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Ariane Web: Conseil d'État 439105, lecture du 21 janvier 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:439105.20210121

Décision n° 439105
21 janvier 2021
Conseil d'État

N° 439105
ECLI:FR:CECHR:2021:439105.20210121
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Bruno Delsol, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, avocats


Lecture du jeudi 21 janvier 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2000051 du 12 février 2020, enregistrée le 25 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée par M. B... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 11 février 2020, et trois mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 et 5 octobre et le 3 novembre 2020, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 16 janvier 2020 par laquelle le haut-commissaire de la République en Polynésie française a refusé de constater l'absence d'option de M. A... D... entre ses fonctions de ministre du gouvernement de la Polynésie française et celles de président du centre de gestion et de formation ;

2°) d'enjoindre au haut-commissaire de la République en Polynésie française de constater ce défaut d'option.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 ;
- le décret n° 2011-1040 du 29 août 2011 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. B... D... ;


Considérant ce qui suit :

1. L'article 75 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que : " Le président de la Polynésie française et les autres membres du gouvernement sont soumis aux règles d'incompatibilité applicables aux représentants à l'assemblée de la Polynésie française ". Aux termes du I de l'article 111 de la même loi : " Le mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française est incompatible : / (...) / 5° Avec les fonctions de directeur ou de président d'établissement public, lorsqu'elles sont rémunérées ; / (...) ". L'article 77 de la même loi prévoit que : " Le président de la Polynésie française, au moment de son élection, le vice-président et les ministres, au moment de leur désignation, doivent, lorsqu'ils se trouvent dans l'un des cas d'incompatibilité prévus aux articles 75 et 76, déclarer leur option au haut-commissaire dans le délai d'un mois suivant leur entrée en fonction. / Si la cause de l'incompatibilité est postérieure, selon le cas, à l'élection ou à la désignation, le droit d'option prévu à l'alinéa précédent est ouvert pendant le mois suivant la survenance de la cause de l'incompatibilité. / A défaut d'avoir exercé son option dans les délais, le président de la Polynésie française, le vice-président ou le ministre est réputé avoir renoncé à ses fonctions de président ou de membre du gouvernement de la Polynésie française. / L'option exercée ou le défaut d'option est constaté par un arrêté du haut-commissaire (...) " ; selon l'article 82 de la même loi organique, les recours contre les arrêtés mentionnés à l'article 77 sont portés devant le Conseil d'Etat.

2. Il résulte de ces dispositions que le président de la Polynésie française et les membres du gouvernement du territoire sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilité que les représentants à l'assemblée de la Polynésie française, ainsi qu'à des règles spécifiques. Le
haut-commissaire de la République en Polynésie française est tenu de constater, à l'expiration du délai d'un mois à partir de la date à laquelle survient la cause d'incompatibilité, le défaut d'option par un membre du gouvernement de la Polynésie française qui se trouve dans un cas d'incompatibilité. Un tel constat peut être effectué soit d'office, soit sur réclamation de tout électeur. Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort du refus opposé, le cas échéant, à une telle réclamation.

3. La requête de M. C... doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 16 janvier 2020 par laquelle le haut-commissaire a refusé de constater un défaut d'option de M. D... entre ses fonctions de ministre du gouvernement de la Polynésie française et celles de président du centre de gestion et de formation et comme demandant qu'il soit enjoint au haut-commissaire de constater ce défaut d'option.

4. Selon l'article 30 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, le centre de gestion et de formation est un établissement public local auquel les communes, groupements de communes, établissements publics à caractère administratif relevant des communes sont obligatoirement affiliés. Son conseil d'administration est composé de représentants élus de ces collectivités et établissements, titulaires d'un mandat municipal. Le conseil d'administration élit en son sein le président du centre. Aux termes du II de l'article 192 du décret du 29 août 2011 fixant les règles communes applicables aux fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : " Des arrêtés du
haut-commissaire de la République en Polynésie française prévoient : / 1° Les cas, les conditions et les limites dans lesquels le président et les vice-présidents du conseil d'administration du centre de gestion et de formation peuvent percevoir des indemnités de fonctions ; 2° Les conditions dans lesquelles sont remboursés les frais de déplacement et de séjour exposés par les membres du conseil d'administration à l'occasion des réunions du conseil ou de tout organisme dont ils font partie ès qualités. ".

5. Il résulte de ces dispositions que les indemnités que peut percevoir le président du centre de gestion et de formation doivent être regardées comme de même nature que celles qui sont prévues pour l'exercice des fonctions électives locales. En vertu de l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites, sans préjudice des dispositions qui prévoient notamment des indemnités de fonction. Eu égard au principe de gratuité des fonctions ainsi énoncé, les fonctions de président du centre de gestion et de formation ne peuvent pas être regardées comme des fonctions rémunérées au sens de l'article 111 précité de la loi organique du 27 février 2004. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que M. D... se trouve dans un cas d'incompatibilité à raison de ses fonctions de président du centre de gestion et de formation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par M. D..., que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre des outre-mer et par M. D... au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre des outre-mer et de M. D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., au ministre des outre-mer, à M. A... D..., au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au président de la Polynésie française.



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