Conseil d'État
N° 492891
ECLI:FR:CECHR:2025:492891.20250930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Bruno Bachini, rapporteur
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mardi 30 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
L'association Vent du Lencloîtrais, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, M. U... O..., Mme T... K..., M. W... K..., M. et Mme L... D..., M. H... C..., M. J... X..., Mme P... Q..., Mme A... R..., M. B... I..., M. V... F..., M. G... S..., Mme M... N... et M. E... N... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 7 mai 2021 délivrant à la société Parc éolien du Mirebalais une autorisation unique relative à l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien constitué de sept éoliennes et de quatre postes de livraison sur le territoire de la commune de Thurageau (Vienne).
Par un arrêt n° 21BX03619 du 29 février 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit à leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 24 juin 2024 et le 6 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien du Mirebalais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
3°) de mettre à la charge de l'association Vent du Lencloîtrais et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Léo André, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Parc éolien du Mirebalais et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2025, présentée par l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 mai 2021, le préfet de la Vienne a délivré à la société Parc éolien du Mirebalais une autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de quatre postes de livraison d'électricité sur le territoire de la commune de Thurageau. Par un arrêt du 27 févier 2024, contre lequel cette société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de l'association Vent du Lencloîtrais et autres, annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I .- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "
3. Il appartient à l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation environnementale, afin d'apprécier les inconvénients que l'installation en cause peut avoir pour l'intérêt, mentionné à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, tenant à la conservation d'un monument, de prendre en compte l'impact de l'installation sur les vues portées sur le monument en cause mais aussi, le cas échéant, son impact sur les vues offertes depuis le monument. A ce dernier égard, il ne doit être tenu compte que des vues offertes depuis les points normalement accessibles du monument et dont la qualité est telle qu'elles participent effectivement de la conservation de celui-ci. Si la fermeture au public du monument en cause ne fait pas obstacle à ce que de telles vues soient prises en considération, il appartient toutefois à l'administration et au juge administratif de tenir compte de cette dernière circonstance dans l'appréciation, à laquelle il procède au titre de l'article L. 511-1, de l'intérêt qui s'attache à la conservation du monument.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour estimer que le projet de parc éolien litigieux était de nature à porter une atteinte excessive à la conservation du château de Rochefort, utilisé notamment pour une activité de chambre d'hôtes, la cour administrative d'appel s'est fondée sur des photomontages entendant montrer les vues depuis certains points normalement accessibles de ce château sans caractériser si les points de vue considérés participaient effectivement, en raison de leur qualité, de la conservation de ce monument. La société Parc éolien du Mirebalais est ainsi fondée à soutenir que l'arrêt qu'elle attaque est entaché d'erreur de droit et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, son annulation.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Parc éolien du Mirebalais qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent du Lencloîtrais et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société Parc éolien du Mirebalais au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 29 février 2024 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'association Vent du Lencloîtrais et autres verseront à la société Parc éolien du Mirebalais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Mirebalais, à l'association Vent du Lencloîtrais, première désignée parmi les défendeurs, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 septembre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et M. Léo André, auditeur-rapporteur.
Rendu le 30 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Léo André
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 492891
ECLI:FR:CECHR:2025:492891.20250930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Bruno Bachini, rapporteur
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du mardi 30 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association Vent du Lencloîtrais, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, M. U... O..., Mme T... K..., M. W... K..., M. et Mme L... D..., M. H... C..., M. J... X..., Mme P... Q..., Mme A... R..., M. B... I..., M. V... F..., M. G... S..., Mme M... N... et M. E... N... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 7 mai 2021 délivrant à la société Parc éolien du Mirebalais une autorisation unique relative à l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien constitué de sept éoliennes et de quatre postes de livraison sur le territoire de la commune de Thurageau (Vienne).
Par un arrêt n° 21BX03619 du 29 février 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit à leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 24 juin 2024 et le 6 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien du Mirebalais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
3°) de mettre à la charge de l'association Vent du Lencloîtrais et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Léo André, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Parc éolien du Mirebalais et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2025, présentée par l'association Vent du Lencloîtrais et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 mai 2021, le préfet de la Vienne a délivré à la société Parc éolien du Mirebalais une autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de quatre postes de livraison d'électricité sur le territoire de la commune de Thurageau. Par un arrêt du 27 févier 2024, contre lequel cette société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de l'association Vent du Lencloîtrais et autres, annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I .- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "
3. Il appartient à l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation environnementale, afin d'apprécier les inconvénients que l'installation en cause peut avoir pour l'intérêt, mentionné à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, tenant à la conservation d'un monument, de prendre en compte l'impact de l'installation sur les vues portées sur le monument en cause mais aussi, le cas échéant, son impact sur les vues offertes depuis le monument. A ce dernier égard, il ne doit être tenu compte que des vues offertes depuis les points normalement accessibles du monument et dont la qualité est telle qu'elles participent effectivement de la conservation de celui-ci. Si la fermeture au public du monument en cause ne fait pas obstacle à ce que de telles vues soient prises en considération, il appartient toutefois à l'administration et au juge administratif de tenir compte de cette dernière circonstance dans l'appréciation, à laquelle il procède au titre de l'article L. 511-1, de l'intérêt qui s'attache à la conservation du monument.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour estimer que le projet de parc éolien litigieux était de nature à porter une atteinte excessive à la conservation du château de Rochefort, utilisé notamment pour une activité de chambre d'hôtes, la cour administrative d'appel s'est fondée sur des photomontages entendant montrer les vues depuis certains points normalement accessibles de ce château sans caractériser si les points de vue considérés participaient effectivement, en raison de leur qualité, de la conservation de ce monument. La société Parc éolien du Mirebalais est ainsi fondée à soutenir que l'arrêt qu'elle attaque est entaché d'erreur de droit et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, son annulation.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Parc éolien du Mirebalais qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent du Lencloîtrais et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société Parc éolien du Mirebalais au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 29 février 2024 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'association Vent du Lencloîtrais et autres verseront à la société Parc éolien du Mirebalais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Mirebalais, à l'association Vent du Lencloîtrais, première désignée parmi les défendeurs, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 septembre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et M. Léo André, auditeur-rapporteur.
Rendu le 30 septembre 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Léo André
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain