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Ariane Web: Conseil d'État 428359, lecture du 17 avril 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:428359.20190417

Décision n° 428359
17 avril 2019
Conseil d'État

N° 428359
ECLI:FR:CECHR:2019:428359.20190417
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du mercredi 17 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) portant refus des conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'Office de procéder au rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil avec effet rétroactif, et ce dans un délai de trois jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard.

Par une ordonnance n° 1900922 du 7 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder au rétablissement des conditions matérielles d'accueil et ce à titre rétroactif dans les trois jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive (UE) n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M.A..., de la Cimade, du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), de l'association " Avocats pour la défense des droits des étrangers ", de la Ligue des droits de l'Homme et de la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2019, présentée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. Sur le fondement de ces dispositions, M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d'enjoindre sous astreinte au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de lui rétablir avec effet rétroactif l'allocation pour demandeur d'asile. Il relève appel de l'ordonnance du 7 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

3. La Cimade, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, l'association " Avocats pour la défense des droits des étrangers ", la Ligue des droits de l'Homme et la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s justifient, eu égard à l'objet et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance au soutien des conclusions présentées par M.A.... Leurs interventions sont, par suite, recevables.

4. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". L'article L. 742-1 du même code prévoit que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ". L'article L. 744-1 du même code dispose que les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile " sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (...). Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ". L'article L. 744-9 de ce même code prévoit que " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M.A..., ressortissant guinéen, a demandé l'asile en France le 17 octobre 2017 auprès des services de la préfecture du Nord et a accepté le même jour les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Sa demande d'asile a été enregistrée et la procédure en vue de son transfert aux autorités responsables de l'examen de sa demande, a été engagée. M. A...ayant été déclaré en fuite le 10 avril 2018, l'OFII a, par une décision du 29 juin 2018, suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil sur le fondement des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A...a demandé en vain à l'Office le rétablissement de l'allocation pour demandeur d'asile. Il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin qu'il soit enjoint à l'Office de procéder au rétablissement des conditions matérielles d'accueil avec effet rétroactif.

6. Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative confèrent au juge administratif des référés le pouvoir d'ordonner toute mesure dans le but de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public.

7. D'une part, il ressort des éléments produits devant le Conseil d'Etat que l'Office a rétabli le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A...à compter du mois de février 2019. Il s'ensuit que les conclusions d'appel de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir pour l'avenir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

8. D'autre part, si le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile qui pourrait résulter d'une privation des conditions matérielles d'accueil peut enjoindre à l'administration de les rétablir, et en particulier de reprendre le versement de l'allocation mentionnée à l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne lui appartient pas, en principe, d'enjoindre le versement de cette allocation à titre rétroactif pour une période écoulée. Il s'ensuit que les conclusions d'appel de M.A..., en tant qu'elles tendent au rétablissement rétroactif du versement de l'allocation pour demandeur d'asile, ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la Cimade, du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, de l'association " Avocats pour la défense des droits des étrangers ", de la Ligue des droits de l'Homme et de la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s sont admises.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A...dirigées contre l'ordonnance du 7 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Lille en tant qu'elles portent sur le rétablissement pour l'avenir des conditions matérielles d'accueil.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à la Cimade et à l'association " Avocats pour la défense des droits des étrangers ", premiers désignés de chaque intervention. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.



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