " Port de Levallois-Perret ", " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne " ainsi que les règles d'indexation de cette redevance. Les requêtes présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. Contrairement à ce que soutient VNF et ainsi qu'il a été dit au point 1, les conclusions à fin d'annulation des associations requérantes sont dirigées contre l'article 2 de la décision attaquée en tant qu'il fixe le montant de redevance applicable au stationnement d'embarcations. Ces dispositions sont divisibles du reste du barème fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à VNF et de son domaine privé. La circonstance que ce barème soit fixé par un seul article est à cet égard sans incidence.
Sur le cadre juridique applicable :
3. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
4. Aux termes de l'article L. 4311-1 du code des transports, " L'établissement public de l'Etat à caractère administratif dénommé " Voies navigables de France " : / 1° Assure l'exploitation, l'entretien, la maintenance, l'amélioration, l'extension et la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport, contribuant ainsi au report modal par le réseau principal et par le réseau secondaire ; (...) 4° Gère et exploite, en régie directe ou par l'intermédiaire de personnes morales de droit public ou de sociétés qu'il contrôle, le domaine de l'Etat qui lui est confié en vertu de l'article L. 4314-1 ainsi que son domaine privé ". En vertu des articles L. 4314-1 et D. 4314-1 du même code, le domaine confié à VNF est, sous les exceptions prévues par ce dernier article, le domaine public fluvial de l'Etat tel qu'il est défini aux articles L. 2111-7, L. 2111-10 et L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques. Enfin, aux termes de l'article R. 4316-11 du code des transports : " Voies navigables de France fixe, conformément aux dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, le montant des redevances, prévues au 2° de l'article L. 4316-1, dues à raison de toute emprise ou de tout autre usage que ceux mentionnés aux articles R. 4316-1 à R. 4316-5, y compris le prélèvement de matériaux. (...) ".
5. L'article 2 de la décision du 4 novembre 2024 de la directrice générale de de VNF dispose que : " Le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables compter du 1er janvier 2025 aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé, est fixé selon le barème joint à la présente décision. / Dans les cas particuliers où l'application du barème joint conduirait à une redevance manifestement inférieure aux avantages de toute nature retirés par les occupants du domaine public, une décision tarifaire exceptionnelle sera prise ".
6. Le barème annexé à cette décision prévoit que le montant annuel de la redevance domaniale due à raison du stationnement d'embarcations est la somme d'une fraction " stationnement " et d'une fraction " équipement ".
7. La fraction " stationnement " est égale au produit d'une valeur locative de référence par mètre carré que la décision fixe en fonction de secteurs qu'elle détermine, à laquelle sont appliqués un coefficient relatif au contexte urbain et un coefficient relatif au type d'embarcation, et de la superficie totale facturable de l'embarcation. Le coefficient de contexte urbain varie de 0,70 à 1,50 selon la catégorie de quartier dans lequel se situe, au sein d'un secteur donné, l'emplacement occupé. Le coefficient relatif au type d'embarcation est fonction de l'usage qui est fait de cette dernière. Il est fixé à 1,00 pour, notamment, le logement et la plaisance. La superficie totale facturable de l'embarcation correspond à sa surface hors tout augmentée, le cas échéant, de la part de la surface du deuxième niveau habitable excédant le quart de sa surface " hors tout " et de la surface intégrale de tout niveau supplémentaire.
8. La fraction " équipement " est fixée à un montant annuel forfaitaire pour certains secteurs d'Ile-de-France et, pour les autres secteurs, en fonction du nombre d'équipements offerts dans la zone concernée. Un abattement " équipements " de 5, 10, 15, 20 ou 25 % peut être appliqué en Ile-de-France à la fraction " stationnement ", dans la limite du montant de la fraction " équipement ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la fraction " stationnement " de la redevance :
9. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaitrait l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et le principe d'égalité entre les usagers du domaine public fluvial en appliquant la même méthode de calcul pour déterminer le montant de la redevance pour les établissements flottants qui sont susceptibles d'augmenter leurs recettes en exploitant chaque étage supplémentaire et les navires à usage de logement manque en fait, dans la mesure où cette décision prévoit l'application d'un coefficient relatif au type d'embarcation fixé, notamment, à 1,00 pour une embarcation à usage de logement et entre 3,00 et 6,00 pour une embarcation abritant une activité commerciale.
10. En deuxième lieu, en prévoyant l'application aux valeurs locatives de référence d'un coefficient de contexte urbain variant de 0,70 pour la catégorie " zone isolée ou quartiers non valorisés des grandes villes " à 1,50 pour la catégorie " centre-ville - site exceptionnel ", définis en fonction de critères géographiques et économiques objectifs propres à refléter, au sein d'un même secteur, la valeur d'usage des emplacements concernés, ce qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne conduit pas à valoriser une seconde fois les avantages de toute nature retirés par la localisation de l'emplacement, la directrice générale de VNF n'a méconnu ni l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, ni le principe d'égalité entre les occupants du domaine public. En particulier, en fixant à 1,10 le coefficient applicable au centre-ville, montant cohérent avec l'avantage que procure l'occupation du domaine public dans un tel secteur, la directrice générale de VNF n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Sont dépourvues d'incidence à cet égard les circonstances que les barèmes applicables aux années antérieures à 2022 auraient retenu un coefficient moins élevé ou qu'un service territorial aurait, à l'occasion d'une décision individuelle, appliqué à tort ce coefficient à un site donné.
11. En troisième lieu, pour déterminer le montant de la fraction " stationnement " de la redevance, la décision contestée prend en compte la superficie totale facturable de l'embarcation, comprenant sa surface hors tout ainsi que, le cas échéant, une partie de la surface des niveaux habitables supplémentaires. Alors même que la superficie totale fracturable de l'embarcation peut excéder sa surface d'emprise sur le domaine occupé et qu'il existe également un coefficient spécifique relatif au type d'embarcation, en utilisant ce critère, cohérent pour apprécier l'avantage procuré par l'occupation du domaine public par des embarcations de logement ou de plaisance, la directrice générale de VNF n'a pas méconnu l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
12. En quatrième lieu, pour ce qui concerne les valeurs locatives de référence, la décision contestée distingue les territoires situés hors Ile-de-France et en Ile-de-France. Elle fixe au sein de ces deux catégories, respectivement, quatre valeurs locatives de référence distinctes selon la taille de la ville ou son caractère touristique, et huit valeurs locatives de référence distinctes selon la localisation de la dépendance domaniale occupée. Il ressort des pièces du dossier que les valeurs locatives de référence ont été élaborées à partir des valeurs locatives de propriétés privées comparables en 1994, en tenant compte des charges supportées par le propriétaire de l'embarcation, du caractère précaire de l'autorisation d'occupation du domaine public et des sujétions particulières afférentes au stationnement sur le domaine fluvial par l'application de trois abattements successifs de, respectivement, 60%, 15% et 20%. La décision attaquée, qui n'avait pas à être motivée, définit les valeurs locatives de référence pour chaque secteur de manière suffisamment précise. Dès lors, l'association fluviale de Longchamp n'est pas fondée à soutenir qu'elle méconnaîtrait l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, l'objectif à valeur constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et, en tout état de cause, le principe d'égalité devant les charges publiques, en ne précisant pas les modalités de détermination des valeurs locatives de référence.
13. En revanche, l'association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice faisant état, sans être contredit sur ce point, de sujétions significatives à certains emplacements des berges du bois de Boulogne, situés dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " entre le pont de Suresnes et la passerelle de l'Avre, tenant notamment à l'état particulièrement dégradé des berges, à la présence d'une végétation invasive obstruant certains accès ou encore à une localisation particulièrement éloignée des commerces. Dans les circonstances de l'espèce, et alors même que l'application d'un coefficient de contexte urbain, prévu par la décision attaquée, est susceptible de prendre en compte une partie des sujétions liées à une localisation moins avantageuse, la directrice générale de VNF, en incluant les emplacements situés sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy ", dont la valeur locative de référence est fixée à 43,34 euros par mètre carré par an, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la fraction " équipement " de la redevance :
14. Il ressort de l'annexe à la décision attaquée que la fraction " équipement " de la redevance est, en principe, fonction du nombre d'équipements mis à disposition dans le secteur concerné, variant de 435,93 euros par an pour un équipement à 1525,69 euros par an pour cinq équipements, et qu'elle est, par exception, fixée de manière forfaitaire dans 17 secteurs particuliers d'Ile-de-France, variant de 1307,79 euros par an à 9755,34 euros par an.
