Base de jurisprudence


Décision n° C4303
22 avril 2024
Tribunal des conflits

N°C4303
Publié au recueil Lebon

M. MOLLARD , président
M. Jacques-Henri Stahl, rapporteur
M. Jean Lecaroz, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 22 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistré le 31 janvier 2024, le mémoire présenté par la SCP Celice, Texidor, Périer pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP), tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que les modalités de réduction du temps de travail déterminées par le note contestée sont dictées par l'exigence de continuité du service public, que la note ne complète pas un accord collectif de travail, que la RATP est soumise à un régime dérogatoire en matière de durée du travail en raison des missions de service public dont elle a la charge ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à l'Union nationale des syndicats autonomes de la RATP et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'ont pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code des transports ;

Vu le code du travail ;

Vu l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 ;

Vu le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 ;

Vu le décret n° 2022-251 du 24 février 2022 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques-Henri Stahl, membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Par une note de février 2016, référencée GIS-PAP 2016-5024, le responsable de l'unité Politiques de rémunération et accompagnement de la performance RH du département Gestion et innovation sociale (GIS) de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) a précisé les modalités d'organisation du temps partiel pour motif thérapeutique pour les agents de la RATP. Le syndicat Union nationale des syndicats autonomes de la RATP (UNSA RATP) a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande tendant notamment à l'annulation de cette note. Par un jugement du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté cette demande. Par un arrêt du 9 septembre 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et annulé la note litigieuse. Saisie d'un pourvoi par la RATP contre cet arrêt, la Cour de cassation, par arrêt du 29 novembre 2023, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. En vertu des dispositions de l'article L. 2142-1 du code des transports, la RATP est un établissement public industriel et commercial chargé de l'exploitation d'un service public de transport collectif de personnes. Conformément aux dispositions de l'article 4 du décret du 7 janvier 1959 aujourd'hui reprises à l'article 10 du décret du 24 février 2022, le statut de son personnel est fixé par délibération de son conseil d'administration, sous réserve d'une approbation ministérielle.

3. En outre, s'appliquent les dispositions de l'article L. 2233-1 du code du travail, selon lesquelles " dans les (...) les établissements publics à caractère industriel ou commercial (...), lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé, les conditions d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales peuvent être déterminées, en ce qui concerne les catégories de personnel qui ne sont pas soumises à un statut particulier, par des conventions et accords " conclus conformément aux dispositions du titre III du livre II de la deuxième partie de ce code, ainsi que celles de l'article L. 2233-2 du même code qui prévoient, pour les mêmes établissements, que " des conventions ou accords d'entreprises peuvent compléter les dispositions statutaires ou en déterminer les modalités d'application dans les limites fixées par le statut ".

4. Il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer sur les litiges portant sur la situation individuelle des agents de droit privé de cet établissement public industriel et commercial.

5. S'agissant des actes de portée générale régissant la situation de ces agents, la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité des règlements émanant du conseil d'administration de la RATP qui, touchant à l'organisation du service public, présentent un caractère administratif. Il en va en particulier ainsi pour le statut du personnel de cet établissement public, dont celles de ses dispositions qui constituent des éléments de l'organisation du service public ont pour effet de lui conférer, dans son intégralité, le caractère d'un acte administratif. Il en va de même, sous réserve de ce qui est dit au point 6, pour les autres actes de portée générale pris unilatéralement par l'établissement public en vue de régir la situation de son personnel.

6. En revanche, les contestations portant sur la légalité ou les conditions d'application et la dénonciation des conventions et accords collectifs conclus en application des articles L. 2233-1 et L. 2233-2 du code du travail, relèvent, sauf loi contraire, de la compétence judiciaire, hormis le cas où la contestation concerne des dispositions qui n'ont pas pour objet la détermination des conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que des garanties sociales des personnels des entreprises et établissements publics visés par ces textes mais qui régissent l'organisation du service public. La compétence judiciaire s'étend, par dérogation à ce qui a été dit au point 5, aux actes unilatéraux pris par l'établissement public afin de compléter de tels conventions ou accords collectifs, c'est-à-dire de préciser leurs conditions d'application.

7. En l'espèce, la note litigieuse détermine les modalités d'organisation du temps partiel pour motif thérapeutique pour les agents de la RATP. Cet acte, adopté unilatéralement par l'établissement public, dont l'objet est distinct de celui de l'accord collectif sur le travail à temps partiel du 24 février 2003 modifié par avenant du 3 juillet 2000, n'est pas intervenu pour compléter cet accord collectif en précisant ses conditions d'application.

8. Il résulte de ce qui précède que la note litigieuse présente le caractère d'un acte administratif. Le litige portant sur la contestation de sa légalité relève en conséquence de la compétence de la juridiction administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Régie autonome des transports parisiens, à l'Union nationale des syndicats autonomes de la RATP et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.