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Ariane Web: CAA MARSEILLE 19MA05101, lecture du 28 avril 2022

Décision n° 19MA05101
28 avril 2022
CAA de MARSEILLE

N° 19MA05101

1ère chambre
Mme HELMLINGER, président
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT, rapporteur
Mme GOUGOT, rapporteur public
SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI, avocats


Lecture du jeudi 28 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Contes à lui verser une somme de 3 866 267 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des agissements fautifs commis par le maire de la commune.

Par un jugement n° 1601846 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des mémoires enregistrés le 25 novembre 2019, le 13 mars 2020, le 30 janvier 2021, le 1er février 2021 et le 5 février 2021, M. B..., représenté par Me Paloux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Contes à lui verser cette somme de 3 866 267 euros avec intérêts et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Contes la somme de 14 550 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'application de la prescription quadriennale devait tenir compte de l'origine de son préjudice qui résulte de l'ensemble des agissements fautifs du maire de Contes et que ce préjudice revêt un caractère continu ;
- il résulte de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 que l'assignation du maire de Contes devant un tribunal de l'ordre judiciaire a interrompu le délai de prescription, à peine de méconnaître les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'application de la prescription quadriennale devait tenir compte de l'origine de son préjudice qui résulte de l'ensemble des agissements fautifs du maire de Contes, en présence de nombreux actes interruptifs ;
- les arrêtés du 20 août 2009 et du 10 janvier 2011 sont constitutifs de fautes de service en raison de leur illégalité ;
- en dépit des décisions du juge administratif et des interventions du préfet, le maire a persisté à prendre à son encontre dans l'application de la législation sur l'urbanisme des décisions systématiquement défavorables ;
- le maire a dissuadé les partenaires économiques et les acquéreurs éventuels de contracter avec lui ;
- en tenant compte des intérêts escomptés sur le produit de la vente des lots qui aurait dû intervenir en 2005, soit 1 796 267,13 euros, et de la perte de valeur comparativement au programme finalement autorisé, soit 1 900 000 euros, le manque à gagner subi doit être évalué à 3 696 267,13 euros ;
- les fautes commises par le maire de Contes ont entraîné des déplacements supplémentaires, des situations conflictuelles et des surcoûts ainsi que des frais de réparation et de rachat dus à des dégradations, justifiant une réparation à hauteur, respectivement, de 24 000 euros, 50 000 euros et 16 000 euros ;
- l'atteinte à l'honneur et à la réputation doit être réparée à hauteur de 30 000 euros ;
- son préjudice moral justifie l'allocation d'une indemnité de 50 000 euros ;
- il a supporté des frais d'expertise privée dont le remboursement doit être effectué au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une intervention et des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2019, le 7 avril 2020 et le 19 février 2021, la société Groupama Méditerranée, représentée par Me Martinez de la SCP d'avocats Tertian-Bagnoli, demande que la Cour rejette la requête de M. B..., subsidiairement, de dire et juger qu'elle ne pourrait être condamnée à relever et garantir la commune de Contes qu'à hauteur de 664 868,71 euros et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes motifs que ceux exposés par la commune de Contes.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2020, la commune de Contes, représentée par Me Peru, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable en ce que le requérant a d'abord recherché la responsabilité personnelle du maire de Contes devant les juridictions judiciaires ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une lettre enregistrée le 18 mars 2022, la ministre de la transition écologique fait valoir que l'Etat ne peut être regardé comme partie à l'instance en l'absence de conclusions dirigées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Paloux, représentant M. B... et de Me Martinez représentant la société Groupama Méditerranée.



Considérant ce qui suit :



1. M. B..., propriétaire d'un terrain acquis en 1990, situé au lieu-dit " C... ", sur le territoire de la commune de Contes, a cherché à compter de l'année 1998 à réaliser une opération de lotissement. Il fait appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Contes à lui verser une somme de 3 866 267 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des agissements fautifs commis par le maire de la commune.


Sur l'intervention de la société Groupama Méditerranée :

2. L'arrêt à rendre sur la requête de M. B... est susceptible de préjudicier aux droits de la société Groupama Méditerranée, assureur de la commune de Contes. Dès lors, son intervention est recevable dans la seule mesure, toutefois, où elle s'associe aux conclusions en défense de la commune.




Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. L'action civile engagée par M. B... à l'encontre du maire de Contes devant le juge judicaire dont il a été définitivement débouté par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 avril 2019 ne le privait pas de la possibilité d'engager une nouvelle action à l'encontre de la commune de Contes pour rechercher la responsabilité de celle-ci devant le juge administratif au titre des fautes non détachables du service, commises par son maire ou par ses agents, alors même que cette nouvelle action reposait sur les mêmes fautes et tendait à la réparation des mêmes préjudices. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Contes doit être écartée.


Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par la commune de Contes :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ". L'action civile engagée devant le juge judiciaire par la victime d'un dommage sur le fondement de la faute personnelle qu'aurait commise le représentant ou l'agent d'une administration présente, au sens des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, le caractère d'un recours relatif au fait générateur de la créance que son auteur détient sur la collectivité et interrompt par suite le délai de prescription de cette créance.

5. M. B... a présenté une demande d'indemnité reçue par la commune de Contes le 21 décembre 2015, fondée, de manière globale, sur les agissements fautifs du maire de la commune qui se serait systématiquement opposé à son projet d'aménagement du terrain dont il est propriétaire, et plus spécifiquement sur l'illégalité du classement partiel de ce terrain en zone inconstructible par le plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 16 décembre 1993, l'illégalité des certificats d'urbanisme négatifs qui lui ont été délivrés les 6 février et 4 octobre 2001, l'illégalité des décisions du 12 mai 2006 et du 14 septembre 2007 refusant de lui délivrer une autorisation de lotir, l'illégalité de l'arrêté du 2 juillet 2009 ordonnant l'interruption de certains travaux, l'illégalité de la décision du 20 août 2009 lui refusant le raccordement au réseau d'eau potable, l'illégalité de l'arrêté lui refusant la délivrance d'un permis de construire du 20 janvier 2011 et celle d'un nouvel arrêté d'interruption de travaux du 4 août 2011. Ces décisions constituent autant de faits générateurs au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968. Lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché à l'exercice au cours duquel cette décision a été valablement notifiée, quand bien même il en aurait résulté un préjudice continu.

6. A la date à laquelle M. B... a présenté sa demande d'indemnité, sa créance fondée sur l'illégalité des certificats d'urbanisme négatifs des 6 février et 4 octobre 2001 était prescrite, ces certificats ayant été annulés par un jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2003, passé en force de chose jugée sur ce point, dans le délai de deux mois à compter de sa notification, la commune de Contes n'en ayant relevé appel qu'en ce qui concerne l'injonction qui lui avait été adressée. Du reste, M. B... avait, préalablement à sa demande, déjà été indemnisé des conséquences dommageables de ces décisions. De même, était prescrite sa créance fondée sur les deux refus d'autorisation de lotir du 12 mai 2006, ces refus ayant été annulés par deux jugements du tribunal administratif du 6 juillet 2007, passés en force de chose jugée dans les mêmes conditions. Dans les deux cas, l'assignation, par M. B..., du maire de Contes devant le tribunal de grande instance de Nice le 12 janvier 2012 n'a pu interrompre le délai de la prescription quadriennale, déjà échu à cette date.

7. En revanche, à la suite du jugement du 19 juin 2008 par lequel le tribunal administratif a annulé les décisions de refus d'autorisation de lotir du 14 septembre 2007, passé en force de chose jugée dans les conditions décrites au point 6, un nouveau délai de prescription de la créance correspondante a recommencé à courir à compter du 1er janvier 2009. Ce délai a ainsi été interrompu par l'assignation, par M. B..., du maire de Contes devant le tribunal de grande instance de Nice le 12 janvier 2012. La créance résultant de l'illégalité des décisions du 14 septembre 2007 n'était donc pas atteinte par la prescription quadriennale à la date du 21 décembre 2015 à laquelle la commune de Contes a reçu la demande d'indemnité présentée par le requérant, de même que celle résultant de l'illégalité des arrêtés du maire de Contes du 2 juillet 2009, du 20 janvier 2011 et du 4 août 2011 et de la décision du 20 août 2009, qui, en outre, avaient chacun fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Nice, ainsi que de l'ensemble des agissements du maire postérieurs au 1er janvier 2008.



En ce qui concerne l'exception de chose jugée :


8. Par jugement n° 0305586 du 6 juillet 2007, confirmé par un arrêt de la Cour n° 07MA03726 du 9 octobre 2009, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Contes à verser à M. B... une indemnité de 8 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison d'agissements de la commune antérieurs au 30 mars 2005 et notamment de l'illégalité des certificats d'urbanisme négatifs des 6 février 2001 et 4 octobre 2001. En l'absence d'identité d'objet entre la demande alors soumise au juge administratif et celle non prescrite de la présente instance, qui repose sur des faits et des préjudices différents, la commune de Contes ne peut opposer l'autorité de chose jugée dont est revêtu le jugement précité du 6 juillet 2007.




En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Contes :

S'agissant du manque à gagner :

9. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison des agissements de l'administration et notamment du refus illégal d'une autorisation de lotir ou de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois différemment si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.


10. M. B... ne peut utilement se prévaloir de la promesse de vente sous condition suspensive d'une autorisation de lotir en date du 21 avril 2004, qui est antérieure à la période de responsabilité non prescrite de la commune. Il ne peut davantage utilement se prévaloir de la promesse de vente sous condition suspensive du 6 juin 2011, qui, quant à elle, est postérieure aux agissements qu'il dénonce, s'agissant des autorisations de lotir ou de construire. Sur la période en cause dans le présent litige, le requérant ne fait état d'aucun engagement précis d'achat de son terrain permettant de faire regarder son préjudice comme présentant un caractère certain. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune au versement d'une somme de 3 696 267,13 euros représentant le manque à gagner qu'il estime avoir subi, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.


S'agissant des préjudices matériels :

11. Si M. B... demande la condamnation de la commune à lui verser une somme globale de 50 000 euros, en réparation des désorganisations subies par son chantier tenant, d'une part, aux travaux supplémentaires qu'il aurait dû effectuer et, d'autre part, aux engagements qu'il n'aurait pu honorer, il n'apporte aucune justification à l'appui de sa demande ni sur la réalité de ces dépenses ni surtout sur les dates auxquelles elles auraient été engagées, qui seules pourraient permettre d'établir, le cas échéant, un lien de causalité avec des illégalités ou des agissements fautifs imputables à la commune. Par ailleurs, les agissements de la commune ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme étant à l'origine directe des dégradations subies par le matériel de chantier qu'il entreposait sur son terrain, qu'il évalue à 16 000 euros, lesquelles ont été commises par des tiers.


S'agissant des troubles de toute nature aux conditions d'existence :

12. Les troubles subis par M. B... dans ses conditions d'existence en raison de la succession des décisions négatives prises par le maire de la commune à l'encontre du projet de M. B... dont les unes, les refus d'autorisation de lotir du 14 septembre 2007, ont été annulées par le tribunal administratif de Nice, et dont les autres, la décision de refus de raccordement de la propriété du requérant au réseau d'eau public du 20 août 2009 et l'arrêté du 10 janvier 2011, ont vu leur exécution suspendue par le juge des référés de ce tribunal avant qu'elles ne soient retirées par le maire de la commune, justifient, dans les circonstances de l'espèce, l'allocation d'une indemnité.

13. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, le maire de la commune ne peut être regardé, au-delà de ces illégalités fautives, comme ayant manifesté une opposition systématique au projet de M. B.... Par une délibération du 30 mars 2005, le conseil municipal de la commune a modifié le plan d'occupation des sols, classant ainsi les parcelles de l'intéressé en zone constructible. Consécutivement à l'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Nice du 9 juin 2008, des décisions de refus d'autorisation de lotir du 14 septembre 2007, le maire a, par deux arrêtés du 21 avril 2008 délivré ces autorisations portant chacune sur deux lots au sein de terrains de 2 010 m² et de 2 333 m². Par arrêtés du 8 juin 2008, le maire a également " autorisé ", en les assortissant de prescriptions, deux déclarations préalables déposées par M. B... le 19 mai 2008, en vue de détacher chacune deux lots constructibles de 1 165 m² chacun et de 1 000 m² chacun. A la suite de l'ouverture de son chantier le 20 juin 2011, il a délivré à l'intéressé une permission de voirie, le 23 janvier 2012. Les allégations du requérant selon lesquelles le maire de Contes comme les agents de l'administration communale auraient entrepris de dissuader ses partenaires économiques et les acquéreurs potentiels de contracter avec lui ne peuvent être regardées comme établies, d'autant qu'il résulte de l'instruction que la configuration des lieux, du fait notamment de la forte pente, nécessitait l'exécution d'importants travaux de nivellement et qu'ainsi d'ailleurs que l'a admis le maître d'oeuvre désigné par M. B... au cours d'une opération d'expertise judiciaire organisée en 2013, ces travaux préparatoires ainsi que les travaux de voirie et réseaux n'étaient pas exécutés avec toute la maîtrise technique nécessaire, M. B... assurant lui-même de nombreuses tâches par souci d'économie. La mauvaise exécution de ces travaux est ainsi à l'origine de conflits avec les riverains, dont les propriétés ont parfois été dégradées et qui ont déploré la dénaturation du site auparavant naturel et les dégâts causés au domaine public routier.

14. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. B... dans ses conditions d'existence, consécutifs aux seules illégalités fautives énoncées au point 12, y compris les frais de déplacement qu'il a dû exposer pour assurer le suivi administratif et judiciaire de ses affaires, en évaluant le montant de l'indemnité qui lui est due, à ce titre, à la somme de 15 000 euros, tous intérêts échus à la date du présent arrêt.

S'agissant de l'atteinte à l'honneur et à la réputation :

15. L'atteinte dont M. B... aurait pâti en raison des fautes imputables à la commune n'est pas établie, alors, au demeurant, que l'intéressé a été condamné pénalement en 2013 dans une autre affaire qui a donné lieu à une publication dans la presse locale.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

16. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire (...). ". Lorsqu'il exerce le pouvoir de faire dresser procès-verbal des infractions à certaines dispositions du code de l'urbanisme qui lui est confié par l'article L. 480-1 de ce code, le maire agit comme autorité de l'Etat. Par suite, les fautes qu'il viendrait à commettre dans l'exercice de ces attributions ne sauraient engager la responsabilité de la commune.

17. Lorsqu'une personne morale est chargée d'une mission de service public au nom et pour le compte de l'Etat, une réclamation préalable adressée à cette collectivité en vue d'obtenir la réparation des préjudices nés de fautes commises dans l'exercice d'une telle mission doit, en principe, être regardée comme adressée à la fois à cette personne morale et à l'État, lequel, en l'absence de décision expresse de sa part, est réputé l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de réception de la demande par la collectivité saisie, alors même que cette dernière l'aurait également rejetée au titre de sa responsabilité propre. Par suite, l'action indemnitaire engagée par M. B... en raison de l'illégalité des arrêtés du maire de Contes du 2 juillet 2009 et du 4 août 2011 ordonnant l'interruption de travaux de terrassement et de busage doit être regardée comme adressée à la fois au maire agissant en qualité d'autorité communale et au maire agissant en qualité d'agent de l'Etat.

18. Il résulte de l'instruction que les arrêtés du maire de Contes du 2 juillet 2009 et du 4 août 2011 ont été retirés pour illégalité, respectivement, par le maire lui-même, le 10 janvier 2010, à la demande du préfet des Alpes-Maritimes, et par ce dernier, le 23 septembre 2011. L'illégalité de ces arrêtés qui ont reçu exécution avant qu'ils ne soient retirés est de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Toutefois, le requérant ne peut être regardé comme établissant, parmi l'ensemble des chefs de préjudice qu'il invoque, l'existence d'un préjudice que ces arrêtés lui auraient spécifiquement causé. En particulier, ces arrêtés ne peuvent être regardés comme étant directement à l'origine des dégradations subies par le matériel de chantier qu'il y entreposait, lesquelles, ainsi qu'il a été dit au point 11, ont été commises par des tiers. Ainsi qu'il a été dit au point 15, l'existence d'une atteinte à l'honneur ou à la réputation ne peut être tenue pour établie. Enfin, pris isolément, ils ne peuvent pas davantage être regardés comme étant à l'origine de troubles dans les conditions d'existence justifiant une indemnisation supplémentaire à celle fixée au point 14.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ni d'ordonner une expertise, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort ce que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il n'est toutefois fondé à demander la condamnation de la commune de Contes qu'à hauteur de la somme de 15 000 euros.



Sur les frais liés au litige :


20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Contes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, et en tenant compte de ce que les frais d'expertise privée supportés par le requérant n'ont pas été utiles à la résolution du litige, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Contes une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées sur ce fondement par la société Groupama Méditerranée, qui n'a pas la qualité de partie, ne peuvent qu'être rejetées.


D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Groupama Méditerranée est admise en ce qu'elle s'associe aux conclusions de la commune de Contes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 septembre 2019 est annulé.
Article 3 : La commune de Contes est condamnée à verser à M. B... la somme de 15 000 euros, tous intérêts échus à la date du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Contes versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Contes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la société Groupama Méditerranée sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Contes, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Groupama Méditerranée.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
N° 19MA05101

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