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Ariane Web: Conseil d'État 441716, lecture du 30 septembre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:441716.20200930

Décision n° 441716
30 septembre 2020
Conseil d'État

N° 441716
ECLI:FR:CECHR:2020:441716.20200930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Manon Chonavel, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du mercredi 30 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par des mémoires enregistrés les 9 juillet et 17 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé ont approuvé l'avenant n° 19, conclu le 19 novembre 2019, à la convention nationale du 4 avril 2012 organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 162-15 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 162-15 et L. 162-16-1 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives, selon le cas, des médecins généralistes ou des médecins spécialistes. De même, en vertu de l'article L. 162-9 de ce code, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Enfin, en vertu de l'article L. 162-14 du même code, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales sont définis par une convention nationale conclue entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives de cette profession. Aux termes des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale : " L'opposition formée à l'encontre d'une convention ou d'un accord [définissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins] par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national au sens de l'article L. 162-33 réunissant la majorité des suffrages exprimés, dans chacun des collèges, lors des élections à l'union régionale des professionnels de santé regroupant les médecins fait obstacle à sa mise en oeuvre. / L'opposition formée à l'encontre d'une convention ou d'un accord [définissant les relations entre l'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux et les directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales] (...) par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national au sens de l'article L. 162-33 réunissant la majorité des suffrages exprimés lors des élections aux unions régionales des professionnels de santé prévues à l'article L. 4031-2 du code de la santé publique fait obstacle à sa mise en oeuvre / Pour les professions [relevant de l'alinéa précédent] pour lesquelles, en application de l'article L. 4031-2 du même code, ne sont pas organisées d'élections aux unions régionales des professionnels de santé, l'opposition fait obstacle à la mise en oeuvre de la convention ou de l'accord si elle est formée par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national au sens de l'article L. 162-33 du présent code réunissant au moins le double des effectifs de professionnels représentés par les organisations syndicales signataires ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et l'ensemble des pharmaciens titulaires d'officine sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une (ou plusieurs) organisation(s) syndicales(s) représentative(s) des pharmaciens titulaires d'officine, d'une part, et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, d'autre part. / (...) La convention et ses avenants, lors de leur conclusion ou lors d'une tacite reconduction, sont approuvés par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé. Ils sont réputés approuvés si les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé n'ont pas fait connaître aux signataires, dans un délai de vingt et un jours suivant la réception du texte, qu'ils s'opposent à leur approbation du fait de leur non-conformité aux lois et règlements en vigueur ou pour des motifs de santé publique ou de sécurité sanitaire ou lorsqu'il est porté atteinte au principe d'un égal accès aux soins (...) ".

4. La fédération requérante soutient que les articles L. 162-15 du code de la sécurité sociale et L. 162-16-1 du même code méconnaissent le principe d'égalité devant la loi en tant qu'ils n'étendent pas aux organisations syndicales représentatives des pharmaciens d'officine majoritaires le droit d'opposition à l'encontre des conventions et avenants régissant les rapports de leur profession avec les organismes d'assurance maladie qu'ils ouvrent aux organisations syndicales représentatives majoritaires des autres professions de santé dont les rapports avec l'assurance maladie sont régis par une convention.

5. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. (...) ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

6. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 2 et 3 que le législateur a entendu, eu égard aux différences de situation qui caractérisent les professions de santé réglementées, que les rapports avec les organismes d'assurance maladie de chacune des professions concernées fassent l'objet d'une convention distincte. Le principe d'égalité n'implique pas que la conclusion de ces conventions soit soumise à des règles de procédure identiques. Par suite, la circonstance que les dispositions en litige n'ouvrent pas aux organisations syndicales représentatives des pharmaciens d'officine majoritaires le droit d'opposition à l'encontre des conventions et avenants régissant les rapports de leur profession avec les organismes d'assurance maladie qu'elles prévoient en faveur des organisations syndicales représentatives majoritaires des autres professions de santé, dont les rapports avec l'assurance maladie sont également régis par une convention, n'est pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 162-15 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, au ministre des solidarités et de la santé et à l'Union des caisses d'assurance maladie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et à l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine.


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