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Ariane Web: CAA MARSEILLE 22MA02985, lecture du 1 février 2023

Décision n° 22MA02985
1 février 2023
CAA de MARSEILLE

N° 22MA02985


BACH, avocats


Lecture du mercredi 1 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 2010004 du 10 juin 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné, à la demande du syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius, de M. G... F..., de M. B... H... et de Mme C... E..., une expertise aux fins, notamment, de donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres affectant l'immeuble situé 92-94 cours Sextius à Aix-en-Provence, de formuler les solutions techniques permettant de faire cesser ces désordres et d'indiquer les travaux nécessaires à la réparation, d'en évaluer le coût et la durée ainsi que de formuler les solutions techniques permettant de sécuriser le bien et de permettre un retour de ses habitants.

La société Groupama Méditerranée, assureur du syndicat des copropriétaires du 92/94 Cours Sextius, la régie des eaux du Pays d'Aix, la société Keolis Pays d'Aix et la Métropole Aix-Marseille-Provence ont demandé à la magistrate chargée du suivi des expertises, respectivement les 10 juin, 13 juillet, 10 août et 6 septembre 2022, la convocation d'une séance, en application de l'article R. 621-8-1 du code de justice administrative, pour évoquer l'objet de l'expertise, les travaux définitifs de réparation des désordres ayant déjà été effectués.

Le syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius et Mme E... ont fait connaître à la magistrate chargée du suivi des expertises, le 20 juillet 2022, qu'ils se retiraient des opérations d'expertise en cours, M. F... entendant les " poursuivre pour son propre compte " et demandant que l'allocation provisionnelle sollicitée par l'expert soit mise à sa seule charge.

La société Keolis Pays d'Aix a demandé, le 7 septembre 2022, qu'il soit mis fin aux opérations d'expertise.

Par une ordonnance n° 2010004 du 22 novembre 2022, il a été mis fin aux opérations d'expertise.
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022, M. F..., représenté par Me Bach, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2022 ;

2°) statuant en référé, d'ordonner la reprise des opérations d'expertise ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Aix-en-Provence, de la société Groupama Méditerranée, de la société Keolis Pays d'Aix, de la Métropole Aix-Marseille-Provence et de la régie des eaux du Pays d'Aix la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la juge des référés a statué au-delà de ce qui lui était demandé, la société Keolis souhaitant avant toute chose la convocation d'une réunion pour permettre aux parties de discuter des circonstances de l'expertise ; que le mémoire du 7 septembre 2022 de la société Keolis n'a pas été communiqué au conseil de M. H... qui, quant à lui, n'avait pas fait part de son intention de se désister ; qu'il était dès lors nécessaire de lui communiquer ce mémoire ainsi qu'aux autres parties ; qu'aucun appel n'ayant été formé contre l'ordonnance du 10 juin 2021 ordonnant l'expertise, celle-ci était définitive et le juge des référés ne pouvait mettre fin aux opérations d'expertise d'autant que l'expert lui-même n'avait pas demandé la modification de sa mission dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 532-3 du code de justice administrative ; qu'ainsi l'ordonnance attaquée est irrégulière ; qu'elle est, en tout état de cause, mal fondée dès lors que la juge des référés s'est méprise sur les parties en cause, le mémoire du 20 juillet 2022 n'ayant pas été émis au nom de M. H... ; que l'expertise demeure utile, l'état de l'immeuble étant toujours incertain et les conditions de circulation sur le cours Sextius n'ayant pas été modifiées mais provisoirement interrompues ; qu'il appartenait, en tout état de cause, à l'expert de se prononcer sur l'origine et l'étendue des désordres passés, fut-ce sur pièces, étant entendu que ces désordres lui ont causé un préjudice matériel et moral bien réel.



Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2022, la société Keolis Pays d'Aix, représentée par Me Albisser, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. F..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle n'a pas engagé de procédure aux fins de voir annuler ou modifier l'ordonnance du 10 juin 2021 ; que son mémoire déposé le 7 septembre 2022 vise uniquement les dispositions relatives au déroulement de l'expertise, en application de l'article R. 621-8-1 du code de justice administrative ; que le juge des référés a pu régulièrement statuer sans audience ; qu'il est incontestable que les travaux de nature à remédier aux désordres ont été réalisés de manière définitive ; qu'il est donc impossible aujourd'hui de déterminer les causes et origines des désordres invoqués ; que l'expertise vibratoire, envisagée par l'expert, ne sera pas de nature à déterminer les causes et origines des désordres n'existant plus, dans la mesure où la structure de l'immeuble a été impactée par les travaux ; que la mesure d'expertise est donc devenue sans objet.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2023, la société Groupama Méditerranée, représentée par Me Martinez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. F..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun texte légal ou réglementaire n'impose la tenue d'une audience en matière de référé expertise ; que la mesure d'expertise est désormais inutile dès lors qu'aucun des désordres allégués par le syndicat des copropriétaires ne subsiste à ce jour et que la question de déterminer les causes et origines des désordres est, au stade du référé, superfétatoire en l'absence de tout constat possible, compte tenu de la réalisation des travaux ; qu'eu égard au montant des travaux réalisés, leur caractère définitif ne peut qu'être certain ; que les conditions de circulation sur le cours Sextius ont été modifiées depuis 2019 et il n'existe en l'état aucun élément laissant croire à une résurgence quelconque des désordres ou à l'apparition de nouveaux désordres.

Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2023, M. B... H... a fait connaître à la Cour qu'il n'entendait plus poursuivre les opérations d'expertise.

La requête a également été communiquée au syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius, à Mme E..., à la commune d'Aix-en-Provence, à la Métropole Aix-Marseille-Provence, à la société Keolis Pays d'Aix, à la régie des eaux du Pays d'Aix et à M. D..., expert, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par une ordonnance du 10 juin 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné, à la demande du syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius, de M. F..., de M. H... et de Mme E..., copropriétaires, une expertise aux fins notamment de donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres affectant l'immeuble situé 92-94 cours Sextius à Aix-en-Provence, de formuler les solutions techniques permettant de faire cesser ces désordres et d'indiquer les travaux nécessaires à la réparation, d'en évaluer le coût et la durée, ainsi que de formuler les solutions techniques permettant de sécuriser le bien et de permettre un retour de ses habitants. Cette mission a été confiée à M. A... D..., expert, en présence, outre des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires, auteurs de la demande, de la société Groupama Méditerranée, assureur du syndicat des copropriétaires, de la commune d'Aix-en-Provence, de la Métropole Aix-Marseille-Provence, de la société Keolis Pays d'Aix et de la régie des eaux du Pays d'Aix. Par l'ordonnance attaquée du 22 novembre 2022, la juge des référés a mis fin aux opérations d'expertise.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. Le juge des référés qui a ordonné une expertise peut être saisi par une ou plusieurs parties, à tout moment tant que le rapport de l'expert n'est pas déposé, d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin aux opérations d'expertise, notamment en cas de renonciation de la partie à l'origine de la mesure ou de disparition de son objet, les délais prévus par l'article R. 532-3 du code de justice administrative citées au point 1 n'étant opposables qu'aux demandes des parties portant sur l'extension ou la réduction de la mission d'expertise dans les conditions qu'il définit. Il appartient au juge des référés de statuer sur cette demande en la forme juridictionnelle, après le respect d'une procédure contradictoire, adaptée, le cas échéant, aux exigences de l'urgence, selon les termes de l'article L. 5 du code de justice administrative.

4. Il résulte de l'instruction qu'après que le syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius et l'une des copropriétaires, Mme E..., aient fait connaître le 20 juillet 2022, à la magistrate chargée du suivi des expertises, qu'ils entendaient se retirer des opérations d'expertise en cours, la société Keolis Pays d'Aix a, par un mémoire enregistré le 7 septembre 2022, explicitement demandé au tribunal de " mettre fin à la mission expertale confiée à M. A... D..., expert judicaire ". Ainsi qu'il a été dit au point 3, aucun délai n'était opposable à une telle demande.
5. Si ces conclusions étaient accompagnées d'une demande tendant à ce qu'une séance soit organisée en application de l'article R. 621-8-1 du code de justice administrative, ainsi que l'avaient également sollicité la société Groupama Méditerranée, la régie des eaux du Pays d'Aix et la Métropole Aix-Marseille-Provence, la juge de première instance a pu régulièrement statuer sur cette demande, en référé, sans préalablement convoquer les parties à une telle séance, ni, au demeurant, à une audience publique.
6. Enfin, il résulte également de l'instruction que le mémoire du 7 septembre 2022 de la société Keolis Pays d'Aix a été mis à la disposition de Me Bach, conseil du syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius, de M. F..., de M. H... et de Mme E..., par l'intermédiaire de l'application Télérecours, le 10 novembre 2022 à 13h57. Si M. F... soutient que Me Bach n'était pas le conseil de M. H..., il ressort des termes de la requête introductive d'instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 18 décembre 2020, tendant au prononcé de la mesure d'expertise, que celle-ci a bien été introduite par Me Bach notamment au nom de M. H... et il ne produit aucun élément de nature à établir qu'à la date à laquelle le mémoire de la société Keolis Pays d'Aix lui été communiqué, le tribunal avait été informé que Me Bach n'était plus constitué au nom de celui-ci. En tout état de cause, M. F... ne peut utilement invoquer, pour contester la régularité de l'ordonnance attaquée, un manquement qui n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard.
7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
8. En premier lieu, la renonciation du syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius et de Mme E... aux opérations d'expertise, ainsi qu'il a été dit au point 4, ne pouvait justifier qu'il soit mis fin à ces opérations, dès lors que la mesure d'expertise avait été demandée aux termes d'une requête collective associant quatre requérants et que M. F... avait, pour sa part, explicitement demandé la poursuite de ces opérations, M. H... ne s'étant pas manifesté auprès de la magistrate chargée du suivi des expertises. Par suite, c'est à tort que la juge des référés s'est fondée, au point 3 de l'ordonnance attaquée, sur la circonstance que Mme E..., M. H... et le syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius ont déclaré " se retirer des opérations d'expertise ", pour mettre fin à ces opérations.

9. En second lieu, en revanche, ainsi qu'il a été dit au point 3, indépendamment de la procédure prévue par l'article R. 532-3 du code de justice administrative, l'absence ou la disparition de l'objet même de l'expertise peut justifier qu'il soit mis fin, à la demande d'une ou plusieurs parties, à tout ou partie des opérations d'expertise.
10. En l'espèce, il est constant que les désordres qui affectaient l'immeuble en cause ont fait l'objet de travaux provisoires qui ont conduit à la levée de l'arrêté de péril imminent, le 6 novembre 2019, puis de nouveaux travaux qui ont conduit à la levée de l'arrêté de péril ordinaire en février 2020. Il est ainsi constant que la mission confiée à l'expert au 6° de l'article 3 de l'ordonnance du 10 juin 2021, soit " formuler les solutions techniques permettant de sécuriser le bien et de permettre un retour de ses habitants ", n'a plus d'objet. Si le requérant soutient que certains de ces travaux demeurent provisoires, il n'apporte aucune précision sur les points qui, en dépit des travaux effectivement réalisés, justifieraient encore que l'expert formule, ainsi qu'il lui est demandé au 5° du même article 3, " les solutions techniques permettant de faire cesser les désordres et indiquer les travaux nécessaires à la réparation ; en évaluer le coût et la durée ".
11. En revanche, quand bien même les désordres qui ont affecté l'immeuble sont désormais réparés et que les conditions de circulation au droit de cet immeuble ont été modifiées, la mission confiée à l'expert respectivement au 4° et au 7° de cet article 3, soit " donner un avis motivé sur la ou les causes et origines des désordres " et " fournir tous éléments utiles permettant au juge d'apprécier l'étendue des préjudices subis par les requérants du fait de ces désordres et de l'exécution des réparations ", n'a pas, ainsi que le soutient à bon droit le requérant, perdu son objet et il appartiendra à l'expert de procéder, si besoin, par une analyse sur pièces dans la mesure où des constatations sur place ne pourraient plus être utilement opérées.
12. Il résulte de ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a mis fin aux opérations de l'expertise confiée à M. D... par l'ordonnance du 10 juin 2021. Toutefois, la poursuite des opérations d'expertise doit être ordonnée dans les conditions définies ci-après, eu égard, d'une part, à la renonciation de certaines parties demanderesses, M. H... ayant, à cet égard, fait connaître à la Cour qu'il s'associait à la déclaration faite en ce sens, en première instance, par le syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius et par Mme E..., et, d'autre part, aux chefs de mission confiés à l'expert qui ont perdu tout objet.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. F... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une des parties la somme demandée par M. F... au titre de ces mêmes dispositions.
O R D O N N E :


Article 1er : L'ordonnance n° 2010004 du 22 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'expertise confiée à M. D... par l'ordonnance n° 2010004 du 10 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille se poursuivra en présence de M. F..., de la commune d'Aix-en-Provence, de la Métropole Aix-Marseille-Provence, de la société Keolis Pays d'Aix et de la régie des eaux du Pays d'Aix, selon la mission définie par l'article 3 de ladite ordonnance, à l'exclusion des points 5°) et 6°).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par les sociétés Keolis Pays d'Aix et Groupama Méditerranée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. G... F..., au syndicat des copropriétaires du 92/94 cours Sextius, à M. B... H..., à Mme C... E..., à la commune d'Aix-en-Provence, à la Métropole Aix-Marseille-Provence, à la société Keolis Pays d'Aix, à la régie des eaux du Pays d'Aix, à la société Groupama Méditerranée et à M. A... D..., expert.
Fait à Marseille, le 1er février 2023



N° 22MA02985 LH


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