Conseil d'État
N° 495763
ECLI:FR:CECHS:2025:495763.20251205
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Céline Boniface, rapporteure
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du vendredi 5 décembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle la commune de Wissant a rejeté son projet de décompte final du marché public de travaux conclu le 5 mai 2014 pour la reconstruction du perré situé en bord de mer et de condamner la communauté de communes de la Terre des deux Caps, ou la commune de Wissant dans l'hypothèse où la communauté de communes n'aurait pas été substituée à celle-ci, ou ces deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, des intérêts moratoires pour un montant de 370 362,92 euros et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du solde de ce marché. Par un jugement n° 1904728 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23DA00077 du 7 mai 2024, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Bouygues Travaux publics Régions France, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées en vue du règlement du solde du marché de construction du perré de la commune de Wissant, l'a renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur ces conclusions et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 4 octobre 2024 et 1er septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes de la Terre des deux Caps demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Bouygues Travaux publics Régions France et de la commune de Wissant la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la communauté de communes de la Terre des deux Caps et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Bouygues Travaux publics Régions France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Wissant et la société Bouygues Travaux publics Régions France ont conclu le 22 avril 2014 un marché public de travaux en vue de la reconstruction du perré situé en bord de mer. Les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 27 octobre 2015. Par un courrier du 28 avril 2016, la société Bouygues Travaux publics Régions France a adressé son projet de décompte final à la commune de Wissant, que cette dernière a rejeté le 31 mai 2016. Après avoir mis en demeure la société de réaliser les travaux nécessaires à la levée des réserves, la commune de Wissant l'a informée, le 22 décembre 2017, que la communauté de communes de la Terre des deux Caps se substituait à elle dans ses droits et obligations issus du marché en litige à compter du 1er janvier 2018. Par un courrier du 17 octobre 2018, la société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé à la communauté de communes d'établir le décompte général du marché. La communauté de communes a, par un courrier du 5 mars 2019, mis en demeure cette société de procéder aux travaux nécessaires à la levée des réserves puis, par un courrier du 27 mai 2019, prononcé la résiliation de ce marché. La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 31 mai 2016 de la commune de Wissant rejetant son projet de décompte final et la condamnation, à titre principal, de la communauté de communes, à titre subsidiaire de la commune, ou, à défaut des deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable et des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché. Par un jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par un arrêt du 7 mai 2024 contre lequel la communauté de communes de la Terre des deux Caps se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société Bouygues Travaux publics Régions France en vue du règlement du solde du marché, renvoyé l'affaire dans cette mesure devant le tribunal administratif de Lille et rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. D'une part, aux termes du I bis de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, issu de l'article 56 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : " I bis.- Les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I. A cet effet, elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I. " Parmi les missions mentionnées par ces dispositions, celle prévue au 5° du I du même article porte sur " La défense contre les inondations et contre la mer ". Aux termes du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 56 de la même loi du 27 janvier 2014 et de l'article 64 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : (...) / 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (...) ". Le II de l'article 59 de la même loi du 27 janvier 2014, dans sa rédaction issue de l'article 76 de la loi du 7 août 2015, a fixé l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2018.
3. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 566 12 1 du code de l'environnement, inséré dans ce code par l'article 58 de la loi du 27 janvier 2014 : " Lorsqu'un ouvrage ou une infrastructure qui n'a pas exclusivement pour vocation la prévention des inondations et submersions appartenant à une personne morale de droit public s'avère, eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques, de nature à y contribuer, il est mis à la disposition (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations et contre la mer par le propriétaire ou le gestionnaire de cet ouvrage ou infrastructure pour permettre de l'utiliser et d'y apporter des aménagements nécessaires pour ce faire. (...) / Une convention précise les modalités de la mise à disposition et de la maîtrise d'ouvrage des travaux ainsi que les responsabilités (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent, du propriétaire et du gestionnaire dans l'exercice de leurs missions respectives. La responsabilité liée à la prévention des inondations et submersions est transférée (...) à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent dès la mise à disposition, sans que le propriétaire ou le gestionnaire de l'ouvrage ne soient tenus de réaliser quelques travaux que ce soit en vue de permettre à l'ouvrage de remplir un rôle de prévention des inondations et submersions. (...) ".
4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1321-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est substituée à la collectivité propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés, et des marchés que cette dernière a pu conclure pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens remis ainsi que pour le fonctionnement des services. La collectivité propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants ".
5. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que c'est par un motif surabondant que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que l'ouvrage, dont la reconstruction était l'objet du marché public en litige, était destiné à assurer un rôle de protection face aux conséquences de l'érosion marine. Par suite, la communauté de communes de la Terre des deux Caps ne peut utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la lutte contre l'érosion marine entrait dans le champ de sa compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la cour ne les a pas dénaturées en jugeant que cet ouvrage avait vocation à prévenir les inondations et les submersions.
7. En troisième lieu, la communauté de communes de la Terre des deux Caps n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué, qui indique que les aménagements d'une promenade, d'un poste de secours et de douches publiques, ainsi que l'installation d'un garde-corps, d'une rampe d'accès et de réseaux électriques et d'adduction d'eau, visent à prendre en compte les aspects touristiques et urbanistiques de l'ouvrage sans pour autant donner à celui-ci une autre vocation que celle de prévenir les inondations et les submersions et ne sont ainsi pas de nature à faire obstacle à la substitution, en application combinée des dispositions citées aux points 2 à 4, de la communauté de communes de la Terre des deux Caps à la commune de Wissant dans les droits et obligations nés du marché public en litige, ne serait pas suffisamment motivé sur ce point.
8. En dernier lieu, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir tirée de ce que le recours de la société Bouygues Travaux publics Régions France n'aurait pas été présenté dans un délai raisonnable à compter de la notification de la décision du 31 mai 2016 de la commune de Wissant rejetant le projet de décompte final établi par cette société.
10. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes de la Terre des deux Caps n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Bouygues Travaux publics Régions France et de la commune de Wissant qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la communauté de communes de la Terre des deux Caps, la somme de 3 000 euros à verser à la société Bouygues Travaux publics Régions France.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la communauté de communes de la Terre des deux Caps est rejeté.
Article 2 : La communauté de communes de la Terre des deux Caps versera une somme de 3 000 euros à la société Bouygues Travaux publics Régions France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes de la Terre des deux Caps, à la société Bouygues Travaux publics Régions France et à la commune de Wissant.
N° 495763
ECLI:FR:CECHS:2025:495763.20251205
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Céline Boniface, rapporteure
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du vendredi 5 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle la commune de Wissant a rejeté son projet de décompte final du marché public de travaux conclu le 5 mai 2014 pour la reconstruction du perré situé en bord de mer et de condamner la communauté de communes de la Terre des deux Caps, ou la commune de Wissant dans l'hypothèse où la communauté de communes n'aurait pas été substituée à celle-ci, ou ces deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, des intérêts moratoires pour un montant de 370 362,92 euros et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du solde de ce marché. Par un jugement n° 1904728 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23DA00077 du 7 mai 2024, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Bouygues Travaux publics Régions France, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées en vue du règlement du solde du marché de construction du perré de la commune de Wissant, l'a renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur ces conclusions et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 4 octobre 2024 et 1er septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes de la Terre des deux Caps demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Bouygues Travaux publics Régions France et de la commune de Wissant la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la communauté de communes de la Terre des deux Caps et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Bouygues Travaux publics Régions France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Wissant et la société Bouygues Travaux publics Régions France ont conclu le 22 avril 2014 un marché public de travaux en vue de la reconstruction du perré situé en bord de mer. Les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 27 octobre 2015. Par un courrier du 28 avril 2016, la société Bouygues Travaux publics Régions France a adressé son projet de décompte final à la commune de Wissant, que cette dernière a rejeté le 31 mai 2016. Après avoir mis en demeure la société de réaliser les travaux nécessaires à la levée des réserves, la commune de Wissant l'a informée, le 22 décembre 2017, que la communauté de communes de la Terre des deux Caps se substituait à elle dans ses droits et obligations issus du marché en litige à compter du 1er janvier 2018. Par un courrier du 17 octobre 2018, la société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé à la communauté de communes d'établir le décompte général du marché. La communauté de communes a, par un courrier du 5 mars 2019, mis en demeure cette société de procéder aux travaux nécessaires à la levée des réserves puis, par un courrier du 27 mai 2019, prononcé la résiliation de ce marché. La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 31 mai 2016 de la commune de Wissant rejetant son projet de décompte final et la condamnation, à titre principal, de la communauté de communes, à titre subsidiaire de la commune, ou, à défaut des deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable et des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché. Par un jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par un arrêt du 7 mai 2024 contre lequel la communauté de communes de la Terre des deux Caps se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société Bouygues Travaux publics Régions France en vue du règlement du solde du marché, renvoyé l'affaire dans cette mesure devant le tribunal administratif de Lille et rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. D'une part, aux termes du I bis de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, issu de l'article 56 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : " I bis.- Les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I. A cet effet, elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I. " Parmi les missions mentionnées par ces dispositions, celle prévue au 5° du I du même article porte sur " La défense contre les inondations et contre la mer ". Aux termes du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 56 de la même loi du 27 janvier 2014 et de l'article 64 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : (...) / 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (...) ". Le II de l'article 59 de la même loi du 27 janvier 2014, dans sa rédaction issue de l'article 76 de la loi du 7 août 2015, a fixé l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2018.
3. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 566 12 1 du code de l'environnement, inséré dans ce code par l'article 58 de la loi du 27 janvier 2014 : " Lorsqu'un ouvrage ou une infrastructure qui n'a pas exclusivement pour vocation la prévention des inondations et submersions appartenant à une personne morale de droit public s'avère, eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques, de nature à y contribuer, il est mis à la disposition (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations et contre la mer par le propriétaire ou le gestionnaire de cet ouvrage ou infrastructure pour permettre de l'utiliser et d'y apporter des aménagements nécessaires pour ce faire. (...) / Une convention précise les modalités de la mise à disposition et de la maîtrise d'ouvrage des travaux ainsi que les responsabilités (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent, du propriétaire et du gestionnaire dans l'exercice de leurs missions respectives. La responsabilité liée à la prévention des inondations et submersions est transférée (...) à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent dès la mise à disposition, sans que le propriétaire ou le gestionnaire de l'ouvrage ne soient tenus de réaliser quelques travaux que ce soit en vue de permettre à l'ouvrage de remplir un rôle de prévention des inondations et submersions. (...) ".
4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1321-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est substituée à la collectivité propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés, et des marchés que cette dernière a pu conclure pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens remis ainsi que pour le fonctionnement des services. La collectivité propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants ".
5. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que c'est par un motif surabondant que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que l'ouvrage, dont la reconstruction était l'objet du marché public en litige, était destiné à assurer un rôle de protection face aux conséquences de l'érosion marine. Par suite, la communauté de communes de la Terre des deux Caps ne peut utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la lutte contre l'érosion marine entrait dans le champ de sa compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la cour ne les a pas dénaturées en jugeant que cet ouvrage avait vocation à prévenir les inondations et les submersions.
7. En troisième lieu, la communauté de communes de la Terre des deux Caps n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué, qui indique que les aménagements d'une promenade, d'un poste de secours et de douches publiques, ainsi que l'installation d'un garde-corps, d'une rampe d'accès et de réseaux électriques et d'adduction d'eau, visent à prendre en compte les aspects touristiques et urbanistiques de l'ouvrage sans pour autant donner à celui-ci une autre vocation que celle de prévenir les inondations et les submersions et ne sont ainsi pas de nature à faire obstacle à la substitution, en application combinée des dispositions citées aux points 2 à 4, de la communauté de communes de la Terre des deux Caps à la commune de Wissant dans les droits et obligations nés du marché public en litige, ne serait pas suffisamment motivé sur ce point.
8. En dernier lieu, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir tirée de ce que le recours de la société Bouygues Travaux publics Régions France n'aurait pas été présenté dans un délai raisonnable à compter de la notification de la décision du 31 mai 2016 de la commune de Wissant rejetant le projet de décompte final établi par cette société.
10. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes de la Terre des deux Caps n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Bouygues Travaux publics Régions France et de la commune de Wissant qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la communauté de communes de la Terre des deux Caps, la somme de 3 000 euros à verser à la société Bouygues Travaux publics Régions France.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la communauté de communes de la Terre des deux Caps est rejeté.
Article 2 : La communauté de communes de la Terre des deux Caps versera une somme de 3 000 euros à la société Bouygues Travaux publics Régions France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes de la Terre des deux Caps, à la société Bouygues Travaux publics Régions France et à la commune de Wissant.