Conseil d'État
N° 496738
ECLI:FR:inconnue:2025:496738.20251008
M. Lionel Ferreira, rapporteur
SCP PIWNICA & MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 8 octobre 2025
Vu la procédure suivante :
M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501480 du 18 juillet 2017, ce tribunal a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales en litige et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Par un arrêt n° 17NC02396 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement en tant qu'il leur était défavorable.
Par une décision n° 434255 du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la même cour.
Par un arrêt n° 21NC01150 du 6 juin 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de M. et Mme D....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août et 6 novembre 2024 et le 16 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 23 février 2010, la société Flodrine a cédé à M. D... 7 490 actions de la société Vermont au prix unitaire de 23,35 euros. Estimant que les actions cédées devaient être évaluées au prix de 99,50 euros l'unité, l'administration fiscale a imposé entre les mains de M. et Mme D..., en tant que revenus distribués, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, l'avantage occulte qu'ils auraient retiré de cette acquisition à prix minoré. Par un jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la réduction de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, à concurrence de la majoration de 25 % appliquée sur l'assiette de ces impositions, mais rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu résultant de cette rectification et des contributions sociales restant en litige. Par une décision du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 4 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy avait rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement en tant qu'il leur était défavorable. Par un arrêt du 6 juin 2024, cette cour, après avoir fait droit à la demande de l'administration fiscale de substituer les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts à celles du c de l'article 111 du même code comme fondement des impositions en litige, a de nouveau rejeté l'appel formé par M. et Mme D.... Ces derniers se pourvoient en cassation contre ce second arrêt.
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Lorsque l'administration rehausse le résultat d'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés à raison d'un acte anormal de gestion commis à l'occasion de la cession par cette entreprise d'un élément de son actif immobilisé à un prix minoré et qu'une telle rectification fait apparaître un bénéfice, l'avantage ainsi délibérément octroyé est constitutif d'une distribution de revenus imposable entre les mains du cessionnaire en application des dispositions des article 109 et 110 du code général des impôts. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.
3. La cour administrative d'appel de Nancy a jugé que l'administration fiscale établissait que la cession, par la société Flodrine, des actions en cause à M. D... à un prix minoré était constitutive d'un acte anormal de gestion impliquant l'imposition entre les mains de ce dernier d'une distribution correspondant à la minoration de prix sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En statuant ainsi, sans rechercher si M. D..., dont elle avait pourtant relevé qu'il n'avait acquis ces titres que dans le but de les revendre immédiatement au même prix à un tiers en lui accordant un crédit-vendeur compte tenu de son impossibilité de contracter un emprunt bancaire, pouvait être regardé en l'espèce comme ayant appréhendé la somme en cause au sens et pour l'application des dispositions précitées, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. et Mme D... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. " Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'échec d'un projet industriel, certains actionnaires minoritaires de la société Vermont, dont la société Flodrine, ont souhaité céder leurs participations. M. D..., qui exerçait les fonctions de président directeur général de la société Vermont, a acquis une partie des titres proposés par la société Flodrine en vue de faciliter la montée au capital d'un autre actionnaire, M. A..., qui avait accepté de prendre la responsabilité de la branche industrielle de la société aux fins de la redresser sans avoir la capacité de contracter un emprunt bancaire d'un montant lui permettant de financer intégralement l'acquisition des titres cédés par la société Flodrine. M. D... a revendu le jour même à M. A..., sans plus-value, les titres qu'il avait acquis de la société Flodrine en lui lui octroyant un crédit-vendeur, qui a été remboursé avant les opérations de contrôle. Eu égard à ces circonstances, l'opération ne peut être analysée comme la réalisation de deux cessions successives, mais doit être regardée comme procédant d'une cession unique à M. A... des titres en cause, grâce à un prêt consenti par M. D....
7. La qualité de simple prêteur de M. D... dans cette opération fait obstacle, d'une part, à ce qu'en l'absence d'intention de la société Flodrine de lui octroyer une libéralité et, pour l'intéressé, de recevoir une telle libéralité, la somme correspondant à la minoration du prix des actions de la société Vermont soit imposée entre ses mains sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts cité au point 5. D'autre part, eu égard à cette même qualité de prêteur, M. D... ne peut être regardé comme ayant appréhendé la somme en cause, au sens et pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 de ce code, cité au point 2, dont la ministre demande, à titre subsidiaire, la substitution comme base légale de la rectification. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur requête, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 de son jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de la fraction demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, résultant de la réintégration, dans leur revenu imposable, de l'écart entre le prix d'acquisition des titres de la société Vermont et leur valeur réelle.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser, au titre de l'ensemble de la procédure, à M. et Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 6 juin 2024 de la cour administrative d'appel de Nancy et l'article 3 du jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés.
Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés de la fraction demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 8 octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et énergétique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 496738
ECLI:FR:inconnue:2025:496738.20251008
M. Lionel Ferreira, rapporteur
SCP PIWNICA & MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 8 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501480 du 18 juillet 2017, ce tribunal a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales en litige et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Par un arrêt n° 17NC02396 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement en tant qu'il leur était défavorable.
Par une décision n° 434255 du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la même cour.
Par un arrêt n° 21NC01150 du 6 juin 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de M. et Mme D....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août et 6 novembre 2024 et le 16 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 23 février 2010, la société Flodrine a cédé à M. D... 7 490 actions de la société Vermont au prix unitaire de 23,35 euros. Estimant que les actions cédées devaient être évaluées au prix de 99,50 euros l'unité, l'administration fiscale a imposé entre les mains de M. et Mme D..., en tant que revenus distribués, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, l'avantage occulte qu'ils auraient retiré de cette acquisition à prix minoré. Par un jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la réduction de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, à concurrence de la majoration de 25 % appliquée sur l'assiette de ces impositions, mais rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu résultant de cette rectification et des contributions sociales restant en litige. Par une décision du 20 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 4 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy avait rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement en tant qu'il leur était défavorable. Par un arrêt du 6 juin 2024, cette cour, après avoir fait droit à la demande de l'administration fiscale de substituer les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts à celles du c de l'article 111 du même code comme fondement des impositions en litige, a de nouveau rejeté l'appel formé par M. et Mme D.... Ces derniers se pourvoient en cassation contre ce second arrêt.
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Lorsque l'administration rehausse le résultat d'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés à raison d'un acte anormal de gestion commis à l'occasion de la cession par cette entreprise d'un élément de son actif immobilisé à un prix minoré et qu'une telle rectification fait apparaître un bénéfice, l'avantage ainsi délibérément octroyé est constitutif d'une distribution de revenus imposable entre les mains du cessionnaire en application des dispositions des article 109 et 110 du code général des impôts. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.
3. La cour administrative d'appel de Nancy a jugé que l'administration fiscale établissait que la cession, par la société Flodrine, des actions en cause à M. D... à un prix minoré était constitutive d'un acte anormal de gestion impliquant l'imposition entre les mains de ce dernier d'une distribution correspondant à la minoration de prix sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En statuant ainsi, sans rechercher si M. D..., dont elle avait pourtant relevé qu'il n'avait acquis ces titres que dans le but de les revendre immédiatement au même prix à un tiers en lui accordant un crédit-vendeur compte tenu de son impossibilité de contracter un emprunt bancaire, pouvait être regardé en l'espèce comme ayant appréhendé la somme en cause au sens et pour l'application des dispositions précitées, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. et Mme D... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. " Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'échec d'un projet industriel, certains actionnaires minoritaires de la société Vermont, dont la société Flodrine, ont souhaité céder leurs participations. M. D..., qui exerçait les fonctions de président directeur général de la société Vermont, a acquis une partie des titres proposés par la société Flodrine en vue de faciliter la montée au capital d'un autre actionnaire, M. A..., qui avait accepté de prendre la responsabilité de la branche industrielle de la société aux fins de la redresser sans avoir la capacité de contracter un emprunt bancaire d'un montant lui permettant de financer intégralement l'acquisition des titres cédés par la société Flodrine. M. D... a revendu le jour même à M. A..., sans plus-value, les titres qu'il avait acquis de la société Flodrine en lui lui octroyant un crédit-vendeur, qui a été remboursé avant les opérations de contrôle. Eu égard à ces circonstances, l'opération ne peut être analysée comme la réalisation de deux cessions successives, mais doit être regardée comme procédant d'une cession unique à M. A... des titres en cause, grâce à un prêt consenti par M. D....
7. La qualité de simple prêteur de M. D... dans cette opération fait obstacle, d'une part, à ce qu'en l'absence d'intention de la société Flodrine de lui octroyer une libéralité et, pour l'intéressé, de recevoir une telle libéralité, la somme correspondant à la minoration du prix des actions de la société Vermont soit imposée entre ses mains sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts cité au point 5. D'autre part, eu égard à cette même qualité de prêteur, M. D... ne peut être regardé comme ayant appréhendé la somme en cause, au sens et pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 de ce code, cité au point 2, dont la ministre demande, à titre subsidiaire, la substitution comme base légale de la rectification. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur requête, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 de son jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de la fraction demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, résultant de la réintégration, dans leur revenu imposable, de l'écart entre le prix d'acquisition des titres de la société Vermont et leur valeur réelle.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser, au titre de l'ensemble de la procédure, à M. et Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 6 juin 2024 de la cour administrative d'appel de Nancy et l'article 3 du jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés.
Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés de la fraction demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 8 octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et énergétique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :