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Ariane Web: Conseil d'État 494253, lecture du 12 novembre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:494253.20251112

Décision n° 494253
12 novembre 2025
Conseil d'État

N° 494253
ECLI:FR:CECHR:2025:494253.20251112
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Juliette Amar-Cid, rapporteure
SCP DUHAMEL, avocats


Lecture du mercredi 12 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Deskodine a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement qu'elle a acquittées au titre des années 2018, 2019 et 2020. Par un jugement n° 2113114 du 29 novembre 2022, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 23PA00132 du 15 mars 2024, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et remis à la charge de la société les impositions contestées.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mai et 16 août 2024 et le 4 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Deskodine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Amar-Cid, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, avocat de la société Deskodine ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Deskodine a, conformément à ses déclarations, été assujettie au titre des années 2018, 2019 et 2020 à des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement, à raison d'une superficie de bureaux de 1 206 mètres carrés, correspondant à plusieurs lots d'un immeuble situé au 48, rue du Château d'Eau à Paris (10ème) qu'elle donne à bail à la société Deskopolitan. Estimant que ces locaux auraient dû, au motif que cette dernière y exerce une activité de mise à disposition d'espaces et de services de " coworking ", être regardés comme des locaux commerciaux, la société Deskodine a réclamé contre la totalité des impositions qu'elle avait acquittées. Après une décision d'admission partielle ayant conduit à l'exclusion de la base d'imposition des surfaces affectées à l'espace détente, à la " tisanerie ", au barbier et aux locaux techniques, la société Deskodine a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge de la fraction demeurant en litige de ces impositions, à laquelle ce tribunal a fait droit par un jugement du 29 novembre 2022. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et remis à sa charge les impositions contestées.

2. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts : " I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France (...). / II. - Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables (...). / III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ; / 2° Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à ces activités de vente ou de prestations de service ;... / V. - Sont exonérés de la taxe :... / 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 2 500 mètres carrés...".

3. Pour l'application de ces dispositions, seule doit être prise en compte l'utilisation effective des locaux au 1er janvier de l'année d'imposition soit comme bureaux, soit pour la réalisation d'une activité de commerce ou de prestation de services à caractère commercial ou artisanal.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les prestations que la société Deskopolitan offre à ses clients ne se limitent pas à la mise à disposition d'espaces de travail, mais incluent des services complémentaires tels que des services d'accueil, de conciergerie, d'accès à des espaces de cuisine et de convivialité ou encore de bien-être, les locaux en litige, munis de tous les équipements et abonnements nécessaires à leur utilisation, n'en demeurent pas moins utilisés effectivement comme bureaux par les clients à la disposition desquels ils sont mis par cette société. Dès lors, en jugeant que, nonobstant les prestations de services proposées par la société Deskopolitan, ces locaux constituaient, pour l'application des dispositions précitées de l'article 231 ter du code général des impôts, des locaux à usage de bureaux et non des locaux commerciaux, sans qu'ait d'incidence sur cette qualification la circonstance, invoquée par la requérante, que l'activité de la société Deskopolitan revêtirait une nature commerciale, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit. Les moyens tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que la société Deskodine n'établissait pas l'importance quantitative des prestations offertes à la clientèle par la société Deskopolitan, qui doivent dès lors être regardés comme dirigés contre des motifs surabondants dans l'arrêt attaqué, ne peuvent qu'être écartés.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Deskodine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 15 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Paris.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à leur titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Deskodine est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Deskodine et à la ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 octobre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; M. Benjamin Duca-Deneuve, maître des requêtes et Mme Juliette Amar-Cid, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 12 novembre 2025.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Amar-Cid
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle



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