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Ariane Web: Conseil d'État 446767, lecture du 17 février 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:446767.20210217

Décision n° 446767
17 février 2021
Conseil d'État

N° 446767
ECLI:FR:CECHR:2021:446767.20210217
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP LEDUC, VIGAND ; CABINET COLIN - STOCLET, avocats


Lecture du mercredi 17 février 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le refus du maire de Taiarapu-Est de faire procéder par le conseil municipal à l'élection du maire délégué de la commune associée d'Afaahiti. Par un jugement n° 2000445 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé pour excès de pouvoir la décision contestée et a enjoint au maire de Taiarapu-Est de convoquer le conseil municipal en vue de procéder à cette élection.

1° Sous le n° 446767, par une requête en tierce-opposition, enregistrée le 23 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A..., en son nom personnel et en qualité de maire de Taiarapu-Est, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer nul et non avenu ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....


2° Sous le n° 446788, la commune de Taiarapu-Est et M. C... A..., en qualité de maire de Taiarapu-Est, par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 novembre 2020, demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même jugement ;

2°) de rejeter la protestation de Mme B....


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :

- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 ;
- la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 ,
- l'article 3 de la loi n° 2016-1658 du 5 décembre 2016 ;
- l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 ;
- le décret n° 72-407 du 17 mai 1972 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme H... F..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. C... A... et de la commune de Taiarapu Est, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme G... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Taiarapu-Est, la liste " No Te Ananahi O Taiarapu-Est ", conduite par M. C... A..., a recueilli le plus grand nombre de suffrages, devant la liste " Ia Hoe I Roto I Te Raura'a ", conduite par Mme G... B... et la liste " Amui Ana'e No Taiarapu ", conduite par M. D... E.... Toutefois, dans la commune associée d'Afaahiti, c'est la liste " No Te Ananahi O Taiarapu-Est " qui a obtenu le plus de suffrages. Par un courrier du 5 juillet 2020, Mme B... s'est portée candidate à la fonction de maire déléguée de la commune associée d'Afaahiti. Cependant, il n'a été procédé à cette élection ni lors des opérations électorales du 5 juillet 2020 qui ont conduit à l'élection de M. A... en qualité de maire de Taiarapu-Est, de ses adjoints, et des maires délégués des trois autres communes associées, ni lors d'un conseil municipal ultérieur. Par un jugement du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi par Mme B..., a annulé pour excès de pouvoir la décision du maire de la commune de Taiarapu-Est portant refus d'organiser l'élection du maire délégué de la commune associée d'Afaahiti et a enjoint au maire de la commune de convoquer le conseil municipal en vue de procéder à l'élection du maire délégué de la commune associée d'Afaahiti, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement. Sous le n°446767, M. A... en sa qualité personnelle et en qualité de maire de Taiarapu-Est forme tierce-opposition à ce jugement. Sous le n° 446788, la commune et M. A..., en sa qualité de maire de Taiaparu-Est, en font appel. Il y lieu de joindre ces requêtes qui présentent à juger les mêmes questions.

Sur la requête d'appel :

2. Dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1658 du 5 décembre 2016, applicable en l'espèce, l'article L. 2573-3 du code général des collectivités territoriales précise que, sous réserve d'adaptations qu'il énonce, les articles L. 2113-1 à L. 2113-19, les articles L. 2113-21 à L. 2113-25 et le second alinéa de l'article L. 2113-26, dans leur rédaction antérieure à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, sont applicables aux communes de la Polynésie française. Dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2008 applicable en l'espèce, l'article L. 2573-6 du même code prévoit que les articles L. 2122-1 à L. 2122-4, les deux premiers alinéas de l'article L. 2122-5, les articles L. 2122-5-2 à L. 2122-22, à l'exception de ses 13°, 18°, 19°, 21° et 22° et les articles L. 2122-23 à L. 2122-35 sont applicables aux communes de la Polynésie française sous réserve également d'adaptations qu'il énonce. Aux termes de l'article L. 2113-22 du même code dans la version issue de la loi du 24 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, telle qu'elle est rendue applicable à la Polynésie française par l'article L 2573-3 : " Le maire de l'ancienne commune en fonction au moment de la fusion devient de droit maire délégué jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal./ Après ce renouvellement ou en cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, du siège de maire délégué, le maire délégué est désigné par le conseil municipal parmi les conseillers élus sur la liste ayant recueilli le plus de suffrages dans la section correspondante ou, à défaut de candidature d'un des conseillers municipaux élus sur la liste arrivée en tête dans la section, parmi les conseillers élus sur les autres listes de la section correspondante, ou, à défaut, parmi les autres membres du conseil./ Le maire délégué est élu par le conseil municipal parmi ses membres, dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7". Aux termes de l'article R. 321-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en appel d'un jugement statuant sur une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du maire refusant d'organiser l'élection du maire délégué d'une commune associée.

En ce qui concerne la recevabilité :

3. La commune n'est pas recevable à faire appel du jugement rendu par un tribunal administratif saisi d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision d'un maire refusant d'organiser l'élection du maire délégué d'une commune associée, dès lors que celui-ci agit comme agent de l'Etat dans l'exercice des attributions qui lui sont conférées à cette fin. Il s'ensuit qu'en l'espèce, la commune de Taiarapu-Est n'est pas recevable à faire appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du maire de Taiarapu-Est, prise en sa qualité d'agent de l'Etat, de ne pas procéder à l'élection du maire délégué de la commune d'Afaahiti, alors même que le tribunal administratif, la mettant en cause pour observations, l'aurait regardée à tort comme ayant la qualité de défendeur.

4. M. A..., maire de Taiarapu-Est, auteur de la décision litigieuse, fait appel du jugement du 22 septembre 2020 au côté de la commune. Dès lors qu'il n'a pas, à tort, été appelé en défense par le tribunal administratif en première instance et que l'appel de la commune fait obstacle à ce qu'il forme utilement tierce-opposition contre ce jugement, ses conclusions d'appel sont recevables

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en omettant de préciser les raisons pour lesquelles les dispositions de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables en l'espèce n'est pas fondé, dès lors que celui expose que la commune de Taiarapu-Est est née de la transformation de quatre districts en sections de communes et non pas d'une fusion de communes au sens de ces dispositions. Il ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le fond :

6. D'une part, la loi du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française, qui a institué un régime communal sur ce territoire, dispose en son article 3 que : " Lorsqu'une commune est composée de plusieurs districts, ceux-ci sont transformés en sections de communes ", chaque section constituant une section électorale en vertu de l'article 12. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 mai 1972 portant création de communes dans le territoire de la Polynésie française : " Sont créés en Polynésie française:/ 1° Dans l'île de Tahiti, les neuf communes dont les noms suivent : / (...) Taiarapu-Est, chef-lieu Afaahiti (...) ". Selon son article 8, cette commune est composée des districts de Tautira, Pueu, Afaahiti et Faaone. L'article 17 de la loi du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française a transformé ces districts en sections de communes prévoit que les communes associées se substituent aux sections des communes créées par la loi du 24 décembre 1971. Selon l'article L. 2113-13, dans dans sa version issue de la loi du 21 février 1996 relative à la partie Législative du code général des collectivités territoriales, applicable en l'espèce en vertu de l'article L. 2513-3 du même code mentionné au point 2 : " La création d'une commune associée entraîne de plein droit :/ 1° L'institution d'un maire délégué (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales, applicable dans sa version issue de la loi du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, en vertu de l'article L. 2513-3 du même code mentionné au point 2 : " Lorsqu'une fusion est envisagée, le conseil municipal d'une ou de plusieurs des communes concernées, à l'exception de celle sur le territoire de laquelle doit être fixé le chef-lieu de la nouvelle commune, peut demander que le territoire correspondant à sa commune soit maintenu en qualité de commune associée et conserve son nom./ Il est fait droit à cette demande dans l'acte prononçant la fusion ".

8. Il résulte des dispositions citées au point 6 que la commune de Taiarapu-Est est née de la transformation, en 1972, des districts de Tautira, Pueu, Afaahiti et Faaone en sections de communes auxquelles se sont substituées, en 1977, les communes associées éponymes. Dès lors, elle ne peut être regardée, en dépit de l'abrogation à compter du 1er mars 2008, par l'ordonnance du 5 octobre 2007 pour le développement économique des outre-mer, des dispositions précitées des lois du 24 décembre 1971 et du 27 décembre 1977, comme étant issue d'une fusion de communes, au sens des dispositions de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales. En revanche, lui sont applicables celles de l'article L. 2113-13 du même code qui imposent, dans chaque commune associée, l'institution d'un maire délégué. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé sa décision de ne pas organiser l'élection du maire délégué de la commune associée d'Afaahiti et lui a enjoint de convoquer le conseil municipal de Taiarapu-Est en vue de procéder à cette élection.

Sur la requête en tierce-opposition :

9. La requête de M A... en tierce opposition au jugement du 22 septembre 2020 présentée directement devant le Conseil d'Etat n'est pas recevable. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que cette requête est également irrecevable au motif que ce jugement a fait l'objet d'un appel.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que Mme B... demande, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la commune de Taiarapu-Est et de M. A... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à la commune de Taiarapu-Est, à Mme G... B....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre des outre-mer.


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