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Ariane Web: Conseil d'État 501567, lecture du 12 novembre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:501567.20251112

Décision n° 501567
12 novembre 2025
Conseil d'État

N° 501567
ECLI:FR:CECHR:2025:501567.20251112
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Emile Blondet, rapporteur
ELLIS, avocats


Lecture du mercredi 12 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. C... B... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende fiscale qui leur a été infligée. Par un jugement n° 2102778 du 23 juin 2022, ce tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 22PA04160 du 13 décembre 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi que l'appel incident formé par M. B... et Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 14 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 3 de cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. B... et de Mme A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, M. C... B..., qui exerce la profession de joueur de football, et son épouse Mme D... A... se sont vu notifier, par une proposition de rectification du 18 avril 2018, des rehaussements de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2015, procédant de la taxation entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, de la totalité des sommes perçues au cours de cette année par la société de droit panaméen Sunpex, détenue à 100 % par M. B..., en contrepartie de l'exploitation de son droit de l'image. L'administration fiscale leur a par ailleurs infligé une amende pour défaut de déclaration de comptes ouverts à l'étranger, sur le fondement du 2 du IV de l'article 1736 du même code. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 décembre 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Paris prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 123 bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants (...) ". Par ces dispositions, le législateur a entendu imposer les résidents fiscaux à raison des bénéfices réalisés à l'étranger par certaines entités établies dans des Etats ou territoires dans lesquels elles sont soumises à un régime fiscal privilégié, sur lesquelles ces résidents exercent un contrôle, même partagé, quelle que soit sa forme juridique, et dont l'actif ou les biens sont constitués, à hauteur de la moitié au moins de la valeur totale, de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. Pour l'appréciation de cette dernière condition, il convient de retenir la valeur réelle des éléments d'actif de l'entité. L'administration est toutefois fondée, en l'absence d'argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle de ces éléments d'actif s'écarte de la valeur pour laquelle ils sont inscrits en comptabilité, à retenir cette dernière valeur.

3. Pour juger que l'actif de la société Sunpex n'était pas principalement constitué de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants et qu'ainsi, les revenus en litige n'entraient pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, la cour s'est fondée sur ce que M. B... et Mme A... faisaient valoir, en produisant une expertise l'évaluant à 9,3 millions d'euros au 31 décembre 2015, que l'actif incorporel correspondant à la concession par M. B... à cette société de son droit à l'image représentait, à cette date, 55,5 % de son actif, et sur ce que le ministre, sans critiquer cette expertise, se bornait à se prévaloir de la valeur de cet actif figurant sur la situation comptable établie par la société Sunpex au 31 décembre 2015.

4. En premier lieu, en jugeant que le droit d'exploitation de l'image de M. B..., inscrit à l'actif de la société Sunpex, ne constituait pas une créance au sens des dispositions précitées du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. En second lieu, alors que le ministre ne contestait pas, devant elle, la méthode de valorisation de ce droit retenue dans l'étude produite par les contribuables, qui ne peut donc être utilement critiquée pour la première fois en cassation, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni insuffisamment motivé son arrêt en retenant que la valeur réelle du droit d'exploitation de l'image de M. B... s'établissait à 9,3 millions d'euros. En l'absence de contestation par le ministre de ce que la valeur réelle des autres éléments de l'actif de la société Sunpex, composés pour l'essentiel de dépôts, comptes courants et obligations, ne s'écartait pas de leur valeur comptable, la cour a pu, sans erreur de droit se fonder, pour apprécier si l'actif de cette société était principalement constitué de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants au sens des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, prendre en compte la valeur réévaluée du seul droit d'exploitation de l'image de M. B.... En déduisant de ces constatations, desquelles il découlait que ce droit représentait au 31 décembre 2015 55,5% de l'actif de la société Sunpex, que l'actif de cette société n'était pas principalement constitué de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants et que ses revenus n'entraient par suite pas dans les prévisions de l'article 123 bis du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros à verser M. B... et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... et de Mme A... une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'action et des comptes publics, à M. C... B... et à Mme D... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 15 octobre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; Mme Juliette Amar-Cid, maîtresse des requêtes et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.

Rendu le 12 novembre 2025.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Emile Blondet
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle



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