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Ariane Web: Conseil d'État 429026, lecture du 28 septembre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:429026.20200928

Décision n° 429026
28 septembre 2020
Conseil d'État

N° 429026
ECLI:FR:CECHR:2020:429026.20200928
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
CARBONNIER, avocats


Lecture du lundi 28 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle Pôle emploi a refusé de lui accorder une aide individuelle à la formation et la décision du 13 décembre 2016 rejetant son recours administratif contre cette décision. Par un jugement n° 1703365 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 21 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 600 euros à verser à Me D..., son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me D..., avocat de Mme C... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi, a sollicité de Pôle emploi une aide individuelle à la formation afin de suivre une formation de préparation au brevet de technicien supérieur de diététique de septembre 2016 à juillet 2018. Par une décision du 13 octobre 2016, sa demande a été rejetée. Mme C... a formé contre cette décision un recours administratif, qui a été rejeté le 13 décembre 2016. Par un jugement du 3 juillet 2018 contre lequel Mme C... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 13 octobre et 13 décembre 2016.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne en matière d'aide ou d'action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d'un contentieux portant sur une demande d'aide destinée à prendre en charge tout ou partie d'une dépense spécifique, soit le requérant a effectivement exposé cette dépense et le juge doit rechercher s'il satisfaisait alors aux conditions pour obtenir l'aide sollicitée, soit il n'a pas été en mesure de le faire et le juge doit rechercher si la demande d'aide conserve un objet et si le requérant remplit les conditions pour l'obtenir, au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant à la date à laquelle il statue. Dans les deux cas il doit, le cas échéant, prendre en considération la marge d'appréciation dont l'administration dispose pour accorder l'aide en litige.

3. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris a estimé que la demande formée par Mme C... devant lui, dirigée contre le refus de Pôle emploi de lui accorder l'aide individuelle à la formation qu'elle sollicitait, relevait du contentieux de l'excès de pouvoir. En statuant ainsi, le tribunal a méconnu son office.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, que le jugement attaqué doit être annulé.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En vertu du 2° de l'article L. 5312-1 du code du travail, Pôle emploi a notamment pour mission d'accompagner les personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, de prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle. L'article L. 6121-4 du même code prévoit que Pôle emploi " attribue des aides individuelles à la formation (...) ". En vertu de l'article R. 5312-6 de ce code, le conseil d'administration de Pôle emploi délibère notamment sur : " 2° Les mesures destinées à faciliter les opérations de recrutement des entreprises, à favoriser l'insertion, le reclassement, la promotion professionnelle et la mobilité géographique et professionnelle des personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, en application de la convention tripartite mentionnée à l'article L. 5312-3 ".

7. Par une délibération n° 2008/04 du 19 décembre 2008 relative à la fixation de la nature et des conditions d'attribution des aides et mesures accordées par Pôle emploi, adoptée sur le fondement de ces dispositions, le conseil d'administration de cette institution a prévu que : " Pôle emploi met en oeuvre des aides et des mesures destinées à favoriser une reprise d'emploi rapide et durable en favorisant l'insertion, le reclassement, la promotion professionnelle et la mobilité géographique et professionnelle des demandeurs d'emploi indépendamment de leurs droits au revenu de remplacement (...) " et que : " Les aides s'inscrivent dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi et sont attribuées dans la limite des enveloppes disponibles et dans la mesure où ces aides sont nécessaires à la reprise d'emploi. (...) Les directeurs régionaux de Pôle emploi peuvent cibler un public ou un secteur prioritaire au regard des caractéristiques des territoires (...) ". Par sa délibération n° 2015-10 du 3 février 2015, il a prévu, à ce titre, qu'une aide individuelle à la formation, revêtant un caractère complémentaire et subsidiaire aux financements accordés par les collectivités publiques et les organismes paritaires collecteurs agréés, peut être attribuée pour financer en tout ou partie les frais pédagogiques des formations, suivies par des demandeurs d'emploi, dont le contenu, les coûts pédagogiques et la durée ont été validés par Pôle emploi, dans le cadre de leur projet professionnel.

8. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui est toujours inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi, n'a pas encore suivi la formation pour laquelle elle avait sollicité une aide de Pôle emploi et qu'elle souhaite pouvoir la suivre prochainement. Après avoir travaillé pendant une vingtaine d'années en tant que chercheur en sciences économiques, elle a recherché un emploi dans le domaine des sciences économiques, de l'économie sociale, de l'économie du développement, tout en envisageant une réorientation vers le métier de conseiller à l'emploi ou de directeur des ressources humaines, puis, à partir de juin 2016, dans le domaine de la diététique. Elle sollicite l'aide individuelle à la formation pour la prise en charge d'une formation de 21 mois en vue de la préparation du brevet de technicien supérieur de diététique, pour un montant s'élevant à 10 070 euros à la date de sa demande initiale. Eu égard aux objectifs des aides accordées par Pôle emploi, destinées prioritairement à favoriser une reprise d'emploi rapide, et à la marge d'appréciation dont dispose Pôle emploi, il n'apparaît pas, à la date de la présente décision, qu'un défaut de prise en charge d'une telle formation conduirait à une méconnaissance des dispositions applicables à l'aide individuelle à la formation.

9. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que Mme C... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son recours, des vices propres dont seraient entachées les décisions rejetant sa demande d'octroi de l'aide individuelle à la formation.

10. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme C... doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au titre de ces dispositions par Me D..., avocat de Mme C....



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif de Paris par Mme C... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Me D..., avocat de Mme C..., présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... épouse C... et à Pôle emploi.


Voir aussi