15. D'une part, l'association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice indiquant, sans que cela ne soit contesté par VNF, que les équipements mis à la disposition des occupants du domaine public à certains emplacements du secteur " Port de Bois de Boulogne " sont dans un état de dégradation avancé, qu'en particulier, des chambres de distribution d'eau et d'électricité sont déformées par la végétation, les câbles de certaines armoires électriques ont été sectionnés et des armoires à gaz ne disposent plus de porte de protection. Par suite, et alors même que l'abattement " équipements ", prévu par la décision attaquée, permet de réduire le montant total de la redevance due, la directrice générale de VNF, en fixant le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de la redevance pour l'ensemble de ce secteur à hauteur de 5150,14 euros par an a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. D'autre part, l'association des bateaux de Levallois n'apporte pas d'éléments suffisants, en se bornant à faire état, par des considérations générales relatives à d'autres secteurs particuliers d'Ile-de-France, du manque d'équipements mis à disposition des occupants, au soutien de son affirmation selon laquelle la directrice générale de VNF aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant le montant de la fraction " équipement " à 3855,41 euros par an pour celui du " Port de Levallois-Perret ". En revanche, elle se prévaut, sans être contredite par VNF, d'un procès-verbal assorti de photos et établi par un commissaire de justice indiquant que les navires stationnés sur les secteurs du " Port de Levallois-Perret " et du " Port de Levallois (zone 2) " bénéficient des mêmes équipements pour l'arrivée d'eau et le raccordement électrique ainsi que, dans chaque secteur, d'un système pour l'amarrage des navires. Par suite, en fixant le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de la redevance pour le second de ces secteurs à 9755,34 euros par an, contre 3855,41 euros pour le premier de ces secteurs contigus, alors même que la nature, l'ancienneté et le niveau des équipements mis à disposition des occupants ne présentaient pas de différence significative, la directrice générale de VNF, qui ne se prévaut d'aucun motif d'intérêt général justifiant cette différence de traitement, a méconnu le principe d'égalité entre les usagers du domaine public.
En ce qui concerne les modalités d'indexation de la redevance :
17. Le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations, composées, comme il a été dit au point 6, d'une fraction " stationnement " et d'une fraction " stationnement ", est indexé au 1er janvier de chaque année sur l'indice du coût de la construction publié par l'Institut national des statistiques et des études économiques.
18. D'une part, aux termes de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier : " Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties. (...) ". Contrairement à ce qu'affirment les associations requérantes, l'indice du coût de la construction publiée par l'Institut national des statistiques et des études économiques, sur lequel se fonde l'indexation du montant des redevances, est en relation directe avec l'activité de VNF, notamment d'entretien, de maintenance, d'amélioration et d'extension des voies navigables et de leurs dépendances. La circonstance que la fixation de la redevance domaniale due à raison du stationnement d'embarcations relève de l'activité de gestion et d'exploitation du domaine public fluvial de VNF est à cet égard sans incidence.
19. D'autre part, les associations requérantes se bornent à affirmer que la directrice générale de VNF a méconnu l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en indexant le montant des redevances dues sur un indice sans rapport avec les avantages de toute nature susceptibles d'être procurés aux occupants du domaine public. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'indexation du montant de la redevance due sur l'indice du coût de la construction conduirait à aboutir à un niveau de redevance ne tenant pas compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont uniquement fondées à demander l'annulation de la décision contestée, d'une part, en tant qu'elle détermine la valeur locative de référence de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " et, d'autre part, en tant qu'elle fixe le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de cette même redevance pour les secteurs " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne ".
21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive des dispositions de la décision attaquée mentionnées au point précédent entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de leur annulation. Il n'y a pas lieu, par suite, d'assortir l'annulation de ces dispositions d'une telle limitation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Il y a lieu d'enjoindre VNF à fixer le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations pour l'année 2025 dans la mesure de l'annulation partielle prononcée au point 20.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association des bateaux de Levallois et de l'association fluviale de Longchamp qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de VNF la somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à l'association des bateaux de Levallois et, d'autre part, à l'association fluviale de Longchamp, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la directrice générale de Voies navigables de France du 4 novembre 2024 fixant le montant des redevances domaniales et des autres redevances applicables aux différents usages du domaine public fluvial confié à Voies navigables de France et de son domaine privé est annulée, d'une part, en tant qu'elle détermine la valeur locative de référence de la fraction " stationnement " de la redevance applicable au stationnement d'embarcations sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur " Pont du Garigliano - Clichy " et, d'autre part, en tant qu'elle fixe le montant forfaitaire de la fraction " équipement " de cette même redevance pour les secteurs " Port de Levallois (zone 2) " et " Port de Bois de Boulogne ".
Article 2 : Il est enjoint à Voies navigables de France de fixer le montant des redevances applicables au stationnement d'embarcations pour l'année 2025 dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Voies navigables de France versera à l'association des bateaux de Levallois et l'association fluviale de Longchamp une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes et les conclusions présentées par Voies navigables de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association des bateaux de Levallois, à l'association fluviale de Longchamp et à l'établissement public Voies navigables de France.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.
Rendu le 26 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Emile Blondet
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle