Conseil d'État
N° 489511
ECLI:FR:CECHR:2025:489511.20251001
Publié au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Ariane Piana-Rogez , rapporteure
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 1 octobre 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2023 et 25 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre et la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, ont rejeté sa demande tendant à ce que soient prises les mesures adéquates afin, d'une part, d'instaurer un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s'installer en zones significativement plus dotées que la moyenne, à l'exception du secteur 1 (tarif de la sécurité sociale) quand la situation l'exige (remplacement d'un médecin partant à la retraite ou en zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1), d'autre part, de fermer l'accès au secteur 2 (à honoraires libres), les nouveaux médecins ne devant avoir le choix qu'entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d'honoraires, enfin, de supprimer les aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la sécurité sociale, hors OPTAM ;
2°) d'enjoindre au Gouvernement, dans le délai de six mois, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, à titre principal, de prendre le décret d'application de l'article L. 632-2 du code de l'éducation et de prendre les mesures mentionnées au point précédent et, à titre subsidiaire, de prendre toutes les mesures utiles aux fins d'assurer le respect sur le territoire d'une égalité dans l'accès à la médecine généraliste comme spécialiste ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la décision du 9 février 2024 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 13 juillet 2023, l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir a demandé à la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, en premier lieu, d'instaurer un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s'installer en zones significativement plus dotées que la moyenne, à l'exception du secteur 1 quand la situation l'exige, pour remplacer un médecin partant à la retraite ou en cas d'installation dans une zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1, en deuxième lieu, de fermer l'accès au secteur 2, les nouveaux médecins ne devant avoir le choix qu'entre un secteur 1 sans dépassements d'honoraires et l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d'honoraires, enfin, de supprimer les aides publiques aux médecins ne respectant pas les tarifs conventionnels, hors OPTAM. L'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir demande au Conseil d'Etat d'annuler le rejet implicite de sa demande et de prononcer les injonctions qu'impliquerait cette annulation.
2. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire.
3. La fédération requérante soutient, d'une part, qu'il incombe aux pouvoirs publics de remédier à l'inégale répartition des médecins libéraux sur le territoire national et à l'hétérogénéité des conditions d'accès à ces professionnels et, d'autre part, que les mesures mises en oeuvre jusqu'ici sont inefficaces en raison de leur caractère essentiellement incitatif, seules des dispositions plus contraignantes étant, selon elle, de nature à garantir un égal accès à ces médecins sur le territoire. Elle demande, soit l'adoption de dispositions législatives nouvelles touchant aux conditions d'installation des médecins libéraux, soit la définition, par voie de convention passée entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de médecins, de nouvelles modalités de conventionnement prenant en compte l'offre de soins déjà disponible dans le territoire d'exercice. Prises dans leur ensemble, ces mesures tendent ainsi à ce que soient modifiés certains choix de politique publique, touchant notamment aux conditions tarifaires de l'exercice médical ou à la liberté d'installation des médecins. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de se substituer aux pouvoirs publics en leur enjoignant de les adopter.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions par lesquelles la fédération requérante demande l'annulation de la décision implicite de rejet qu'elle attaque ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, y compris celles tendant à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre le décret d'application de l'article L. 632-2 du code de l'éducation. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir, au Premier ministre, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2025 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, Mme Anne Courrèges, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 1er octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 489511
ECLI:FR:CECHR:2025:489511.20251001
Publié au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Ariane Piana-Rogez , rapporteure
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 1 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2023 et 25 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre et la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, ont rejeté sa demande tendant à ce que soient prises les mesures adéquates afin, d'une part, d'instaurer un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s'installer en zones significativement plus dotées que la moyenne, à l'exception du secteur 1 (tarif de la sécurité sociale) quand la situation l'exige (remplacement d'un médecin partant à la retraite ou en zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1), d'autre part, de fermer l'accès au secteur 2 (à honoraires libres), les nouveaux médecins ne devant avoir le choix qu'entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d'honoraires, enfin, de supprimer les aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la sécurité sociale, hors OPTAM ;
2°) d'enjoindre au Gouvernement, dans le délai de six mois, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, à titre principal, de prendre le décret d'application de l'article L. 632-2 du code de l'éducation et de prendre les mesures mentionnées au point précédent et, à titre subsidiaire, de prendre toutes les mesures utiles aux fins d'assurer le respect sur le territoire d'une égalité dans l'accès à la médecine généraliste comme spécialiste ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la décision du 9 février 2024 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 13 juillet 2023, l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir a demandé à la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, en premier lieu, d'instaurer un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s'installer en zones significativement plus dotées que la moyenne, à l'exception du secteur 1 quand la situation l'exige, pour remplacer un médecin partant à la retraite ou en cas d'installation dans une zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1, en deuxième lieu, de fermer l'accès au secteur 2, les nouveaux médecins ne devant avoir le choix qu'entre un secteur 1 sans dépassements d'honoraires et l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d'honoraires, enfin, de supprimer les aides publiques aux médecins ne respectant pas les tarifs conventionnels, hors OPTAM. L'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir demande au Conseil d'Etat d'annuler le rejet implicite de sa demande et de prononcer les injonctions qu'impliquerait cette annulation.
2. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire.
3. La fédération requérante soutient, d'une part, qu'il incombe aux pouvoirs publics de remédier à l'inégale répartition des médecins libéraux sur le territoire national et à l'hétérogénéité des conditions d'accès à ces professionnels et, d'autre part, que les mesures mises en oeuvre jusqu'ici sont inefficaces en raison de leur caractère essentiellement incitatif, seules des dispositions plus contraignantes étant, selon elle, de nature à garantir un égal accès à ces médecins sur le territoire. Elle demande, soit l'adoption de dispositions législatives nouvelles touchant aux conditions d'installation des médecins libéraux, soit la définition, par voie de convention passée entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de médecins, de nouvelles modalités de conventionnement prenant en compte l'offre de soins déjà disponible dans le territoire d'exercice. Prises dans leur ensemble, ces mesures tendent ainsi à ce que soient modifiés certains choix de politique publique, touchant notamment aux conditions tarifaires de l'exercice médical ou à la liberté d'installation des médecins. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de se substituer aux pouvoirs publics en leur enjoignant de les adopter.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions par lesquelles la fédération requérante demande l'annulation de la décision implicite de rejet qu'elle attaque ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, y compris celles tendant à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre le décret d'application de l'article L. 632-2 du code de l'éducation. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir, au Premier ministre, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2025 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, Mme Anne Courrèges, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 1er octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber