Conseil d'État
N° 492940
ECLI:FR:CECHR:2025:492940.20251222
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Nathalie Destais, rapporteure
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 22 décembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société " Parc éolien NORDEX XXXI ", devenue société " Extension du parc éolien du Douiche ", a demandé à la cour administrative d'appel de Douai, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais lui ont délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes d'Equancourt, Fins, Heudicourt (Somme) et Neuville-Bourjonval (Pas-de-Calais), en tant que cet arrêté lui a refusé l'autorisation sollicitée pour les deux éoliennes E 4 et E 7 initialement prévues et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour ces deux éoliennes ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre aux préfets de la lui délivrer ou de réexaminer sa demande concernant ces deux mêmes éoliennes.
Par un arrêt n° 23DA00776 du 1er février 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mars et 26 juin 2024 et le 24 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Extension du parc éolien du Douiche " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société " Extension du parc éolien du Douiche " ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er mars 2023, les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais ont accordé à la société " Extension du parc éolien du Douiche " une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de sept des neuf éoliennes composant le parc projeté et de quatre postes de livraison, sur le territoire des communes de Fins, d'Equancourt et d'Heudicourt, dans le département de la Somme, et de Neuville-Bourjonval, dans le département du Pas-de-Calais. Par un arrêt du 1er février 2024, objet du présent pourvoi, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la société pétitionnaire tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a refusé l'autorisation environnementale sollicitée pour deux éoliennes, désignées E 4 et E 7.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection de la nature, de l'environnement (...) ". L'article L. 181-3 de ce code dispose que : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, selon les cas. / II.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) / 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ". Les dispositions du I de l'article L. 181-2 de ce code prévoient que l'autorisation environnementale tient lieu, lorsque le projet d'installation y est soumis ou le nécessite, notamment, de dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour ces espèces apparaît, compte tenu des mesures prévues pour éviter et réduire ses impacts, suffisamment caractérisé. En vertu des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2, une telle dérogation peut être délivrée à condition, notamment, qu'elle " ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les autorisations environnementales ne peuvent être accordées qu'à la condition que les mesures qu'elles comportent permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, au nombre desquels figure la protection de la nature et de l'environnement. Lorsque le risque que le projet comporte pour des espèces protégées apparaît, en dépit des mesures prévues pour éviter et réduire ses impacts, suffisamment caractérisé pour nécessiter, en application du 4° du I de l'article L. 411-2, la demande d'une dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats, il appartient au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a communiqué son projet de décision, de déposer une telle demande pour les espèces en cause.
4. La cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, en particulier de l'étude chiroptérologique, que, si le projet éolien, dans son ensemble, se situait dans une zone agricole de faible enjeu pour les chauve-souris et comportait des risques résiduels globalement faibles pour celles-ci, les deux éoliennes en litige, E 4 et E 7, se trouvaient à 80 mètres d'une haie, pour la première, à 150 mètres d'une haie et 200 mètres d'un boisement, pour la seconde, ces habitats étant à l'origine d'une présence importante de chauves-souris. Elle a également relevé que l'étude montrait l'existence d'un axe de déplacement le long de la haie, depuis le boisement, au sud de l'éolienne E 7 et que, parmi les six espèces protégées de chauves-souris recensées sur le site, figurait la Pipistrelle commune, dont la mission régionale de l'autorité environnementale a fait valoir, dans son avis du 6 février 2020, que les effectifs s'étaient effondrés au cours des dernières années.
5. Sur la base de ces constatations non entachées de dénaturation, la cour a pu, sans erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, regarder comme suffisamment caractérisé le risque que comportent les deux éoliennes en litige pour les populations de chiroptères recensées localement, en particulier pour la Pipistrelle commune, en dépit de la principale mesure de réduction du risque proposée, puis renforcée, par la société pétitionnaire et tenant à la mise en oeuvre d'un plan de bridage. Dès lors que la société pétitionnaire n'avait pas sollicité auprès de l'autorité administrative, pour les deux éoliennes litigieuses, le bénéfice du régime dérogatoire prévu à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la cour a pu, sans erreur de droit, juger légal le refus de les autoriser opposé par les préfets sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, alors même qu'il ne résultait pas de l'instruction que le projet aurait porté à la conservation de ces espèces une atteinte faisant obstacle à toute possibilité de dérogation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société " Extension du parc éolien du Douiche " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société " Extension du parc éolien du Douiche " est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société " Extension du parc éolien du Douiche " et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Laurence Helmlinger, M. Jérôme Marchand-Arvier, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, Mme Cécile Isidoro, conseillers d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 22 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Nathalie Destais
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 492940
ECLI:FR:CECHR:2025:492940.20251222
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Nathalie Destais, rapporteure
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du lundi 22 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société " Parc éolien NORDEX XXXI ", devenue société " Extension du parc éolien du Douiche ", a demandé à la cour administrative d'appel de Douai, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais lui ont délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes d'Equancourt, Fins, Heudicourt (Somme) et Neuville-Bourjonval (Pas-de-Calais), en tant que cet arrêté lui a refusé l'autorisation sollicitée pour les deux éoliennes E 4 et E 7 initialement prévues et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour ces deux éoliennes ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre aux préfets de la lui délivrer ou de réexaminer sa demande concernant ces deux mêmes éoliennes.
Par un arrêt n° 23DA00776 du 1er février 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mars et 26 juin 2024 et le 24 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Extension du parc éolien du Douiche " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société " Extension du parc éolien du Douiche " ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er mars 2023, les préfets de la Somme et du Pas-de-Calais ont accordé à la société " Extension du parc éolien du Douiche " une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de sept des neuf éoliennes composant le parc projeté et de quatre postes de livraison, sur le territoire des communes de Fins, d'Equancourt et d'Heudicourt, dans le département de la Somme, et de Neuville-Bourjonval, dans le département du Pas-de-Calais. Par un arrêt du 1er février 2024, objet du présent pourvoi, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la société pétitionnaire tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a refusé l'autorisation environnementale sollicitée pour deux éoliennes, désignées E 4 et E 7.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection de la nature, de l'environnement (...) ". L'article L. 181-3 de ce code dispose que : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, selon les cas. / II.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) / 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ". Les dispositions du I de l'article L. 181-2 de ce code prévoient que l'autorisation environnementale tient lieu, lorsque le projet d'installation y est soumis ou le nécessite, notamment, de dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour ces espèces apparaît, compte tenu des mesures prévues pour éviter et réduire ses impacts, suffisamment caractérisé. En vertu des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2, une telle dérogation peut être délivrée à condition, notamment, qu'elle " ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les autorisations environnementales ne peuvent être accordées qu'à la condition que les mesures qu'elles comportent permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, au nombre desquels figure la protection de la nature et de l'environnement. Lorsque le risque que le projet comporte pour des espèces protégées apparaît, en dépit des mesures prévues pour éviter et réduire ses impacts, suffisamment caractérisé pour nécessiter, en application du 4° du I de l'article L. 411-2, la demande d'une dérogation aux interdictions édictées pour la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats, il appartient au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a communiqué son projet de décision, de déposer une telle demande pour les espèces en cause.
4. La cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, en particulier de l'étude chiroptérologique, que, si le projet éolien, dans son ensemble, se situait dans une zone agricole de faible enjeu pour les chauve-souris et comportait des risques résiduels globalement faibles pour celles-ci, les deux éoliennes en litige, E 4 et E 7, se trouvaient à 80 mètres d'une haie, pour la première, à 150 mètres d'une haie et 200 mètres d'un boisement, pour la seconde, ces habitats étant à l'origine d'une présence importante de chauves-souris. Elle a également relevé que l'étude montrait l'existence d'un axe de déplacement le long de la haie, depuis le boisement, au sud de l'éolienne E 7 et que, parmi les six espèces protégées de chauves-souris recensées sur le site, figurait la Pipistrelle commune, dont la mission régionale de l'autorité environnementale a fait valoir, dans son avis du 6 février 2020, que les effectifs s'étaient effondrés au cours des dernières années.
5. Sur la base de ces constatations non entachées de dénaturation, la cour a pu, sans erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, regarder comme suffisamment caractérisé le risque que comportent les deux éoliennes en litige pour les populations de chiroptères recensées localement, en particulier pour la Pipistrelle commune, en dépit de la principale mesure de réduction du risque proposée, puis renforcée, par la société pétitionnaire et tenant à la mise en oeuvre d'un plan de bridage. Dès lors que la société pétitionnaire n'avait pas sollicité auprès de l'autorité administrative, pour les deux éoliennes litigieuses, le bénéfice du régime dérogatoire prévu à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la cour a pu, sans erreur de droit, juger légal le refus de les autoriser opposé par les préfets sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, alors même qu'il ne résultait pas de l'instruction que le projet aurait porté à la conservation de ces espèces une atteinte faisant obstacle à toute possibilité de dérogation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société " Extension du parc éolien du Douiche " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société " Extension du parc éolien du Douiche " est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société " Extension du parc éolien du Douiche " et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Laurence Helmlinger, M. Jérôme Marchand-Arvier, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, Mme Cécile Isidoro, conseillers d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 22 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Nathalie Destais
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain