Conseil d'État
N° 494741
ECLI:FR:CECHS:2025:494741.20251126
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Julien Fradel, rapporteur
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats
Lecture du mercredi 26 novembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société Tissot Industrie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 514,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement n° 2101915 du 17 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22BX01852 du 2 avril 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Tissot Industrie, condamné l'Etat à verser à cette société une somme de 195 991,82 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts échus au 14 juillet 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Par un pourvoi, enregistré le 3 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre du travail, de la santé et des solidarités demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Tissot Industrie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 24 octobre 2017, le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tissot Industrie prévoyant la suppression des dix-sept postes de son établissement de Petit-Couronne (Seine-Maritime). Par un jugement du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de salariés de cet établissement tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un arrêt du 18 juin 2018, devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de ces salariés, annulé ce jugement et la décision d'homologation du 24 octobre 2017.
2. A la suite de cette annulation, la société Tissot Industrie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 514,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du directeur de l'unité départementale de la Gironde de la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine du 24 octobre 2017. Par un jugement du 17 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 2 avril 2024, contre lequel la ministre du travail, de la santé et des solidarités se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Tissot Industrie, condamné l'Etat à verser à cette société une somme de 195 991,82 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts échus au 14 juillet 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur le cadre juridique :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. (...) " et aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233 -24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L.1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. " En outre, il appartient à l'administration de contrôler le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, tant en ce qui concerne l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi que son contenu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. (...) ", aux termes de l'article L. 1233-57-5 du même code : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours " et aux termes de l'article L. 1233-57-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales. "
5. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / (...) Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation (...) d'homologation (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1233-39 du même code, l'employeur " ne peut procéder, à peine de nullité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de cette décision d'homologation (...) ou l'expiration des délais prévus à l'article L. 1233-57-4 " et aux termes de l'article L. 1235-10 de ce code : " le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. / En cas d'annulation d'une décision (...) d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle. (...) ".
6. Par les dispositions citées ci-dessus, le législateur a donné compétence à l'autorité administrative pour, d'une part, présenter toute observation ou proposition, ou formuler des injonctions, de nature à éclairer l'employeur en cours de procédure sur la régularité de celle-ci et le caractère suffisant des mesures contenues dans son plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir contrôlé le respect des exigences mentionnées à l'article L. 1233-57-3 du code du travail, homologuer le document ou, s'il y a lieu, refuser cette homologation aux fins que lui soit soumis un nouveau document conforme aux dispositions de cet article, ou, le cas échéant, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code. Eu égard à l'objet et à la finalité du contrôle opéré par l'administration et au rôle qui lui est conféré dans le processus d'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi, la responsabilité de l'Etat à raison d'une illégalité entachant une décision d'homologation de document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou de refus d'homologation d'un tel document, ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
Sur le pourvoi :
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par son arrêt du 18 juin 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine avait homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tissot Industrie était illégale en ce que l'autorité administrative n'avait pas examiné et pris en compte le périmètre et les moyens du groupe Tissot, auquel appartient la société Tissot Industrie, pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans ce plan, alors que la demande de la société Tissot Industrie comportait notamment un organigramme du groupe Tissot qui aurait dû conduire l'administration du travail à examiner le périmètre et les moyens de celui-ci. En jugeant, par l'arrêt attaqué, que l'illégalité entachant la décision de validation du 24 octobre 2027, dont elle relevait qu'il concernait un élément essentiel du contrôle incombant à l'autorité administrative, était constitutive d'une faute lourde, de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
8. Il résulte de ce qui précède que la ministre du travail, de la santé et des solidarités n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Tissot Industrie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la ministre du travail, de la santé et des solidarités est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Tissot Industrie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail et des solidarités et à la société Tissot Industrie.
N° 494741
ECLI:FR:CECHS:2025:494741.20251126
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Julien Fradel, rapporteur
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats
Lecture du mercredi 26 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Tissot Industrie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 514,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement n° 2101915 du 17 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22BX01852 du 2 avril 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Tissot Industrie, condamné l'Etat à verser à cette société une somme de 195 991,82 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts échus au 14 juillet 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Par un pourvoi, enregistré le 3 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre du travail, de la santé et des solidarités demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Tissot Industrie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 24 octobre 2017, le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tissot Industrie prévoyant la suppression des dix-sept postes de son établissement de Petit-Couronne (Seine-Maritime). Par un jugement du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de salariés de cet établissement tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un arrêt du 18 juin 2018, devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de ces salariés, annulé ce jugement et la décision d'homologation du 24 octobre 2017.
2. A la suite de cette annulation, la société Tissot Industrie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 514,88 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du directeur de l'unité départementale de la Gironde de la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine du 24 octobre 2017. Par un jugement du 17 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 2 avril 2024, contre lequel la ministre du travail, de la santé et des solidarités se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Tissot Industrie, condamné l'Etat à verser à cette société une somme de 195 991,82 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts échus au 14 juillet 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur le cadre juridique :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. (...) " et aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233 -24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L.1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. " En outre, il appartient à l'administration de contrôler le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, tant en ce qui concerne l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi que son contenu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. (...) ", aux termes de l'article L. 1233-57-5 du même code : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours " et aux termes de l'article L. 1233-57-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales. "
5. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / (...) Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation (...) d'homologation (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1233-39 du même code, l'employeur " ne peut procéder, à peine de nullité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de cette décision d'homologation (...) ou l'expiration des délais prévus à l'article L. 1233-57-4 " et aux termes de l'article L. 1235-10 de ce code : " le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. / En cas d'annulation d'une décision (...) d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle. (...) ".
6. Par les dispositions citées ci-dessus, le législateur a donné compétence à l'autorité administrative pour, d'une part, présenter toute observation ou proposition, ou formuler des injonctions, de nature à éclairer l'employeur en cours de procédure sur la régularité de celle-ci et le caractère suffisant des mesures contenues dans son plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir contrôlé le respect des exigences mentionnées à l'article L. 1233-57-3 du code du travail, homologuer le document ou, s'il y a lieu, refuser cette homologation aux fins que lui soit soumis un nouveau document conforme aux dispositions de cet article, ou, le cas échéant, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code. Eu égard à l'objet et à la finalité du contrôle opéré par l'administration et au rôle qui lui est conféré dans le processus d'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi, la responsabilité de l'Etat à raison d'une illégalité entachant une décision d'homologation de document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou de refus d'homologation d'un tel document, ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
Sur le pourvoi :
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par son arrêt du 18 juin 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'unité départementale de la Gironde de la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine avait homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Tissot Industrie était illégale en ce que l'autorité administrative n'avait pas examiné et pris en compte le périmètre et les moyens du groupe Tissot, auquel appartient la société Tissot Industrie, pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans ce plan, alors que la demande de la société Tissot Industrie comportait notamment un organigramme du groupe Tissot qui aurait dû conduire l'administration du travail à examiner le périmètre et les moyens de celui-ci. En jugeant, par l'arrêt attaqué, que l'illégalité entachant la décision de validation du 24 octobre 2027, dont elle relevait qu'il concernait un élément essentiel du contrôle incombant à l'autorité administrative, était constitutive d'une faute lourde, de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
8. Il résulte de ce qui précède que la ministre du travail, de la santé et des solidarités n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Tissot Industrie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la ministre du travail, de la santé et des solidarités est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Tissot Industrie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail et des solidarités et à la société Tissot Industrie.